CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 22 mars 2001

La séance est ouverte à 10 heures.


 

Prière

 

AFFAIRES COURANTES

 

.1005 +

 

.1025



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

L'hon. Lawrence MacAulay (au nom du ministre des Finances)propose: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-18, qui modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces relativement au programme de péréquation.

[Français]

Ce projet de loi est le fruit des accords historiques que les premiers ministres du Canada ont conclus le 11 septembre 2000, dans le but d'établir un plan visant à renouveler le système de santé, à améliorer le soutien accordé au développement de la petite enfance et à renforcer d'autres programmes sociaux.

[Traduction]

Confirmant ces accords, le gouvernement fédéral y va de sa plus grande contribution jamais faite à la santé, aux études supérieures et aux services sociaux—soit un investissement de 23,4 milliards de dollars sur cinq ans.

Il a déjà été fait mention de la plus grande partie de ces fonds, soit 21,1 milliards de dollars, dans le projet de loi C-45 l'automne dernier. Les fonds seront versés dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le TCSPS, dont je parlerai dans un moment.

La question de la péréquation a également été soulevée à la conférence des premiers ministres.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui donne suite à l'engagement qu'a pris le premier ministre, à cette occasion, d'abolir le plafond du programme de péréquation pour l'exercice 1999-2000.

[Français]

Le premier ministre a également demandé au ministre des Finances de consulter ses homologues des provinces et des territoires sur le meilleur moyen de donner suite à cet engagement. Le ministre des Finances a récemment terminé ses consultations.

[Traduction]

Avant de parler du projet de loi C-18, permettez-moi de l'inscrire dans son contexte. Je voudrais expliquer brièvement comment fonctionne le système des transferts fédéraux et souligner l'importance du programme de péréquation.

Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, joue un rôle de premier plan dans le soutien du système de santé et d'autres programmes sociaux. Les provinces et les territoires se chargent de la prestation des services en matière de santé, d'éducation et de services sociaux pendant que le gouvernement leur accorde une aide financière au moyen de paiements de transfert.

Aujourd'hui, le gouvernement fédéral transfère quelque 40 milliards de dollars aux provinces et aux territoires par l'entremise de trois programmes: le TCSPS, la péréquation et la Formule de financement des territoires.

Grâce à ces transferts, tous les Canadiens ont un accès égal aux soins de santé publics; ils ont droit à un filet de sécurité sociale pour ceux qui en ont le plus besoin; ils ont le choix d'aller n'importe où au Canada pour trouver un emploi; ils peuvent faire des études supérieures ou suivre des cours de formation s'ils y sont admissibles et ils reçoivent des services raisonnablement comparables où qu'ils vivent au Canada.

 

.1030 +-

Je vais maintenant examiner un par un ces transferts fédéraux parce qu'il règne une certaine confusion dans le public à cet égard, sans parler de la désinformation.

Je parlerai d'abord du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le TCSPS sert à la mise en pratique des cinq principes du régime d'assurance-maladie universel énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, à savoir l'universalité, l'intégralité, l'accessibilité, la transférabilité et la gestion publique. Il fait également en sorte qu'aucune période de résidence minimale ne soit exigée pour l'admissibilité à l'aide sociale.

Ces transferts sont versés en bloc aux provinces et aux territoires en fonction du nombre d'habitants sous forme d'espèces et de points d'impôt, pour la santé, les études postsecondaires, le développement de la petite enfance et les programmes sociaux.

[Français]

Les nouveaux fonds prévus dans la loi adoptée l'automne dernier représentent la cinquième majoration du TCSPS depuis 1995. Les transferts en espèces aux provinces et aux territoires au titre du TCSPS passeront maintenant à 18,3 milliards de dollars en 2001-2002, à 19,1 milliards en 2002-2003 et à 21 milliards en 2005-2006. À ce moment-là, les transferts en espèces dépasseront de 35 p. 100 le niveau actuel qui est de 15,5 milliards de dollars.

[Traduction]

Je vais dire quelques mots sur les transferts de points d'impôt. Il s'agit là d'un des aspects les moins bien compris du TCSPS, même s'ils sont essentiels au fonctionnement du programme.

En 1977, dans le cadre du Financement des programmes établis, un des programmes ayant été remplacés par le TCSPS, le gouvernement fédéral a transféré des points d'impôt aux provinces, c'est-à-dire qu'il a réduit de 13,5 p. 100 son taux d'impôt sur le revenu des particuliers et de 1 p. 100 sont taux d'impôt sur le revenu des sociétés, afin que les provinces puissent relever leurs taux d'un pourcentage équivalent.

L'incidence nette des transferts de points d'impôt pour les contribuables a été nulle, mais elle a été très réelle pour les administrations fédérale et provinciales. En fait, les transferts de points d'impôt représentent des recettes accrues pour les provinces, mais un manque à gagner pour le gouvernement fédéral. Par ce transfert de points d'impôt, le gouvernement fédéral voulait faire en sorte que les provinces et les territoires recueillent eux-mêmes des recettes pour financer la santé, l'éducation postsecondaire et les programmes sociaux.

En 2001-2002, la valeur des points d'impôt transférés représentera près de 16 milliards de dollars, soit environ la moitié du montant total versé aux provinces au titre du TCSPS. Les députés d'en face oublient souvent ce détail.

Le deuxième programme fédéral de transferts aux provinces est la péréquation, qui assure aux provinces moins prospères une aide financière leur permettant d'offrir à leur population des programmes et des services comparables à ceux des provinces mieux nanties. Les paiements de péréquation ne sont assortis d'aucune condition: les provinces peuvent les utiliser comme elles l'entendent. En 2000-2001, sept provinces devraient recevoir des paiements de péréquation s'élevant à 10,8 milliards de dollars.

La Formule de financement des territoires, la FFT, le troisième programme de transferts, tient compte des coûts supérieurs liés à la prestation de services publics dans le Nord. En 2000-2001, les paiements effectués dans le cadre de ce programme devraient s'établir à 1,4 milliard de dollars.

Ce sont là les trois principaux programmes de transferts du gouvernement fédéral et, comme je l'ai déjà dit, ils représentent environ 40 milliards de dollars par année pour les provinces et les territoires.

Le projet de loi C-18 porte expressément sur le programme de péréquation, un programme qui exprime de bien des façons la générosité du Canada. Ce programme existe depuis 1957, et il a joué un rôle important dans la définition de l'essence même de la fédération canadienne. La péréquation constitue une formule unique dont l'objet a été enchâssé dans la Constitution canadienne en 1982.

[Français]

Tel qu'il est indiqué dans la Loi constitutionnelle: «Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables».

[Traduction]

Autrement dit, le programme de péréquation a pour objet de veiller à ce que les provinces moins prospères soient en mesure de fournir des services publics sensiblement comparables à ceux des provinces plus riches, et ce, tout en s'assurant que leurs impôts soient comparables.

 

.1035 +-

À l'heure actuelle, sept provinces ont droit à des paiements de péréquation: Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan. L'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique n'y ont pas droit.

L'importance qu'attache le gouvernement au programme est bien illustrée par le fait que la péréquation est l'un des rares programmes fédéraux à ne pas avoir fait l'objet de mesures de compression au milieu des années 90. Le gouvernement comprend bien toute l'importance du programme pour les provinces bénéficiaires.

En réalité, la péréquation a augmenté plus rapidement que prévu, soit de 33 p. 100, ce qui équivaut à 2,7 milliards de dollars, depuis notre arrivée au pouvoir. Les estimations relatives à la péréquation sont mises à jour deux fois par année, à mesure que de nouvelles données sur l'évolution de l'économie et de son incidence sur les recettes des provinces sont diffusées.

Les estimations montrent donc que les paiements de péréquation n'ont jamais été aussi élevés. D'après les plus récentes estimations officielles publiées par le ministre des Finances, en février dernier, les paiements de péréquation versés aux provinces bénéficiaires dépasseront d'environ 1,8 milliard de dollars les estimations du mois d'octobre dernier.

[Français]

Ces chiffres plus élevés ne sont pas attribuables à la faible performance économique des provinces bénéficiaires. Au contraire, les paiements augmentent immédiatement d'environ un milliard de dollars en raison surtout de la croissance économique exceptionnellement vigoureuse en Ontario au cours des deux dernières années.

[Traduction]

De ce montant, 52 millions de dollars sont alloués pour 1999-2000, et 955 millions, pour 2000-2001. Les autres 800 millions représentent les fonds additionnels qui seront versés aux provinces bénéficiaires à l'adoption de ce projet de loi.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement comment fonctionne le programme de péréquation. La péréquation est le plus important programme fédéral permettant de réduire les écarts qui existent entre provinces au chapitre de la capacité de produire des recettes. Des fonctionnaires fédéraux et provinciaux examinent le programme de façon continue afin de veiller à ce que ces écarts soient mesurés aussi précisément que possible.

En outre, la législation relative à la péréquation est renouvelée tous les cinq ans, le dernier renouvellement remontant à 1999. Les paiements de péréquation sont calculés d'après une formule énoncée dans la législation fédérale et sont rajustés automatiquement en fonction de l'évolution de l'économie des provinces.

Lorsque l'économie d'une province connaît une croissance supérieure à celle des autres provinces, ses paiements de péréquation diminuent automatiquement en vertu de cette formule, pour refléter sa richesse accrue. Par contre, lorsque la capacité financière d'une province admissible diminue en raison d'un ralentissement de son économie, son transfert de péréquation est automatiquement majoré.

[Français]

Ainsi, le programme de péréquation stabilise automatiquement les recettes des gouvernements provinciaux. Les paiements de péréquation sont assujettis à des dispositions de plafonnement et de seuil.

[Traduction]

Le plafond a pour but de protéger le gouvernement fédéral contre l'augmentation imprévue des paiements. Autrement dit, ce plafond empêche l'évolution de la conjoncture économique de rendre les paiements de péréquation inabordables, assurant ainsi la viabilité du programme à long terme.

En revanche, le seuil protège chaque province contre toute diminution soudaine et importante des paiements.

Le plafond pour 1999-2000 a été fixé à 10 milliards de dollars et, mis à part les dispositions de ce projet de loi, il augmentera, au cours des années à venir, à un rythme équivalant à la croissance du produit intérieur brut.

J'aimerais maintenant parler du projet de loi C-18, qui abolit le plafond de péréquation pour l'exercice 1999-2000 et pour cet exercice seulement. Comme je l'ai expliqué plus tôt, l'abolition du plafond fait suite à l'engagement qu'a pris le premier ministre à cet égard à la réunion des premiers ministres tenue en septembre dernier.

[Français]

Le communiqué diffusé à la fin de la réunion précisait clairement que: «le premier ministre a convenu de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun plafond ne soit appliqué à l'année financière 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, la péréquation augmentant au rythme de croissance du PIB.

[Traduction]

Alors que le coût final de l'abolition du plafond ne sera connu qu'à l'automne 2002, c'est-à-dire au moment de la diffusion des estimations finales pour 1999-2000, on estime qu'il s'élèvera à 792 millions de dollars.

 

.1040 +-

Cette somme sera répartie entre les sept provinces admissibles, selon le nombre d'habitants. Chaque province recevra le même montant par habitant, étant donné que le plafond touche toutes les provinces de la même façon. Grâce à l'abolition du plafond pour 1999-2000, chaque province bénéficiaire touchera 67 $ par personne.

Voici la ventilation par province. Terre-Neuve recevra 36 millions de dollars. L'Île-du-Prince-Édouard sera admissible à 10 millions de dollars. La Nouvelle-Écosse aura droit à 62 millions de dollars. Le Nouveau-Brunswick touchera 50 millions de dollars. Le Québec obtiendra 489 million de dollars. Le paiement au Manitoba sera de 76 millions de dollars. Quant à la Saskatchewan, elle aura droit à 69 millions de dollars.

J'aimerais apporter une précision au sujet des nouvelles estimations relatives à la péréquation qui ont été rendues publiques en février. La récente annonce de paiements de péréquation additionnels de 1,8 milliard de dollars a suscité des réactions dans le public. Certains se sentent insultés si les paiements versés à leur province ne sont pas assez élevés, d'autres se plaignent de favoritisme si les paiements à d'autres provinces sont trop élevés.

Les paiements de péréquation sont fondés sur une formule qui mesure la performance relative des économies provinciales. Cette formule est appliquée de la même façon à toutes les provinces.

[Français]

Toutes les provinces dont la capacité de produire des recettes est inférieure à la norme établie au titre de la péréquation reçoivent des paiements du gouvernement fédéral. Pourquoi? Parce que le gouvernement s'est engagé à faire en sorte que toutes les provinces puissent fournir des services comparables à leurs résidants.

[Traduction]

Les provinces ne reçoivent pas toutes le même paiement de péréquation parce que leur situation économique n'est pas la même. Cette année, la Saskatchewan a besoin de 230 $ par personne pour être ramenée au niveau de la norme, tandis que Terre-Neuve a besoin de 2 000 $ par personne. Pour en arriver au paiement de péréquation, il faut multiplier le chiffre établi par habitant par la population totale d'une province.

Même si ses droits à péréquation par habitant se situent en avant-dernière position, le Québec reçoit habituellement le paiement le plus élevé en raison du chiffre élevé de la population. À l'autre extrémité, même si les droits à péréquation par habitant de l'Île-du-Prince-Édouard sont au deuxième rang des droits les plus élevés, son paiement est habituellement le moins élevé en raison du faible chiffre de la population. J'espère que ces précisions permettront de dissiper toute confusion au sujet de cette question.

J'aimerais revoir quelques points. Nous savons que toutes les régions du pays ne peuvent produire les mêmes recettes pour financer leurs services publics. Les transferts fédéraux contribuent donc à faire en sorte que les programmes importants soient financés comme il se doit. Ils font également en sorte que tous les Canadiens reçoivent des services raisonnablement comparables, peu importe où ils vivent au Canada.

Nous savons donc que nous vivons dans un pays où les soins de santé, l'éducation et les services publics de base ont à peu près la même qualité dans toutes les provinces.

Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, j'invite tous mes collègues à garder à l'esprit les points suivants. Les transferts fédéraux ont augmenté sensiblement au cours des dernières années. Le TCSPS a été majoré de plus de 35 milliards de dollars. Les droits à péréquation ont augmenté de 2 milliards de dollars par année depuis 1995-1996 et devraient continuer de s'accroître. L'abolition du plafond de péréquation pour 1999-2000 devrait valoir près de 800 millions de dollars en transferts supplémentaires pour cette année-là seulement.

[Français]

Je tiens à rappeler à tous qu'avec ce projet de loi, nous donnons suite à l'engagement qu'a pris le premier ministre d'abolir le plafond de péréquation pour 1999-2000, ce qui signifie que les provinces bénéficiaires toucheront plus d'argent. Le projet de loi C-18 montre à quel point le gouvernement considère la péréquation comme prioritaire et il permet de faire en sorte que les provinces bénéficiaires continuent de disposer des ressources nécessaires pour fournir à leurs citoyens les services qu'ils veulent et dont ils ont besoin.

[Traduction]

Je terminerai en citant ce que le ministre des Finances a dit après sa rencontre avec ses homologues de l'Atlantique il y a quelques semaines. Il a dit ceci:

Le gouvernement fédéral doit toujours, en fin de compte, agir dans l'intérêt national et, dans ce contexte, il doit veiller à ce que chacune des provinces soit traitée équitablement.

C'est exactement ce que vise le projet de loi C-18. Il poursuit la tradition d'équité qui caractérise le programme de péréquation depuis plus de 40 ans. J'exhorte tous les députés à adopter ce projet de loi sans tarder.

 

.1045 +-

[Français]

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-18.

Tout d'abord, je dois dire que l'opposition officielle, l'Alliance canadienne, appuie le principe de la péréquation, mais nous avons quelques inquiétudes à l'égard de ce projet de loi en particulier.

[Traduction]

L'opposition officielle appuie en principe l'obligation constitutionnelle de la péréquation, mais la mesure à l'étude lui inspire certaines inquiétudes.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances vient de faire un exposé assez complet sur la mesure à l'étude. Il l'a également décrite dans le contexte plus large des transferts fiscaux fédéraux aux provinces. Elle est cependant d'une portée très étroite, beaucoup plus étroite que le laisseraient croire les propos de mon honorable collègue. Cette mesure se limite strictement à hausser, ou éliminer pour une certaine année financière, le plafond applicable aux paiements de péréquation. Elle le fait pour l'année financière 1999-2000, maintenant passée depuis près de deux ans.

Dès le départ, je dois dire que mes collègues et moi sommes liés par la politique démocratiquement approuvée de notre parti qui appuie le principe de la péréquation. Je cite à cet égard notre manifeste:

Nous reconnaissons que les différentes provinces et régions du Canada n'ont pas les mêmes richesses, mais que toutes veulent fournir des services similaires à leurs résidants. Nous sommes donc déterminés à appliquer le principe constitutionnel des paiements de péréquation afin d'assurer que les gouvernements disposent des recettes suffisantes pour fournir à leurs résidants des niveaux de services essentiels raisonnablement comparables, à des taux d'imposition raisonnablement comparables.

Nous appuyons en effet l'idée que, dans une grande fédération complexe présentant des inégalités assez importantes en matière de richesses, de revenu et de niveaux de vie, le gouvernement fédéral doit jouer un certain rôle pour égaliser l'accès à des services fondamentaux essentiels à des taux d'imposition relativement comparables.

Cela dit, nous croyons que la formule actuelle de péréquation et son fonctionnement devraient être soumis à un débat et à un examen sérieux. La majorité des provinces ont réclamé ce débat. Nous, de l'opposition officielle, voudrions qu'il soit clair que nous appuyons ce débat. Nous estimons que le régime actuel entraîne de nombreux problèmes, de nombreuses conséquences involontaires qui ont pour effet de pénaliser à la fois les provinces dont l'expansion économique et la croissance sont excellentes et les contribuables des provinces nanties.

On fait souvent remarquer que, dans un pays riche comme le Canada, il est inconvenant de dire que sept des dix provinces sont invariablement moins nanties. La mentalité du régime actuel de péréquation perpétue dans certaines provinces une attitude qui nuit au développement économique.

Un aspect que nous, de l'opposition, avons soulevé et que nous espérons examiner, c'est la proposition de lancer des négociations afin d'envisager que le gouvernement fédéral ne pénalise pas, dans ses paiements de péréquation, pour au moins une certaine période, les provinces qui tirent actuellement de nouvelles recettes de leurs ressources non renouvelables.

En raison du régime actuel, bien des économistes disent qu'on assiste à ce qu'ils appellent le phénomène du piège de l'aide sociale, dans lequel une augmentation des revenus ou, dans le cas qui nous occupe, l'apport de recettes supplémentaires au trésor provincial, entraîne une réduction proportionnelle des transferts fédéraux au programme de péréquation. Cet état de choses dissuade les provinces moins nanties de favoriser leur développement économique. C'est un des nombreux aspects à explorer.

 

.1050 +-

Il faut voir si les formules sont vraiment appliquées, si les calculs sont justes et équitables et si toutes les provinces devraient être prises en compte dans le calcul de la formule de péréquation ou si certaines devraient en être exclues, comme certaines provinces l'ont proposé. Il faudrait examiner attentivement l'application du seuil et du plafond de la péréquation et voir si le programme permet vraiment d'uniformiser l'accès aux services publics partout au Canada en contrepartie de niveaux d'imposition comparables.

Des théoriciens en matière d'économie, dont ceux de l'Institut C.D. Howe, ont noté qu'une meilleure façon d'uniformiser l'accès à des services publics de qualité consisterait peut-être à effectuer des transferts proportionnels au revenu aux particuliers, plutôt que des transferts non proportionnels d'un gouvernement à un autre.

Ces économistes nous ont demandé de réfléchir, en tant que décideurs, au paradoxe selon lequel, par exemple, des gens de ma circonscription de l'ouest de l'Alberta, la province qui contribue le plus à la péréquation, gagnent des salaires inférieurs à la moyenne. Ces travailleurs viennent de familles à faible revenu et, même s'ils ont peu de moyens, ils doivent payer une grande partie des impôts fédéraux. Une partie de leurs impôts servent à financer le programme de péréquation.

La plupart de mes électeurs ne seraient pas contre le principe général voulant que l'on partage la richesse et les perspectives économiques à l'échelle du pays. Toutefois, ces économistes nous demandent de réfléchir à la manière de rendre efficace le transfert des richesses entre gouvernements et entre contribuables indépendamment de leur revenu. Lorsque, dans ma circonscription, les familles ayant un revenu qui se situe dans la tranche inférieure du revenu moyen payent des impôts plus élevés afin de financer la péréquation, elles contribuent, par exemple, à l'amélioration du réseau routier ou du système de santé dans les autres provinces, amélioration dont profitent, entre autres, des contribuables ayant un revenu supérieur à la moyenne.

Selon certains économistes, la manière dont le programme est conçu n'est peut-être pas la meilleure façon d'égaliser les perspectives économiques dans l'ensemble du pays. Ils proposent plutôt de redistribuer la richesse en imposant les contribuables les plus riches, sans égard à l'endroit où ils habitent, quelle que soit la province où ils sont domiciliés, au profit des personnes à faible revenu, des petits salariés, ceux qui ont besoin d'un coup de pouce. C'est, de la part de ces universitaires, une observation intéressante qui mérite d'être reprise dans le cadre d'une examen plus vaste et plus en profondeur du principe de la péréquation et de son application.

Je crains malheureusement que c'est un débat qui n'intéresse pas le gouvernement. Il a plutôt tendance à aborder la question de la péréquation sur une base ponctuelle et dans le cadre de négociations très politiques avec les provinces. Ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de gérer les affaires publiques.

Je ferais remarquer, par exemple, que le projet de loi propose, entre autres, d'éliminer le plafond des paiements de péréquation pour l'exercice 1999-2000, conformément à une entente conclue entre le premier ministre et ses homologues provinciaux le 11 septembre dernier.

Les députés se souviendront que cette date, le 11 septembre 2000, se situe environ un mois avant le déclenchement des élections fédérales. Le premier ministre avait certainement déjà une bonne idée de la date des élections. Tous les premiers ministres provinciaux et les observateurs de la scène publique étaient certainement au courant de la possibilité très distincte qu'il y ait des élections fédérales dans un avenir très proche, et c'est dans ce contexte très politique que cet accord a été conclu.

 

.1055 +-

Certains commentateurs ont affirmé que la mesure proposée aujourd'hui, soit l'élimination du plafond applicable aux paiements de péréquation, fait suite à des revendications politiques faites à l'occasion d'une séance de marchandages avec les premiers ministres provinciaux, séance au cours de laquelle le premier ministre a accepté d'éliminer le plafond pour au moins un an. Ce n'est pas exactement comme cela que l'on devrait prendre des décisions lucides et sérieuses en matière de finances publiques, lorsque des centaines de millions de dollars sont en jeu. La mesure proposée fera augmenter les paiements de péréquation de quelque 792 millions de dollars.

Le plafond existe pour une raison. Il est là pour protéger le gouvernement fédéral contre des augmentations imprévues de ces paiements. Il existe aussi un plancher qui protège les provinces contre les réductions imprévues des paiements de péréquation. Depuis une vingtaine d'années, je dirais, ce système empêche les variations aberrantes, dans un sens ou dans l'autre, des paiements faits aux provinces. En touchant, pour des raisons politiques, cet élément important du système de péréquation au beau milieu de la campagne électorale, je pense que le premier ministre a démontré qu'il ne tenait pas vraiment à une révision sérieuse et réaliste du système de péréquation et de son application. C'est quelque chose que nous enjoignons le gouvernement de faire.

Je suis heureux d'annoncer que le député de Portage—Lisgar, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'équité régionale, prendra la parole plus tard aujourd'hui, et qu'il exposera peut-être certains des principes qui, selon lui, devraient être pris en compte à l'occasion d'une étude générale des mécanismes de péréquation et de transferts entre le fédéral et les provinces.

Notre parti a appuyé certains éléments de l'accord conclu entre le premier ministre et ses homologues provinciaux en septembre dernier, notamment le rétablissement du financement retiré du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux depuis le budget libéral de 1995. Je n'ai pas à rappeler à la Chambre que, depuis ce budget, le gouvernement a supprimé un financement de 23 milliards de dollars, en argent sonnant, qui était destiné aux provinces pour financer les secteurs prioritaires pour les Canadiens, à savoir la santé, l'enseignement supérieur et d'autres priorités d'ordre social.

Dans tous les sondages, les Canadiens disent que les soins de santé sont leur plus grande priorité en matière de dépenses publiques. Or, lorsque le gouvernement a eu l'occasion de montrer ses priorités fiscales, qu'a-t-il fait? Il a sabré dans les paiements aux provinces au titre des soins de santé. Cette décision a eu des répercussions très claires et tangibles sur la prestation des soins de santé dont les Canadiens ont besoin. Depuis plusieurs années déjà, mes collègues et moi soutenons que c'était un mauvais choix, une décision que le premier ministre a d'ailleurs tenté de réparer dans l'accord de septembre dernier, dont le projet de loi à l'étude est le prolongement.

C'était un mauvais choix parce qu'il reflétait les mauvaises priorités. Entre 1993 et 1999, le déficit a été éliminé. Ce résultat est attribuable, pour les deux tiers, à l'augmentation des revenus du gouvernement fédéral, résultant en partie de la hausse des taux d'imposition, de l'augmentation automatique des impôts par la désindexation de la fiscalité, et d'autres sources de revenus. Les Canadiens, essentiellement parce qu'ils ont travaillé plus fort et de plus longues heures, ont payé plus d'impôts au gouvernement fédéral.

 

.1100 +-

Environ les deux tiers de la soi-disant élimination du déficit est attribuable à l'augmentation des impôts qui, en pourcentage du produit intérieur brut, atteignent aujourd'hui un sommet dans l'histoire canadienne. L'impôt sur le revenu des particuliers que paient les Canadiens est actuellement, proportionnellement au PIB, le plus élevé des pays du G-8 et le fardeau fiscal des sociétés canadiennes est le plus lourd des pays de l'OCDE, qui regroupe les 23 économies les plus industrialisées du monde. Cette situation est le fruit de la politique d'augmentation des impôts pratiquée depuis une décennie.

Le dernier tiers de la réduction du déficit est attribuable aux soi-disant compressions de dépenses. Ces compressions ont été les plus rigoureuses jamais appliquées par le gouvernement. Les trois quarts de ces compressions, effectuées dans le cadre de l'exercice d'élimination du déficit, ont entraîné une réduction de 23 milliards de dollars des transferts aux provinces au chapitre des soins de santé. Une autre part très importante de la réduction du déficit est le résultat des coupes sombres qui ont frappé le ministère de la Défense nationale et qui ont réduit sa capacité de fournir à son personnel les ressources voulues pour défendre la souveraineté du Canada et répondre à nos obligations internationales.

Abstraction faite de la défense nationale et du TCSPS, le reste de l'appareil gouvernemental fédéral a vu ses dépenses réduites de seulement 3 p. 100 en moyenne. Voilà où sont les priorités financières du gouvernement. Il était prêt à réduire d'environ 33 p. 100 les paiements au chapitre des soins de santé et il a pratiquement éviscéré le budget de la défense nationale, mais les nombreux autres programmes de dépenses bureaucratiques, qui sont source de gaspillage, n'ont à peu près pas été touchés.

Je vais donner quelques exemples de programmes où il y a gaspillage: les drapeaux distribués gratuitement par la ministre du Patrimoine canadien, les cadeaux et subventions de plusieurs millions de dollars aux groupes d'intérêts spéciaux libéraux et les subventions aux sociétés d'État surdimensionnées. Le ministre de l'Industrie a gaspillé des milliards de dollars en aide aux sociétés parasites.

Puis il y a le gaspillage général dû à la mauvaise gestion, aux dédoublements et à l'administration déficiente du secteur public fédéral. On n'a presque rien changé parce que le gouvernement, au lieu de régler ses propres problèmes, a choisi la solution facile, c'est-à-dire de pelleter ses problèmes dans la cour des provinces, lesquelles, à leur tour, ont dû transférer le fardeau aux consommateurs de soins de santé. Voilà en bref les choix financiers que le gouvernement a faits au cours des quelques dernières années.

Le projet de loi C-18 s'inscrit dans un ensemble. Ce qu'il propose devait simplement servir à dorer la pilule pour que les provinces acceptent moins qu'une pleine mesure en ce qui concerne le rétablissement du TCSPS aux niveaux de 1993. Dans l'entente survenue en septembre dernier, les gouvernements ont convenu de hausser à seulement 21,1 milliards de dollars les transferts au titre de la santé. Pourtant, les sommes soustraites du TCSPS depuis 1993 se chiffrent à 23 milliards de dollars au moins. Selon cette entente, il manquait donc encore deux milliards de dollars au TCSPS; pour compenser ce déficit permanent dans le financement des soins de santé, le gouvernement a offert de hausser le plafond de la péréquation. Voilà pourquoi nous sommes saisis de ce projet de loi aujourd'hui.

J'aimerais que les Canadiens et mes collègues comprennent le contexte politique et financier du projet de loi. Autrement dit, si le gouvernement n'avait pas choisi maladroitement de réduire les transferts du tiers en 1995, s'il n'avait tenu obstinément à cette position et avait plutôt choisi de réduire le gaspillage dans les programmes d'Ottawa qui n'ont aucun impact sur le vrai monde, nous n'aurions pas devant nous aujourd'hui le projet de loi C-18. Les provinces n'auraient pas manqué de fonds au point où les plus pauvres soient forcées de demander qu'on relève ainsi le plafond des paiements de péréquation.

 

.1105 +-

Dans son effort frénétique pour dissimuler l'énorme bourde qu'il avait faite en réduisant brutalement les transferts au titre des services de santé, le gouvernement a décidé de modifier ses arrangements de longue date avec les provinces sur la péréquation.

Il n'a pas chicané les gouvernements et les premiers ministres provinciaux qui ont cherché tous les moyens d'obtenir des transferts fédéraux plus généreux afin d'investir dans les services de santé et d'autres programmes sociaux qui avaient été laminés par les réductions du TCSPS. Je ne m'élève pas contre la défense efficace et fondée sur des principes qu'ils ont menée au nom des contribuables provinciaux et des utilisateurs des services de santé.

Je suis persuadé que tous mes collègues conviendront qu'il serait dans l'intérêt supérieur de l'administration de maintenir la prévisibilité et la stabilité sont souhaitables dans l'application des accords. Nous devrions nous en tenir aux règles du jeu. Nous pouvons certainement tous convenir que c'est une bonne politique d'éviter de faire des exceptions d'année en année. Si le gouvernement a fait une exception dans le projet de loi à l'étude aujourd'hui au sujet du plafonnement de la péréquation, c'est pour camoufler sa propre erreur politique, l'énorme bévue qu'a été la réduction de 33 p. 100 depuis 1995 des transferts consentis aux provinces pour la santé.

Selon nous, le gouvernement n'a pas une grande autorité morale pour venir prétendre que, à cause de son grand coeur, il a décidé de relever le plafond de la péréquation pendant un exercice financier dans l'intérêt des provinces, pour tenir compte des progrès économiques imprévus survenus il y a deux ans. Cela ne tient pas debout.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances sait aussi bien que moi que des fonctionnaires du ministère des Finances lèvent sans doute les yeux au ciel en écoutant le débat d'aujourd'hui. Ils savent que cela mine l'intégrité globale de leur programme. D'une façon, il fallait en arriver là. Sur le plan politique, il fallait que ça se produise afin de réinjecter dans le transfert en matière de santé les fonds qui en avaient été retirés et que le gouvernement refusait de remettre.

Sans aucun doute, les fonctionnaires savent que c'est peut-être une bonne manoeuvre politique, mais que c'est par contre une très mauvaise politique publique. Nous sommes constamment témoins de situations où des priorités mal placées aboutissent à de mauvaises politiques, et par la suite le gouvernement tente de tirer son épingle du jeu. C'est ce qu'il fait aujourd'hui avec ce projet de loi.

De peur que le gouvernement tente de se montrer comme extrêmement généreux envers les provinces, je tiens d'ailleurs à signaler qu'il s'agit d'une entente spéciale qui ne s'applique qu'à une année seulement. Le gouvernement n'a pas l'intention de continuer à l'appliquer indéfiniment. Si je pouvais demander au secrétaire parlementaire du ministre des Finances s'il était prêt à le faire, je suis persuadé qu'il me répondrait que non.

Il prétendrait probablement qu'il ne peut pas se le permettre et que cela irait à l'encontre des règles énoncées dans l'entente et que si nous haussions le plafond, il faudrait aussi hausser le plancher et ainsi de suite. Je suis certain qu'il utiliserait cet argument, mais il a évité la question. Il a évité d'expliquer pourquoi l'entente était intervenue et pourquoi elle n'e s'applique qu'à une année seulement.

Par ailleurs, je ne crois pas qu'il convienne que le Parlement adopte des mesures législatives rétroactives. Lorsqu'il étudie des questions, des budgets des dépenses, des autorisations de dépenses ou des motions de voies et moyens, je crois que le Parlement devrait avoir pour principe de ne pas essayer de changer l'histoire comme le gouvernement cherche à le faire avec ce projet de loi. Nous devrions bien faire les choses du premier coup.

 

.1110 +-

Un peu plus tard aujourd'hui, nous étudierons le projet de loi C-17, qui illustre lui aussi la maladresse avec laquelle le gouvernement gère son programme législatif. Nous apporterons des modifications techniques, comme on les appelle, pour corriger des erreurs que le gouvernement a commises il y a certain temps dans les mesures législatives qu'il a adoptées.

Le Parlement perd beaucoup de temps à corriger les erreurs que le gouvernement fait dans ses propres lois. Aujourd'hui, nous modifions l'arrangement fiscal que le gouvernement a conclu, il y a deux ans, avec les provinces, pour aider le premier ministre à sauver sa peau. Ce dernier a pris, tout juste avant le déclenchement des élections fédérales, l'engagement de réinvestir dans la santé pour compenser la réduction draconienne et irresponsable de 33 p. 100 des transferts au titre des soins de santé.

À ce sujet, je tiens à dire à quel point je suis déçu de la façon dont le gouvernement gère depuis quelques années ses relations financières avec les provinces. J'espère, même si je ne me fais pas d'illusions, qu'il corrigera la situation en offrant aux provinces des transferts prévisibles et stables à long terme tant sous forme d'espèces, de points d'impôts que de paiements de péréquation. Cela nous évitera ce genre de promesses de dernière minute qui appellent des mesures correctives rétroactives.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je participe au débat au nom de notre porte-parole en matière financière et des autres membres du caucus néo-démocrate qui veulent que je vous fasse part de leur opinion.

Je suis l'un des nombreux Canadiens qui croient que la redistribution de la richesse au moyen des transferts de paiement fédéraux et des paiements de péréquation fédéraux constituent probablement la plus grande réussite de l'État fédéral canadien. C'est une notion qui a son origine dans une générosité d'esprit et une réelle conviction que partagent la plupart des Canadiens.

Ceux-ci croient que, même si toutes les régions du Canada ne sont pas égales, il faut efforcer de les traiter également. Il faut garantir au moins un minimum de programmes sociaux qui soit constant dans tout le Canada, quelle que soit la situation économique de chaque région.

Je tiens à bien préciser tout de suite que le Nouveau Parti démocratique a toujours appuyé les nombreux avatars des transferts de paiement et des paiements de péréquation qui se sont succédé au cours de l'histoire. Il est intéressant de remarquer que le changement dans les programmes de distribution témoigne d'un changement fondamental de politique de la part du gouvernement.

Il y a de nombreuses années, nous avons eu le financement des programmes établis, ou FPE. Il s'agissait d'un financement moitié-moitié des programmes établis dans les diverses provinces. Mon parti politique a toujours adhéré à l'opinion générale voulant que le gouvernement fédéral est plus en mesure d'établir et de contrôler des normes nationales avec une formule de financement moitié-moitié. C'était simple. Si une province décidait de ne pas respecter les normes nationales, le financement moitié-moitié était compromis.

Le financement des programmes établis fonctionnait très bien. Puis sont arrivés coup sur coup le Régime d'assistance publique du Canada ou RAPC, le plafonnement du RAPC et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le nouveau plafonnement provisoire du RAPC est maintenant supprimé. Je vais parler de cela plus en détail tout à l'heure.

Permettez-moi de dire d'entrée de jeu, à l'intention de ceux dont je perdrai probablement l'attention dans les prochaines minutes, que nous sommes très critiques au sujet du projet de loi. Au nom des ministres des Finances de nombreuses provinces, je dirai que, même si le plafond est levé pour une année, lorsqu'il sera rétabli dans un an, ce sera à un niveau moins élevé que ce que la plupart des ministres des finances avaient compris.

Les ministres provinciaux des finances croyaient s'être entendus sur certaines conditions. Ils constatent maintenant que ce qui est annoncé aujourd'hui, le nouveau plafond imposé, sera inférieur à celui sur lequel ils croyaient s'être entendus le 11 septembre 2000. C'est un problème.

Cela en est certainement un dans la province d'où je suis originaire. J'ai parlé du financement des programmes établis et des origines du RAPC, du plafond sur le RAPC et du TCSPS.

 

.1115 +-

Je suis heureux que des intervenants avant moi aient souligné l'effet dévastateur du TCSPS sur les programmes sociaux au Canada. L'opposition devrait souligner clairement et abondamment à la Chambre, à maintes reprises, afin que le public l'entende dire encore et encore que le gouvernement a supprimé avec le TCSPS 33 p. 100 du financement des transferts fédéraux au titre des programmes sociaux, c'est-à-dire un total de 23 ou 24 milliards de dollars depuis 1995, lorsque ces transferts sociaux sont passés de 19,1 à 11 milliards de dollars. Le gouvernement a peu à peu réinjecté des fonds à ce titre. Il a fait passer ces fonds à 12,5, puis à 14,5 milliards de dollars.

D'après les chiffres et ce que j'en comprends, ce montant atteindra 15,5 milliards de dollars et, compte tenu de certaines autres dispositions, il reviendra à près de 18 milliards de dollars. Il est toujours inférieur à ce qu'il était en 1995, malgré tout ce qui est arrivé depuis, malgré les revenus supplémentaires et l'excédent dont jouit le gouvernement. Celui-ci ne nous fait pas de cadeau. Il ne fait que nous rendre une partie des sommes dont il nous a dépouillées ces dernières années dans le cadre des transferts fédéraux.

J'espère que les Canadiens ne croient pas cette belle histoire que le gouvernement leur raconte et dans laquelle les ministres provinciaux des finances ont réussi au cours de cette magnifique rencontre du 11 septembre 2000 à le convaincre de faire preuve d'une plus grande générosité, suite à quoi il est soudainement devenu plus généreux. Il est toujours aussi pingre et aussi imprévoyant dans ses engagements à réaliser ce que j'ai d'abord voulu considérer comme la plus grande réalisation du fédéralisme canadien, c'est-à-dire le concept de la redistribution de la richesse par l'intermédiaire des paiements de transfert.

On a souligné qu'il fallait examiner certaines des autres sources de recettes que le gouvernement prétend maintenant vouloir partager en toute bonne volonté. Il ne faut pas oublier les compressions de 23 ou 24 milliards de dollars qui ont été effectuées dans les programmes. Les compressions dans le programme d'assurance-emploi ont produit un excédent cumulatif qui atteint maintenant les 35 ou 37 milliards de dollars, selon la source que l'on consulte. Cet argent est versé au Trésor public pour être dépensé selon le bon vouloir du gouvernement et non pas dans une sorte de caisse d'assurance, ce qui n'est pas à l'honneur du gouvernement.

L'autre chose qu'on oublie, et je ne peux pas croire que la question n'est pas soulevée plus souvent à la Chambre des communes, c'est qu'il y a une autre importante source de recettes sur laquelle le gouvernement a pu compter, soit le surplus du régime de pension de la fonction publique. Le gouvernement a soutiré 30 milliards de dollars de ce surplus. Au lieu de négocier une entente en vertu de laquelle une partie de cet argent servirait à accroître les prestations et une autre partie à réduire les cotisations à venir, le gouvernement a tout empoché et tout l'argent a été versé au Trésor fédéral pour servir aux fins que le gouvernement jugerait appropriées.

Cet argent est rendu au compte-gouttes aux Canadiens des diverses régions. L'argent est débité en petites sommes et versé par bribes. Par la suite, c'est à grand renfort de publicité que les libéraux ont annoncé des dépenses supplémentaires de 23 ou 24 milliards de dollars. La plupart des députés à la Chambre savent que c'est un mythe, une illusion et que cela tient presque du tour cruel joué aux Canadiens.

Le gouvernement peut tromper une partie de la population durant un certain temps, et ainsi de suite. Ça ne prendra pas. C'est cuit en ce qui concerne cette formule de financement, car on criera bientôt haro sur le gouvernement à mesure que l'on comprendra où se trouve vraiment cet argent. Le gouvernement ne peut pas nous prendre notre argent et nous le rendre ensuite petit à petit en prétendant qu'il s'agit de largesses de la part d'un gouvernement bienveillant. On ne le croira tout simplement pas.

Lorsque le programme de péréquation a été reconduit en 1999, le plafond a été réduit d'environ 1 milliard de dollars par année, malgré les protestations générales de presque tous les ministres des finances des diverses provinces, pour s'établir à un niveau arbitraire de 10 milliards en 1999-2000. Ce niveau a ensuite été indexé sur le taux de croissance du PIB des années subséquentes.

Le programme a maintenant un plafond qui est plus bas en proportion du PIB que les droits n'aient jamais été d'après la norme actuelle des cinq provinces. Le programme était à son niveau le plus bas à ce moment-là. Lorsque le plafond a été réduit, les hauts fonctionnaires fédéraux des finances ont soutenu que ce niveau fournirait beaucoup de marge de manoeuvre pour verser des droits au cours de la période actuelle de reconduction. Des calculs récents ont prouvé qu'ils se trompaient. C'est une cause d'exaspération chez leurs homologues provinciaux.

 

.1120 +-

L'estimation actuelle des paiements de péréquation pour l'exercice 1999-2000, soit la première année d'entrée en vigueur des nouvelles mesures, excède le plafond d'environ 800 millions de dollars. C'est là l'origine du problème.

L'impact sur ma province, le Manitoba, se chiffre estime-t-on à environ 76 millions de dollars. C'est à peu près le montant que recevra le Manitoba au cours du prochain exercice, avec le rehaussement du plafond. Cet argent est le bienvenu car la province en avait bien besoin. Le Manitoba voit plusieurs façons d'utiliser ces fonds car Dieu sait qu'elle en a manqué toutes ces années. La province a dû réduire un grand nombre de programmes, elle les a tellement réduits qu'ils sont maintenant à peine opérationnels. Il est important pour elle qu'on rétablisse les paiements de péréquation afin qu'elle puisse réinvestir dans les programmes qu'elle juge nécessaire d'assurer aux Manitobains.

Le secrétaire parlementaire nous a dit qu'on ne pouvait pas s'arrêter seulement aux transferts au titre du TCSPS et que nous devions aussi tenir compte des points d'impôt. Il ne s'agit pas de s'arrêter seulement aux quelque 18 milliards de dollars que représente le total des transferts au titre du TCSPS, mais de tenir compte également de la possibilité de transférer des points d'impôt aux provinces. Voyons un peu qui va profiter de ce changement de politique fondamental.

La contribution du gouvernement fédéral à la santé est seulement de 13,5 p. 100, bien en dessous des 50 p. 100 au bon vieux temps. Le gouvernement a tellement réduit sa contribution qu'elle est aujourd'hui de seulement 13,5 p. 100. À présent, c'est aux provinces d'imposer les gens. Comment le public réagit-il? Le public n'aime pas que qui que ce soit lui retienne de l'argent sur son chèque de paie. Le gouvernement a refilé aux provinces le fardeau de la perception des impôts, au moyen du transfert de points d'impôt. Il a retenu des fonds à tel point que le ratio de financement est désormais 87 p. 100 pour les provinces et 13 p. 100 pour le gouvernement fédéral.

Cette notion est désormais boiteuse. Au départ, le régime reposait sur une notion très noble, soit la répartition de la richesse au moyen de paiements fédéraux de transfert afin de garantir une certaine norme nationale de qualité des programmes sociaux à tous les Canadiens, peu importe où ils habitent. C'est cette notion qui fait la force de pays. C'est cette notion qui contribue plus à l'unité du Canada que dix constitutions. Cet aspect de la Constitution canadienne contribue probablement plus à l'unité de notre pays que Peter Gzowski et la SRC, ce qui est une affirmation très audacieuse et très percutante.

Nous nous retrouvons en terrain connu lorsque nous jetons un coup d'oeil aux détails du projet de loi présenté aujourd'hui et à l'exposé du secrétaire parlementaire du ministre des Finances. On parle du plafond des paiements de péréquation, soit le montant maximal que le gouvernement accorde aux provinces aux termes du programme de péréquation. Ce plafond est fixé selon les limites maximales du taux de croissance des droits à péréquation.

Nous savons que l'objectif devrait consister à protéger le gouvernement fédéral contre des hausses de paiement rapides et au-dessus de ses moyens d'une année à l'autre. Cet objectif est fort valable, mais il repose également sur l'hypothèse que l'économie sera stable et prévisible. Les besoins ne coïncident pas toujours avec des lignes budgétaires commodes dans un plan budgétaire. Je soutiens que les besoins sont criants dans bien des régions du Canada. Les régions ne pourront pas bénéficier d'une expansion, d'une indépendance et d'une croissance économiques tant qu'elles ne pourront pas partir du bon pied. Nous pourrons alors parler d'une vraie égalité entre les provinces.

Il n'y a rien de plus injuste dans le monde que de traiter des parties inégales de façon égale. Cela s'applique dans toutes sortes de cas. Parfois, dans leurs discours, les alliancistes veulent que toutes les provinces soient traitées de façon égale. On reconnaîttraît ainsi que toutes les provinces ne sont pas égales. Il y a en fait entre elles certaines grandes inégalités en ce qui concerne les débouchés et les ressources sur lesquelles elles peuvent compter.

Aussi récemment qu'août 2000, toutes les provinces et tous les territoires ont réclamé la suppression du plafond imposé aux paiements de péréquation. Les intéressés ont exigé que ce plafond soit levé, car ils jugeaient qu'il constituait un obstacle les empêchant d'obtenir leur juste part de la richesse qui aurait dû leur être redistribuée, de l'argent qui leur avait été pris dans le cadre de compressions dans le financement des programmes au fil des ans, coupes qui représentaient 33 p. 100 ou 24 milliards de dollars.

 

.1125 +-

Il existe une protection financière inhérente pour le gouvernement fédéral en ce qui concerne la croissance des paiements de péréquation à la suite de l'évolution démographique et du partage des revenus. En ce qui concerne l'évolution démographique, certaines provinces vont s'en sortir mieux que d'autres.

Lorsqu'on se penche sur une augmentation par habitant, si le montant est d'environ 67 $ par habitant, il est évident que les provinces qui vont avoir une croissance démographique en chiffres nets vont, en proportion, profiter davantage de l'argent qui est redistribué.

Les paiements de transfert fédéraux supplémentaires viennent justement d'être distribués. Le Manitoba n'a obtenu que 3 millions de dollars, ce qui n'est rien pour se réjouir. Le Québec a obtenu 1,4 milliard de dollars sur un total de 2 milliards de dollars. Les autres provinces se sont divisé le peu qui restait.

C'est la façon dont ces choses se passent. C'est une formule sur laquelle nous nous sommes tous entendus. Je ne crois pas que qui que ce soit s'indigne de cela.

En ce qui concerne le partage des revenus, la majorité des droits à la péréquation découlent des recettes fiscales qui sont partagées conjointement avec le gouvernement fédéral. Par exemple, durant l'exercice 1998-1999, le gouvernement fédéral a accru les droits à péréquation de 368 millions de dollars relativement à l'impôt sur le revenu des particuliers et ensuite, de 259 millions de dollars au titre de l'impôt des sociétés.

Durant la même période, les recettes fédérales provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers ont augmenté de 2,7 milliards de dollars et celles découlant de l'impôt des sociétés, de 1,5 milliard de dollars. C'est tout un écart. Bien sûr, une grande partie des recettes qui, à notre avis, auraient dû être transférées aux provinces, ou qui auraient pu servir à hausser le plafond, n'ont pas été versées aux provinces. Il faut croire qu'elles ont servi à satisfaire d'autres priorités.

Les récents surplus fédéraux dépassent la valeur de tout le programme de péréquation. Il ne faut pas l'oublier. Encore une fois, j'invite la Chambre à regarder d'où venaient ces surplus. Ils ne sont pas tombés du ciel. Ils n'ont pas poussé dans les arbres. Ils résultaient des coupes effectuées dans le financement des programmes et totalisant 23 ou 24 milliards de dollars. Ils venaient du surplus dans le fonds d'AE, ce qui veut dire que les chômeurs ont été privés de prestations puisque plus personne n'était admissible. Au risque de scandaliser les députés, je signale que le montant des surplus du fonds d'AE s'élève à 750 millions de dollars par mois. Voilà d'où sont venues les recettes additionnelles.

Ces recettes ont aussi une autre source à laquelle j'ai fait allusion plus tôt dans mon discours et dont on n'entend pas parler assez souvent à la Chambre des communes, soit le régime de retraite du secteur public. Dans ce régime, il y avait un surplus de 30 milliards de dollars résultant, d'une part, de mises à pied de fonctionnaires et, d'autre part, de gels de salaire dans la fonction publique. Les actuaires avaient prévu les fonds dont le régime aurait besoin, en se fondant sur les données de 1985 et de 1987. De toute évidence, comme la fonction publique a fondu du tiers et que les salaires ont été gelés pendant huit ans, les prévisions des actuaires sont devenues complètement inutiles.

C'est ainsi qu'il y a eu un surplus de 30 milliards de dollars dont le gouvernement fédéral s'est emparé. On peut soutenir que le surplus auraient dû servir à verser des prestations de retraite, ou du moins en partie, ou à réduire les cotisations des participants au régime ou à leur accorder un congé de cotisations. Aucune de ces solutions n'a été envisagée. Le président du Conseil du Trésor a tout simplement utilisé tout l'argent comme il l'entendait.

Ce sont les trois sources de revenu. Le gouvernement affiche aujourd'hui un surplus annuel plus élevé que le total des paiements de péréquation. Les Canadiens devraient s'en inquiéter, car c'est leur argent après tout. N'oublions pas que cet argent est à nous et qu'il devrait être utilisé pour répondre aux besoins de nos collectivités.

La raison invoquée par le gouvernement fédéral était la suivante: la décision, en 1999-2000, d'abaisser le plafond des paiements de péréquation à 10 milliards de dollars était justifiée, et cela indépendamment de la promesse faite par le premier ministre. Il nous semble que le gouvernement fédéral tente de justifier cette mesure en soutenant qu'il fallait rendre le coût de la péréquation abordable. Il y a de quoi s'interroger quand on sait que le surplus budgétaire est plus élevé que le montant total des prestations.

 

.1130 +-

Le plus important rajustement à la baisse du plafond des paiements de péréquation, à 10 milliards de dollars, en 1999-2000, s'est produit l'année même où le gouvernement fédéral enregistrait un surplus budgétaire record de 12 milliards de dollars. Alors que les libéraux n'avaient jamais fait autant d'argent, ils ramenaient le plafond des paiements à son niveau le plus bas depuis la création du programme de péréquation. Voilà des contradictions qui méritent d'être signalées, le genre de chose qu'il faut dénoncer.

Le vérificateur général fédéral signalait que le plafond des paiements de péréquation a été réduit, proportionnellement au PNB, lors du renouvellement des programmes en 1987 et en 1992, mais pas en 1994. Le plafond est ainsi passé de 1,34 p. 100 du PNB en 1982 à 1,24 p. 100 en 1987. En 1992, il a été réduit à 1,17 p. 100 du PNB, puis à 1,08 p. 100 du PNB ,ou 1,04 p. 100 du PIB, en 1999.

Imaginez la tendance! Si nous pouvions l'illustrer au moyen d'un graphique, on y verrait que le ratio du plafond au PNB, ou au PIB, suit une trajectoire descendante.

Les députés peuvent-ils s'imaginer le pouvoir d'achat qu'auraient eu les communautés et les progrès que les provinces auraient réalisés si le taux était resté à ce qu'il était en 1982, soit 1,34 p. 100 du PNB? Il s'agissait sans doute d'une époque plus clémente, une époque où les gouvernements fédéraux avaient une vision et se montraient favorables à la création de normes nationales fortes et au développement économique régional dynamique d'autres régions du pays.

Si nous avions maintenu ce niveau, on aurait pu transférer aux provinces pendant cette période un montant cumulatif total de 80 milliards de dollars de plus. Peut-on se l'imaginer? Les libéraux envisagent un plafond de 10 milliards de dollars au titre du total des transferts aujourd'hui. Nous avons délibérément permis à des gouvernements fédéraux successifs de réduire d'une somme aussi extraordinairement importante leurs engagements à l'égard des provinces.

Le plafond de 10 milliards de dollars dont il est question aujourd'hui a été établi en fonction d'un premier calcul par le fédéral des droits pour l'exercice 1999-2000, une marge étant prévue pour l'adoption temporaire de nouveaux changements techniques au cours de cet exercice. On ne l'a pas rajusté quand les droits à péréquation ont été augmentés en 1999. Ce qui nous a amenés à cette contradiction, au manque à gagner que le gouvernement a dû combler en relevant le plafond.

Le plafond de 10 milliards de dollars s'étant révélé inapproprié pour satisfaire aux besoins recensés pour l'exercice 1999-2000, il le sera encore moins quand les nouveaux ajustements techniques de 240 millions de dollars entreront dans le calcul. Le système sera très sollicité, et les rapports seront très tendus.

Pour en revenir aux recommandations formulées par vérificateur général fédéral concernant le plafond, le gouvernement fédéral n'a pas établi de critères autres que le fait qu'il doit correspondre aux prévisions de 1999-2000 relatives aux droits, auxquelles s'ajoute la marge prévue pour l'adoption des changements techniques. C'est aussi simple que cela. Ainsi, il semblerait que le plafond fixé à 10 milliards de dollars ne satisfasse pas à la réglementation interne adoptée par le gouvernement fédéral en 1997. Ce ne sont là que quelques-unes des anomalies et des difficultés inhérentes à ce qui nous est annoncé.

Ce sont là quelques points importants qui viennent à l'esprit à mesure que les ministres des Finances provinciaux se rendent compte avec stupeur que l'accord qu'ils ont conclu le 11 septembre 2000, même s'ils avaient eux-mêmes réclamé l'élimination du plafond, ne donnera pas les résultats escomptés. En fait, ils se retrouveront avec un plafond encore plus bas qu'ils croyaient, lorsque le plafond sera rétabli dans un an.

Cette situation remet en question la viabilité à long terme des relations financières visées par la Constitution entre le gouvernement fédéral et les provinces. La grogne et le mécontentement vont commencer à grandir dans certaines régions des provinces qui comptent sur les paiements de transfert du fédéral. Celles-ci voudront revoir toute la structure du système de transfert de fonds.

Comme je le dis depuis le début, c'est là une perspective très menaçante et préoccupante, sous le rapport de la viabilité à long terme de cette fédération fragile. Le gouvernement fédéral doit assumer une partie du blâme pour avoir ajouté cette tension.

 

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Il est certain que la méfiance et le mécontentement grandissants dans les relations financières entre les provinces et le gouvernement fédéral vont exacerber les tensions grandissantes causées par d'autres sources de mécontentement. Il fut une temps où les provinces trouvaient que le gouvernement fédéral avait vraiment à coeur d'assurer le développement économique régional, de veiller à l'application de normes nationales au pays et de faire en sorte que tous les Canadiens jouissent du même niveau de financement pour les soins de santé, l'éducation et l'aide sociale, peu importent, franchement, l'endroit où ils vivent et l'état des finances de la province. Ces considérations ne devraient pas être prises en compte, car certaines choses sont trop importantes pour être assujetties à des caprices régionaux.

J'aime bien citer l'image que le révérend Jesse Jackson, un Américain, utilisait lorsqu'il parlait de notre façon de voir la péréquation. Il avait trouvé un moyen magnifique pour expliquer ce que j'essaie de décrire maintenant. Il disait que, si on avait cinq enfants et trois côtelettes de porc pour souper, la solution au problème n'était pas de tuer deux des enfants, mais que ce n'était pas non plus une solution de diviser les trois côtelettes en cinq morceaux égaux car, de cette façon, les cinq enfants iront se coucher la faim au ventre et personne n'aura assez mangé.

M. Scott Brison: Et il en avait un de plus.

M. Pat Martin: Le député de Kings—Hants affirme qu'il avait un enfant de plus. Je devrai peut-être modifier ma petite histoire.

Le point de vue social-démocrate, la solution à la manière de Jesse Jackson, serait de régler le problème en remettant en question le fait qu'il y a seulement trois côtelettes de porc. Ni lui ni moi ne pourrions croire que la civilisation la plus riche et la plus puissante de l'histoire de l'humanité est incapable de combler les besoins élémentaires des Canadiens afin qu'ils puissent vivre selon des normes nationales décentes. Ce n'est tout simplement pas le cas. C'est un mythe. C'est une illusion. C'est une fumisterie cruelle. On fait avaler cette couleuvre aux Canadiens depuis de trop nombreuses années.

Nous savons que la richesse existe. Nous avons vu récemment comment le gouvernement libéral a utilisé un excédent de 100 milliards de dollars. Il a choisi de le gaspiller en réduisant les impôts. C'est du moins mon avis. Les gens ont toujours essayé d'accuser le NPD de vouloir gaspiller des fonds en les consacrant à des programmes sociaux, aux enfants pauvres, à des meilleurs soins de santé et à l'éducation. À mon avis, le gouvernement libéral vient de gaspiller 100 millions de dollars de nos excédents sous forme de baisses d'impôt consenties aux personnes en ayant probablement le moins besoin.

On constate que l'impôt des sociétés a baissé de 1 p. 100, le taux passant de 17 à 16 p. 100. Qu'est-ce que le milieu des affaires canadiens a vraiment fait dernièrement pour mériter une telle récompense? Cette réduction d'un point de pourcentage représente de 75 à 100 millions de dollars par année. Je ne sais pas vraiment si cela rend ou non le Canada plus concurrentiel, comme voudraient nous le faire croire nos collègues de la droite, mais je peux vous dire que cet argent aurait pu être mieux utilisé.

En période d'excédents records, il est renversant que les paiements de transfert aux provinces soient à leur plus bas niveau de l'histoire. Je viens d'une province qui a tiré parti et qui tire toujours parti du lien existant, dans la mesure où nous utilisons l'argent qui nous est transféré dans le cadre des ententes financières fédérales-provinciales. Originaire de la province du Manitoba, je peux vous dire personnellement à quel point il a été inquiétant d'assister à ce qui semble être un changement délibéré de politique, un abandon de tout engagement réel en faveur d'un passage à un gouvernement central fort, à une présence nationale forte et à une forte influence sur les normes nationales.

La diminution d'une année sur l'autre de l'engagement financier du gouvernement constitue la représentation de ce que j'estime être le manque de volonté ou l'incapacité de s'engager à mettre en oeuvre des normes nationales. Le gouvernement renonce à toute responsabilité quant à ce qui se produit désormais dans les régions.

Il se peut qu'un gouvernement fédéral sans vision trouve que les problèmes sont tout simplement trop difficiles à régler dans certaines régions. Il ne peut tout simplement faire face à la réalité du Cap Breton ou de la grande ville de Winnipeg. Il tourne tout simplement le dos à ces régions en leur disant: «Vous êtes aux prises avec un problème très grave, et si jamais vous êtes de passage à Ottawa, appelez-nous, nous vous offrirons le repas.» C'est certainement ce que ressentent bon nombre de personnes des régions devant ce qui semble être, et à mon avis je ne fais pas montre de paranoia en tenant cela pour acquis, l'absence d'une volonté profonde de chercher à unir le pays et de veiller à ce qu'il demeure uni grâce à un puissant lien financier interprovincial.

 

.1140 +-

Il fut une époque où de fiers nationalistes canadiens occupaient ces sièges en face. Ces hommes et ces femmes avaient vraiment une vision pour leur pays. Je peux nommer quelques libéraux de cette époque qui, à mon avis, s'étaient profondément engagés à maintenir l'unité du pays et à utiliser les relations constitutionnelles comme un outil permettant de bâtir un Canada solide.

Aujourd'hui, on croirait qu'ils essaient de démanteler le pays pièce par pièce, si l'on peut conjecturer sur leurs intentions et sur leurs voeux en observant leurs agissements financiers. Il y en a de l'autre côté qui démantèlent morceau par morceau le pays ainsi que la foi, l'espoir et l'optimisme que les Canadiens ont à l'égard d'un gouvernement central fort. Je trouve cela inquiétant parfois. Peut-être les gens d'en face sont-ils simplement trop occupés pour s'arrêter à y penser, mais ils ne semblent pas se soucier du tout de la fragilité de la fédération canadienne à ce moment-ci de notre histoire.

Si on aime ce pays et si son unité nous tient à coeur, on devrait être prêt plus que jamais à remuer ciel et terre pour assurer le fonctionnement de la fédération. Cette fédération me tient vraiment à coeur. Nous travaillerons dans ce sens au niveau provincial. Dieu seul sait combien de sacrifices et de compromis les provinces font chaque jour afin d'essayer de faire fonctionner la fédération. Le gouvernement fédéral ne témoigne pas d'un tel engagement, pas à en juger par sa stratégie fiscale en tout cas, car alors qu'il réalise des surplus inégalés, les paiements de transfert n'ont jamais été aussi bas. Est-ce qu'on appelle ça un engagement?

Bien sûr, le prochain intervenant du côté libéral prendra la parole pour dire que le gouvernement ne verse pas autant de crédits qu'avant, mais qu'il donne tous les points d'impôt. Cela revient à se décharger du fardeau fiscal sur les provinces, et à tarir, à assécher, à épuiser la source d'argent sonnant et trébuchant dont nous avons besoin pour financer les programmes.

Parlant au nom des habitants de la circonscription de Winnipeg-Centre, et des Manitobains en général, je dirais que nous avons de graves réserves quant à l'état actuel des rapports financiers avec le gouvernement fédéral. Nous attirons l'attention des Canadiens sur le fait que nous sommes dans une ère d'excédents budgétaires sans précédent et que ces excédents proviennent en grande partie de la réduction du financement des programmes ainsi que des surplus de la caisse de l'assurance-emploi. Ils proviennent également du pillage des surplus du régime de pensions des travailleurs du secteur public. C'est de là que viennent les excédents, donc lorsque des miettes sont progressivement redonnées aux provinces, les Canadiens ne devraient pas se laisser leurrer et penser qu'il s'agit là de généreuses largesses de la part du parti libéral au pouvoir.

Ils devraient demeurer très lucides et ne pas perdre de vue que nous ne recevons pas tout ce que nous devrions obtenir du gouvernement fédéral et que si ce dernier avait une vision plus claire de la manière de faire à nouveau du Canada un état national vraiment fort, il tiendrait davantage compte des frustrations régionales suscitées par son manque d'engagement à l'égard du financement du TCSPS et des rapports financiers.

Lors de la mise en place du TCSPS, le Conseil national du bien-être social a dit que rien d'aussi catastrophique n'était arrivé depuis les années trente. Il prédisait le début de la fin tandis que l'on abandonnerait le financement des programmes établis au titre du RPC en faveur du plafonnement du RPC et du TCSPS. Il pouvait sentir dans l'air ce qui s'en venait, que le fédéral allait se retirer du financement des programmes de ce genre, pour pouvoir accorder des allégements fiscaux à leurs amis, c'est du moins ce que disent certains. D'autres disent qu'il ne veut tout simplement plus s'embarrasser du fardeau de la responsabilité. C'est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à constater cette tendance au désengagement dans l'ensemble des domaines.

J'ai cité certains chiffres. Le plus révélateur et le meilleur exemple concerne le financement des soins de santé; en effet, la part du fédéral n'est plus que d'environ 13,5 p. 100, tandis que les provinces s'échinent pour en assumer les 87 p. 100 qui restent. C'est un défi grandissant qui va bien au-delà du problème financier. C'est devenu un problème pour la santé et le bien-être des Canadiens.

Je pourrais probablement en dire beaucoup plus long sur cette question. C'est un sujet qui me tient à coeur, mais je m'arrêterai là.

 

.1145 +-

[Traduction]

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre part au débat sur le sujet important qu'est la péréquation. Aujourd'hui, je vais partager mon temps de parole avec le député de St. John's-Ouest.

Le principe de la péréquation, selon lequel nous devrions avoir des niveaux d'imposition et de services à peu près égaux, est très sain. S'il est une politique qui fait l'unité au Canada et que les Canadiens appuient, c'est bien celle de la péréquation. Elle est un pilier de la politique sociale et économique du Canada et elle jouit toujours d'un niveau d'appui considérable dans le pays très divers qui est le nôtre. C'est le seul programme de dépenses qui soit consacré par la Constitution.

Cela étant, et si nous considérons la genèse de cette idée, nous constatons que la péréquation a joué un rôle très important et, dans l'ensemble, très constructif pour garantir l'égalité des chances dans tout le Canada.

Si nous considérons d'une part les principes fondamentaux de la péréquation, soit que les niveaux d'imposition et de services doivent être généralement égaux dans tout le pays, et d'autre part la réalité actuelle au Canada, nous constaterons qu'il existe des problèmes non négligeables de péréquation dans le contexte actuel, notamment la disparité des niveaux d'imposition. Les provinces qui sont en mesure de le faire appliquent des politiques radicales de réduction des impôts. Ces politiques influencent favorablement la croissance économique chez elles.

C'est ainsi qu'on assiste à une balkanisation des régimes fiscaux au Canada. Certaines provinces ont beaucoup de mal à réduire leurs impôts et leur dette, tandis que d'autres ont une situation financière beaucoup plus solide. Or, si l'on reconnaît le rôle important que la politique fiscale joue au niveau de la croissance économique et des mesures de développement économique, on verra que des provinces sont considérablement désavantagées par des impôts plus élevés, par exemple, ce qu'on a peut-être pas reconnu il y a quelques années.

Alors qu'elle devrait donner aux provinces les moyens de réussir à aller de l'avant et à se sortir d'affaire, la péréquation met à bien des égards des bâtons dans les roues des provinces. Il s'est opéré un virage tectonique en théorie économique au cours des 10, 15 ou 20 dernières années pour ce qui est de la reconnaissance du rôle que joue la politique fiscale en tant que levier de croissance économique. Même les partis sociaux-démocrates de la plupart des régions du monde reconnaissent que l'une des infrastructures requises pour qu'un environnement soit propice à la croissance, surtout dans la nouvelle économie, réside dans des dégrèvements fiscaux concurrentiels. La péréquation n'a pas été réformée pour refléter cette évolution de la pensée économique.

Nous avons, au cours des 10 à 12 dernières années, l'exemple exceptionnel de l'Irlande qui a su s'adapter à l'évolution de la pensée économique à cet égard et qui l'a fait avec succès. Certains comparent l'Irlande au Canada et disent que ce qui a été fait en Irlande peut aussi être fait au Canada.

Ce n'est peut-être pas une très bonne idée de comparer l'Irlande au Canada, car l'Irlande a bénéficié de transferts de l'Union européenne pour réduire ses impôts et accroître ses dépenses d'éducation comme elle se devait de le faire pour atteindre un taux de croissance de 97 p. 100 du PIB par habitant sur dix ans. Au cours de la même période, au Canada, le taux de croissance du PIB par habitant n'a été que de 5 p. 100, soit près de 20 fois moindre.

 

.1150 +-

Toutefois, si nous comparons l'Irlande au Canada atlantique, nous relevons des ressemblances extraordinaires. Le Canada atlantique et toutes les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation pourraient profiter de certaines occasions, si nous faisions preuve d'une plus grande créativité ou si nous considérions la péréquation comme un levier qui favorise la croissance économique au lieu de perpétuer le cycle de dépendance. L'Irlande a utilisé les paiements de transfert qu'elle recevait de l'Union européenne pour investir dans l'éducation afin de pouvoir en bout de ligne réduire les taxes. Au Canada, les paiements de péréquation pourraient servir à des fins similaires.

Le système de péréquation actuel comporte une grave lacune. Les provinces tentent de diversifier leur économie, de trouver des façons d'accroître leurs recettes et de favoriser la croissance économique, que ce soit par l'exploitation des ressources extracôtières, comme c'est le cas à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, ma province, ou par l'élaboration d'une stratégie agressive dans le domaine de la biotechnologie, comme c'est le cas au Québec. Que les recettes proviennent du secteur de la technologie de l'information ou de la biotechnologie ou qu'elles proviennent de l'exploitation des ressources extracôtières, il reste que le programme de péréquation récupérera en bout de ligne une grande partie et même presque l'ensemble des recettes, ce qui contribue à créer ou à perpétuer le cycle de dépendance.

Lorsqu'une province réussit, grâce à de bonnes décisions en matière de développement économique ou à une période de forte croissance économique, à briser, du moins en partie, ses liens de dépendance, le gouvernement fédéral intervient pour récupérer la plus grande part des recettes. D'une certaine manière, c'est le même cercle vicieux de l'aide sociale dans lequel sont pris certains de nos concitoyens qui, lorsqu'ils trouvent finalement un emploi, gagnent moins qu'avant ou ne retirent aucun avantage économique de leurs initiatives et de leur réussite.

Si nous voulons sérieusement que la péréquation ne soit pas un système qui crée la dépendance ou un instrument de maquignonnage à la disposition des libéraux lors des élections dans les provinces comme Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et les autres provinces atlantiques, mais un véritable levier servant à stimuler la croissance économique et à créer des possibilités, nous devons admettre qu'il faut la réformer tout en réformant, parallèlement, la politique de développement économique.

Je vous donne un exemple d'éléments de la politique de développement économique qu'il faut réformer en même temps que la péréquation. Les agences de développement économique régional, comme l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, doivent être réformées. En Nouvelle-Écosse, par exemple, je crois que le budget de l'APECA oscille autour de 120 millions de dollars par année. Le total de l'impôt fédéral sur le revenu des entreprises payé en Nouvelle-Écosse est à peu de choses près le même montant. Je crois que c'est 130 ou 140 millions de dollars.

Nous pourrions très bien utiliser le budget de l'APECA pour éliminer l'impôt sur le revenu des entreprises dans le Canada atlantique. Ce n'est là qu'une idée que nous pourrions envisager pour stimuler la croissance encore bien plus que ce qu'a pu faire l'APECA. Nous reconnaissons que l'APECA a quelques réussites à son actif, mais elle a aussi connu sa part d'échecs majeurs. En un sens, le modèle sur lequel repose l'APECA était peut-être mieux adapté à l'ancienne économie qu'il l'est à la nouvelle.

Nous devons avoir un débat majeur sur la réforme de la péréquation et la réforme de la politique de développement économique. La campagne pour l'équité que le premier ministre John Hamm, de la Nouvelle-Écosse, a entreprise et qui le mène partout au Canada pour discuter avec les leaders d'opinion et les responsables des politiques gouvernementales est une campagne très importante. Le premier ministre Hamm fait ressortir les défauts de notre système de péréquation dont les dispositions de récupération font perdre 81 p. 100 des revenus de l'exploitation gazière en mer.

 

.1155 +-

Le gouvernement fédéral récupère chaque dollar de nouvelles recettes que la Nouvelle-Écosse tire de l'exploitation de ressources hauturières. Le Nouveau-Brunswick pourrait se retrouver dans la même situation dans l'avenir, pas nécessairement du fait des recettes provenant de l'exploitation de ressources hauturières, mais peut-être du fait de recettes liées au développement de l'infotechnologie ou d'autres recettes. Cela rend la nécessité d'une réforme encore plus impérieuse.

Il est important de souligner qu'il existe un précédent aux arguments que le premier ministre Hamm fait valoir relativement aux lacunes de l'actuel système de péréquation à ce chapitre.

Les paiements de péréquation ont commencé en 1958. L'Alberta tirait alors des recettes du pétrole et elle a continué de recevoir des paiements jusqu'en 1965; à partir de là, elle a atteint un niveau d'indépendance économique et elle est passée de son statut de province bénéficiaire à celui de province contributrice. Entre le moment où le programme de péréquation a vu le jour et celui où l'Alberta a pu devenir autonome grâce à la croissance de ses recettes pétrolières, cette province a continué de recevoir de pleins paiements de péréquation. Je pense que c'est un précédent important. Voilà pourquoi le premier ministre albertain, Ralph Klein, a appuyé la démarche du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Hamm.

Il est important de reconnaître qu'avant que les Albertains aient eu la sagesse et la prévoyance d'exploiter ses ressources pétrolières, l'Alberta était une province pauvre. Les provinces bénéficiaires attendent simplement ces fonds pour mettre fin au cycle de la dépendance.

À mon avis, dans dix ans, elles vont se rappeler du temps où elles étaient des provinces bénéficiaires. Il est aussi fort possible que si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux travaillent ensemble, s'ils partagent cette vision de l'autosuffisance et des possibilités économiques, les provinces bénéficiaires aujourd'hui deviennent économiquement autonomes. La Saskatchewan est une autre province dans ce cas. Cela ne va pas se faire, toutefois, si nous ne changeons pas la formule de péréquation, si nous ne l'adaptons pas de sorte à tenir compte des réalités de la théorie économique actuelle qui consiste à réduire les impôts, à réduire la dette et à mettre en place des mesures qui permettent aux provinces et autres autorités de se doter de l'infrastructure nécessaire. À moins que les provinces ne soient en mesure de se doter de l'infrastructure nécessaire, nous ne sommes pas sortis du tunnel et nous devrons continuer au Canada d'accepter la dépendance économique au lieu de l'idée de donner à chaque région des possibilités économiques.

Pour conclure, j'espère que nous reverrons notre approche à l'égard de la péréquation et qu'au lieu de considérer la péréquation comme l'idée d'assurer à toutes les régions un niveau de services et d'imposition à peu près équivalent, nous verrons dans la péréquation un moyen de donner aux provinces et aux Canadiens la possibilité d'atteindre à la pleine égalité des chances et de succès au XXIe siècle.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai apprécié les observations du député de Kings—Hants. Je pense qu'il essaie d'être créatif en présentant des idées et des propositions.

 

.1200 +-

La notion selon laquelle l'argent provenant de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique en Nouvelle-Écosse ou un montant équivalent pourrait entraîner l'élimination de l'impôt des sociétés en Nouvelle-Écosse est intéressante. J'ignore au juste comment cela fonctionnerait au niveau fédéral pour ce qui est d'un taux uniforme d'imposition des sociétés. C'est le genre de réflexion que nous devons faire.

L'année dernière, l'agence a affecté 700 millions de dollars aux provinces maritimes pour encourager l'innovation, les économies de transition et le reste. Malheureusement, on n'a pas beaucoup profité de ce montant. Pourtant, cette initiative offre d'énormes débouchés.

Je voudrais parler brièvement de la question des ressources en mer. En 1986, l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers a été signé. Il protégeait un certain pourcentage des recettes tirées des ressources extracôtiers contre une réduction des paiements de péréquation pour une période de transition de dix ans. Une fois cet accord en place, la Nouvelle-Écosse était en mesure de protéger en fait 90 p. 100 de ses recettes contre une réduction des paiements de péréquation pour la première année. Par la suite, la protection diminue de 10 p. 100 chaque année jusqu'à son élimination complète. À l'époque, le taux d'imposition devait revenir à son taux normal de 100 p. 100.

L'accord n'avait aucunement pour effet d'offrir un avantage permanent à la Nouvelle-Écosse. Il est entré en vigueur en 1993-1994 alors que l'exploitation des hydrocarbures extracôtiers a commencé dans les champs gaziers Cohasset et Panuke. Depuis, la Nouvelle-Écosse a touché au total 32 millions de dollars aux termes de l'accord.

Il faut être clair à ce sujet. Il faut rejeter toute suggestion voulant que les paiements de péréquation demeurent intacts alors qu'une province comme la Nouvelle-Écosse s'enrichit. Si nous adoptions cette proposition, nous finirions probablement par verser des paiements de péréquation à l'Alberta.

Le député de Kings—Hants pourrait-il préciser son point de vue à cet égard? Je m'intéresse plus particulièrement à l'analogie qu'il a faite en ce qui concerne le redéploiement des ressources de l'APECA en Nouvelle-Écosse pour réduire les impôts des sociétés. Envisage-t-il cela au niveau provincial ou au niveau fédéral? Comment cela fonctionnerait-il exactement?

M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie le secrétaire parlementaire de sa question.

L'idée, c'est que l'APECA ou l'utilisation d'une partie des fonds destinés à des organismes de développement régional comme l'APECA, pourraient être utilisés pour résoudre des problèmes liés à l'impôt sur les sociétés, lesquels font obstacle à la croissance économique. Elle mérite d'être discutée plus à fond. C'est le genre de débat que le Comité des finances devrait tenir. Il faudrait examiner sérieusement les stratégies de développement économique.

Cela ne veut pas dire que l'APECA ne fait rien de bon; certaines de ses interventions ont donné de bons résultats. J'ai tendance à croire que des stratégies fiscales dynamiques pourraient donner de meilleurs résultats qu'une aide financière directe du gouvernement aux entreprises.

En ce qui concerne le fonds d'innovation de l'Atlantique, doté d'un capital de 700 millions de dollars, dont certains volets ont été annoncés à trois ou quatre reprises sous des formes différentes, à ma connaissance ce programme n'a pas encore servi dans la région de l'Atlantique. Le programme a été annoncé à grand renfort médiatique à Halifax l'été dernier, avant les élections, une fois que le gouvernement libéral est parvenu à localiser la région de l'Atlantique sur la carte. En compagnie de journalistes et de doreurs d'images, des représentants du gouvernement montés dans un camion de la Brink's ont lancé ce plan d'action si souvent annoncé devant le centre mondial du commerce et des congrès de Halifax. Il reste maintenant à en voir les résultats.

Au Canada atlantique, personne ne sait encore comment ce programme fonctionnera ni comment l'aide financière sera attribuée. La Fondation canadienne pour l'innovation continue probablement d'investir dans d'autres régions du Canada mais attend, pour intervenir dans la région de l'Atlantique, que ce nouveau fonds de croissance et d'innovation soit mis en place. Ce programme n'atteint pas ses objectifs.

Quant à ce que disait le député au sujet de la récupération, il existe un précédent et l'Alberta est une province qui en a bénéficié. Le député disait que, si c'était le cas, l'Alberta bénéficierait encore de la péréquation. Ce n'est pas du tout le cas. Le député se trompe, parce que l'Alberta a réussi à atteindre un niveau d'autosuffisance qui l'a rendue inadmissible aux prestations de péréquation.

 

.1205 +-

Nous voulons faire la même chose en Nouvelle-Écosse, mais en attendant, cette province, comme Terre-Neuve ou le Nouveau-Brunswick ou toute autre province bénéficiaire, ne veut pas perdre les 81 p. 100, ou 81¢ de chaque dollar récupéré, car cela empêcherait des provinces comme la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick de réduire le fardeau fiscal des sociétés, d'alléger leur dette et d'exploiter efficacement les débouchés de la nouvelle économie.

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, je félicite le député pour son discours qui donne matière à réflexion. Il s'agit d'une question pour laquelle je ne suis pas sûr que le mot employé soit juste. Nous parlons de péréquation. Mais l'on ne peut absolument pas parler de péréquation lorsqu'il s'agit notamment des provinces de l'Atlantique. Je connais un vieux dicton qui dit que nous sommes tous égaux, mais que certains sont plus égaux que d'autres. Dans le cas d'aujourd'hui, nous découvrons que certains, au pays, sont plus égaux que nous.

Quand je dis ne pas être sûr que nous employons le mot juste, j'ignore s'il en est d'autres qui en sont sûrs. Je songe particulièrement au gouvernement.

Il y a quelque temps, j'ai posé la question au ministre des Finances, comme je l'avais fait à plusieurs reprises. Je l'ai posée pour la bonne raison que la question à l'étude aujourd'hui est sans doute la plus importante sur laquelle la Chambre puisse se prononcer, en ce qu'elle concerne le bien-être économique de toute la population.

Je ne parle pas que de Terre-Neuve ou des provinces de l'Atlantique. Je pense au pays en entier. Nous avons présentement ce que nous pourrions qualifier de transferts fédéraux d'assistance sociale. Nous avons en place un système à la Robin des bois qui permet de prendre aux riches, notamment l'Alberta et l'Ontario, pour aider ceux qui en ont besoin, ceux qui, comme on dit, ne sont pas tout à fait égaux.

Cependant les rendons-nous égaux avec les sommes dérisoires que nous leur versons? Non, certainement pas. Nous ne faisons que redonner un léger souffle de vie à leur économie.

Lorsque nous jetons un coup d'oeil aux gels et aux compressions appliqués au TCSPS, nous constatons, comme quelqu'un l'a déjà mentionné aujourd'hui, que le gouvernement fédéral, qui à une époque assumait 50 p. 100 des coûts liés à la santé et à l'enseignement postsecondaire, n'en assume plus que 13 ou 14 p. 100. Par ailleurs, les provinces, dont aucune ne reçoit d'aide de la part du fédéral pour soutenir son économie, essaient de gérer tous ces coûts sociaux excessifs. Les soins de santé, compte tenu de notre population vieillissante et de la hausse des coûts, accaparent la plus grande partie des fonds.

Le secteur de l'enseignement postsecondaire est laissé à lui-même et doit se débrouiller seul. Notre niveau d'investissement dans l'enseignement au pays est une honte, et ce sont nos étudiants qui en font les frais.

Au cours des dernières semaines, les provinces ont accordé une grande attention à la péréquation. Peut-être qu'au lieu de débattre de cette question à la Chambre et de ne rien faire de concret, comme cela a toujours été le cas relativement à ce dossier, le gouvernement devrait se rendre dans les régions où va le premier ministre Hamm. Il devrait écouter les discours simples mais factuels qu'il prononce quant aux avantages liés au fait de laisser des provinces comme Terre-Neuve développer leurs propres ressources.

Pour des provinces comme la mienne, cela permettrait non seulement d'en tirer une certaine satisfaction, mais aussi de garder leurs recettes jusqu'à ce qu'elles se situent dans la moyenne nationale et qu'elles puissent commencer à contribuer à l'économie canadienne. Ainsi, des provinces comme l'Alberta et l'Ontario n'auraient plus à nous faire la charité par l'entremise de l'assistance sociale.

Des provinces comme Terre-Neuve pourraient ainsi commencer à contribuer à la péréquation. Elles pourraient aider à relever l'économie des provinces n'ayant pas les mêmes ressources, les encourager à investir chez elles et à créer une infrastructure leur permettant de développer leurs ressources et de générer des profits qui les aideront à devenir des provinces bien nanties.

 

.1210 +-

C'est un processus très simple. Cela a été fait en Alberta, même si le ministre des Finances m'a dit que non. Lorsque la péréquation a été instaurée, les recettes de l'Alberta ont commencé à faire l'objet d'une récupération. Au bout d'une période de sept ou huit ans, la province a obtenu une chance d'investir ses redevances dans son infrastructure. Depuis ce temps, en plus d'atteindre l'autosuffisance, elle est devenue un des partenaires qui, financièrement, contribue le plus au pays.

Voilà ce qu'est censée être la Confédération. Nous pouvons certes appuyer ce processus en faisant preuve d'un peu de bon sens. C'est tout ce que demande le premier ministre Hamm de la Nouvelle-Écosse. C'est tout ce qu'a demandé le premier ministre Grimes de Terre-Neuve lorsqu'il est venu rendre visite au premier ministre la semaine dernière. Lorsque le premier ministre Grimes est rentré dans sa province à la suite de sa rencontre à Ottawa, il a déclaré ce qui suit:

Le premier ministre est clairement d'accord avec l'idée selon laquelle [...] des provinces comme Terre-Neuve et le Labrador devraient conserver une plus grande partie de leurs recettes. Selon ce que j'ai retenu de ma rencontre avec le premier ministre, il est d'avis que c'est la chose à faire [...] dès qu'ils le pourront, et qu'il n'y a aucune raison d'attendre.

Quelques minutes à peine après cette déclaration du premier ministre provincial, le cabinet du premier ministre a diffusé un communiqué laconique précisant que le premier ministre était dans l'erreur et qu'aucun engagement n'avait été pris.

La situation est la suivante: Un premier ministre provincial déclare que le premier ministre du pays s'est engagé à traiter équitablement Terre-Neuve. Le premier ministre du Canada dit non, celui-ci est dans l'erreur, je n'ai jamais dit une telle chose. Le ministre de l'Industrie est intervenu, comme c'est son habitude, et s'est dit d'accord avec les deux intervenants, comme il le fait toujours.

Pour en revenir au ministre de l'Industrie, qui a été le premier ministre de Terre-Neuve pendant des années, il convient de se demander s'il a mené la lutte que le premier ministre Hamm a maintenant fait sienne. La réponse est non. A-t-il mené cette lutte lorsqu'il a été ministre du gouvernement d'en face pendant bon nombre d'années? La réponse est non.

Quand a-t-il commencé à mener cette lutte? Au cours des dernières élections, en novembre, quand il a constaté qu'il allait nulle part à Terre-Neuve. Il s'est présenté dans la circonscription libérale la plus sûre, celle de l'ancien premier ministre. Après les premières élections, il n'a même pas eu le courage de rester ici, il a couru vers le siège le plus sûr de la province, le seul siège qui n'avait jamais été occupé par quelqu'un d'autre qu'un libéral.

Nous avons vu ce qui s'est passé là bas immédiatement après son départ. Un conservateur a été élu pour la première fois de l'histoire, en raison simplement de l'impression que les électeurs avaient de cette personne qui veut maintenant devenir le premier ministre du Canada.

Pendant la campagne électorale, lui-même et son ministre du Tourisme qui se présentait dans St. John's-Ouest, avaient adopté le slogan «Une nouvelle équipe—Une nouvelle entente».

Quelle nouvelle équipe? Ce n'était pas une nouvelle équipe, c'était la même vieille équipe. Je me suis occupé d'une moitié. Je me serais occupé de l'autre s'il avait eu le courage de se présenter dans cette circonscription où il habite. Mais il n'a pas eu ce courage.

M. Scott Brison: Mais il est connu là bas.

M. Loyola Hearn: Certainement qu'il est connu. Il sera connu dans sa circonscription actuelle. Partout où il est allé, il était connu.

La nouvelle entente dont il parlait concernait la péréquation et la récupération. Qu'est-ce qu'on entend? On entend le premier ministre qui dit non et le ministre des Finances qui affirme qu'il n'apportera pas de changements, même s'il m'a dit qu'il continuerait d'examiner ces questions.

Nous examinons ces questions depuis assez longtemps. Donnons aux provinces qui ont des ressources la chance de développer leur propre infrastructure et d'y investir afin qu'elles puissent créer davantage de revenus pour aider ceux qui en ont besoin. C'est ça une confédération. Le temps est venu de joindre l'acte à la parole.

 

.1215 +-

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, on semble oublier dans ce débat que le développement de ces ressources hauturières en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve renferme des promesses d'emplois, de revenus plus élevés et d'autonomie accrue pour les habitants de ces deux provinces. Les habitants de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve seront les grands gagnants, et cela est juste. Le trésor de ces provinces en bénéficiera aussi.

L'idée que les paiements de péréquation restent inchangés n'a jamais été sous-entendue. Permettez-moi de reprendre le commentaire au sujet de l'Alberta. Bien qu'il soit exact de dire que l'Alberta a reçu des paiements de péréquation lors de l'instauration du programme en 1957, il importe de préciser qu'on ne se servait que de trois assiettes fiscales à l'époque: l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt des sociétés et les droits successoraux. Au moment où on a inclus d'autres assiettes fiscales, l'Alberta a été disqualifiée. Si nous reprenions le programme original, autrement dit, si nous n'incluions que l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt des sociétés et les droits successoraux, la Nouvelle-Écosse toucherait environ 740 millions de dollars de moins chaque année.

Nous avons atteint le juste équilibre. Les provinces sont encouragées à développer leurs ressources hauturières. Les paiements de péréquation ont de moins en moins d'importance. L'essentiel est que ces provinces ont là une occasion extraordinaire de susciter une confiance renouvelée et de créer de nouveaux emplois et de nouveaux débouchés de carrière.

L'argument, c'est que notre formule prend en compte les incitatifs et fournit des armes égales à toutes les provinces en fonction de leurs ressources et de leurs assiettes fiscales. Le député reconnaît-il que la formule est équitable et bien pensée?

M. Loyola Hearn: Monsieur le Président, le député a tort de croire que moi-même ou toute personne dotée d'un certain bon sens pourrions être d'accord avec une telle position. C'est nous qui devrions voir à ce que ce pays ne change pas. Il voudrait bien que les riches s'enrichissent, que les pauvres s'appauvrissent et que nous sommes tous à la merci du parti d'en face.

La Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et les autres provinces n'ont pas du tout l'intention de demander qu'on maintienne les paiements de péréquation alors qu'elles tirent des recettes de leurs ressources naturelles. Elles veulent seulement qu'on agisse de façon progressive jusqu'à ce qu'elles atteignent la moyenne canadienne et qu'elles puissent alors apporter leur contribution. Elles n'auront alors plus besoin des paiements de péréquation parce qu'elles pourront vivre des recettes qu'elles tireront des redevances.

Le député affirme que ces provinces en tirent un grand profit et que l'argent coule à flot. À entendre le ministre de l'Industrie parler de la situation florissante du produit intérieur brut dans ces provinces, on serait prêt à croire que la province de Terre-Neuve en tire un très grand profit. Toutefois, la majorité des profits vont à l'extérieur de la province. Le pétrole, tout comme les crevettes, est expédié hors de la province pour être transformé ailleurs. Ce sont là les deux principaux composants du PIB de Terre-Neuve.

La situation de Terre-neuve n'est pas si florissante, parce qu'elle est traitée comme tous ces gens au chômage à qui le gouvernement confisque les maigres sommes qu'ils réussissent à gagner. Il est beaucoup plus avantageux pour eux de rester à la maison sans rien faire que de travailler. De même, il est beaucoup plus rentable pour Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse de laisser leurs ressources naturelles dormir sous terre parce qu'il sera toujours temps plus tard de les exploiter. Ces provinces n'ont rien à gagner d'un gouvernement comme celui-ci qui veut les garder dans la pauvreté. Il est grand temps que les choses changent.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends la parole au nom des électeurs de Surrey-Centre pour participer au débat de deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le porte-parole de l'Alliance canadienne en matière financière, le député de Calgary-Sud-Est, a très bien exposé notre position et les lacunes du projet de loi.

Pour l'information des gens qui suivent nos délibérations chez eux, je dirai que la mesure à l'étude prévoit, pour l'exercice financier de 1999-2000, l'élimination du plafond qui s'appliquerait par ailleurs aux paiements de péréquation.

Nous reconnaissons que les différentes provinces et régions du Canada n'ont pas les mêmes richesses. Toutes veulent fournir des services similaires à leurs résidants. Nous sommes déterminés à appliquer le principe constitutionnel des paiements de péréquation afin d'assurer que les gouvernements disposent des recettes suffisantes pour fournir à leurs résidants des niveaux de services essentiels raisonnablement comparables, à des taux d'imposition raisonnablement comparables. Cela permettra à tous les Canadiens d'un océan à l'autre de bénéficier de services publics importants de qualité comparable.

 

.1220 +-

La mesure à l'étude met en application l'engagement que le premier ministre a pris envers ses homologues provinciaux d'éliminer le plafond pour la première année d'un cycle de paiements de péréquation de cinq ans. Le projet de loi C-18 aura pour effet d'augmenter les transferts de péréquation de 792 millions de dollars, dont plus de la moitié ira au Québec, soit une augmentation de 67 $ par habitant.

L'augmentation résulte de la croissance du PIB au-delà du plafond de 10 milliards de dollars. Cette disposition répond aux demandes faites par les provinces au cours des négociations avec les premiers ministres provinciaux au sujet du montant global de l'augmentation des paiements de transfert au titre du TCSPS qui a été entendu en septembre 2000.

Bien que l'Alliance canadienne soit prête à envisager un nouveau système de péréquation qui ne pénaliserait pas les provinces pauvres qui jouissent d'une croissance inattendue ou de nouvelles redevances sur les ressources, nous croyons que la formule du calcul de la péréquation devrait être appliquée de façon uniforme.

L'opposition officielle ne cesse de réclamer une réforme du système de péréquation qui permettrait aux provinces pauvres de profiter de leur développement économique. Le premier ministre conservateur de la Nouvelle-Écosse, John Hamm, réclame la réforme de la péréquation dans le cadre de sa campagne en faveur de l'équité. Du temps où il était premier ministre de Terre-Neuve, le ministre de l'Industrie parlait lui aussi de réformer la péréquation. La réforme de la péréquation est nécessaire, tout le monde en parle.

Pour chaque dollar qu'une province reçoit en redevances, le gouvernement fédéral réduit les paiements de péréquation d'environ 75 cents. La formule actuelle de calcul de la péréquation entrave l'égalisation des perspectives économiques entre les provinces. Le projet de loi n'aborde qu'un seul aspect du problème. Il y en a beaucoup d'autres dont je parlerai plus tard en détail.

Au lieu d'aborder la question des paiements de péréquation au gré des circonstances, on devrait tenir un débat complet et en profondeur à la Chambre. Le plafonnement de la péréquation est là pour protéger les contribuables fédéraux contre une augmentation excessive des paiements.

L'Alliance appuie l'augmentation de 21,1 milliards de dollars prévue par l'accord financier de 2000 sur le TCSPS. Nous sommes également d'avis qu'il faut revoir l'application de la formule afin d'arrêter de pénaliser les provinces qui jouissent d'une forte croissance ou dont les recettes provenant de ressources non renouvelables ont augmenté. Nous croyons qu'il est nécessaire de maintenir le plafond afin de préserver l'intégrité de l'ensemble du programme.

Nous croyons également que le système de la péréquation devrait servir, pour le long terme, à égaliser les perspectives et l'autonomie économiques de toutes les régions et qu'il ne devrait pas inciter les gouvernements provinciaux à adopter des politiques économiques perverses.

Le déplafonnement est une réaction ponctuelle qui ne résout pas les problèmes plus importants à long terme. Il a été promis pour des raisons purement politiques. C'est peut-être une bonne manoeuvre politique, mais est-ce une bonne politique? Le fait que cette solution ponctuelle d'urgence ait été proposée est révélateur de la nécessité de lancer un débat au Parlement, dans les provinces et entre les différents ordres de gouvernement afin de trouver des moyens d'éviter qu'il soit nécessaire d'avoir tout le temps recours à des solutions d'urgence de ce genre.

Je vais décrire le système de la péréquation que le gouvernement applique. Depuis 1957, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère des Finances, réexamine le programme de la péréquation tous les cinq ans. Le programme de péréquation a pour but d'égaliser la capacité de perception de recettes des provinces. En théorie, cela permet aux provinces de dispenser des services publics de niveau comparable à des taux d'imposition comparables.

 

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En l'absence des paiements de péréquation, les provinces plus riches pourraient dispenser davantage de services à leurs populations respectives que les provinces plus pauvres ayant un taux d'imposition identique. Le programme de péréquation est important pour la Confédération canadienne.

Le programme n'est efficace que dans la mesure où il réussit à demeurer à jour avec les régimes d'impôt des provinces. L'élément clé de la formule de péréquation est le régime fiscal représentatif. Le régime fiscal représentatif est un régime hypothétique qui est représentatif des régimes réels de chaque province. La clé de la réussite dépend de la mesure dans laquelle le régime fiscal représentatif est fidèle au régime fiscal des provinces. Le régime fiscal représentatif doit être exhaustif, représentatif, précis et fondé sur des catégories adéquates.

Le régime fiscal représentatif doit inclure toutes les sources de revenus servant au financement des services publics. Une couverture partielle des sources de revenus ne donne pas une idée juste des capacités financières relatives des provinces. Le régime fiscal représentatif doit utiliser des définitions des assiettes fiscales fidèles à la structure fiscale réelle utilisée par les provinces pour refléter ce que font réellement les gouvernements. Il ne devrait pas comprendre des mesures imaginaires, injustes ou irréalistes. Le régime doit être représentatif de la réalité du régime fiscal des provinces ou du pays. Les données utilisées pour mesurer les diverses assiettes fiscales doivent être aussi précises que possible pour pouvoir constituer un outil de mesure fiable.

Les éléments du régime fiscal représentatif qui constituent une catégorie ou une source de revenu doivent avoir des caractéristiques communes et faire l'objet de taux d'imposition similaires; ils doivent en outre reposer sur des catégories adéquates. À l'heure actuelle, le ministère des Finances se sert de tels critères pour évaluer le régime fiscal représentatif, mais cela n'est écrit nulle part.

Le ministère des Finances n'a pas adopté officiellement l'ensemble de règles devant le guider dans son examen du système fiscal représentatif. Cet ensemble de règles est nécessaire, si l'on veut en arriver à une méthode commune d'évaluation de l'assiette fiscale des provinces. Pour ce qui touche bon nombre des 33 sources de recettes qu'utilise le ministère en guise de mesures, les bases ne sont pas claires et il n'existe pas de consensus.

De ce côté-ci de la Chambre, nous essayons d'obliger l'actuel gouvernement fédéral, mou et sans vision, à faire le nécessaire pour remettre en état ce système.

Au cours de la dernière législature, je suis intervenu dans le débat sur le projet de loi, quand le délai de cinq ans a expiré. Comme je l'ai dit plus tôt, la Chambre a étudié les détails du programme de péréquation et de son fonctionnement pendant les cinq prochaines années. À ce moment, le gouvernement avait accordé à la Chambre seulement quelques jours pour étudier le projet de loi qu'il adoptait, car il faut légiférer tous les cinq ans pour assurer l'application du programme de péréquation.

C'est vraiment scandaleux. Le gouvernement ne voulait pas que les partis d'opposition à la Chambre aient beaucoup de temps pour étudier les paiements de péréquation. Il a retenu le projet de loi pendant trois jours, de sorte qu'il restait à peine quelques jours avant la date limite de l'année civile. Les libéraux ont alors déclaré que le temps pressait, qu'il fallait adopter la mesure sans tarder. Or, ils avaient fait exprès pour reporter le plus possible l'étude du projet de loi.

Aujourd'hui, nous sommes saisis d'un projet de loi qui rafistole le programme de péréquation, programme que nous appuyons tous et que nous voulons tous appliquer le mieux possible. Les libéraux ne veulent pas faire ce travail. Le projet de loi ne vise qu'un seul aspect du problème, soit le paiement maximal. Qu'arrive-t-il aux autres problèmes plus graves et compliqués dont le projet de loi ne traite absolument pas? Les libéraux prétendent qu'il n'y en a pas. En niant le problème, il va peut-être disparaître.

Je peux donner six exemples pour prouver ce que je dis.

 

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Premièrement, dans certaines provinces, on calcule les charges sociales sur la masse salariale totale de l'entreprise, tandis que, dans d'autres, on n'impose que les sommes dépassant un certain seuil. D'autres provinces encore ne perçoivent pas de taxe ni d'impôt. Aux fins du RFR, l'assiette utilisée dans l'ensemble des provinces doit être la même.

Deuxièmement, l'assiette de la taxe de vente, dans le RFR, n'est plus représentative de la structure de la fiscalité de la plupart des provinces. Les quatre provinces dans lesquelles se concentre le tiers de la population canadienne totale ont une assiette de la taxe de vente commune, c'est-à-dire la TPS, qui est différente de celle utilisée dans un RFR. On compare des pommes et des oranges. Il n'y a pas d'équivalence entre les deux régimes. Il s'impose donc de revoir la façon dont cette assiette se mesure actuellement.

Troisièmement, les frais d'utilisation ne sont pas à l'ordre du jour des discussions fédérales-provinciales en cours pour le renouvellement de 1999. Il est très important de mentionner ici que tous les gouvernements, quels qu'ils soient, ont recours à d'autres sources de recettes, telles que les frais d'utilisation. C'est une taxe, sauf que son nom ne le dit pas.

Les recettes que les gouvernements provinciaux et les administrations municipales ont tirées des frais d'utilisation ont doublé entre 1984 et 1994, passant de 6 milliards de dollars à 12 milliards de dollars. Ces rentrées ont doublé en dix ans.

La façon dont celles-ci sont traitées dans la formule de péréquation peut avoir une incidence importante sur l'ensemble des paiements de péréquation. Les frais d'utilisateur imposés par les provinces font partie de la péréquation du régime fiscal représentatif, le RFR, depuis 1967.

Des frais semblables imposés par les municipalités ont été intégrés lors de la refonte de 1982. À l'heure actuelle, ces montants sont inclus dans la catégorie des recettes diverses du RFR. C'est une catégorie distincte. Cette façon de faire a une incidence sur les calculs compliqués de la formule de péréquation.

Quatrièmement, depuis 1977, les recettes de loterie sont traitées comme une source de revenu distincte dans le RFR. Les recettes brutes tirées de la vente de billets de loterie constituent la base. Le système a bien fonctionné jusqu'à ce que le secteur provincial des jeux de hasard se soit transformé radicalement. De nos jours, les provinces exploitent des jeux vidéo, des casinos, des bingos, des appareils de loterie vidéo, des billets en pochette et d'autres jeux de hasard.

La base du RFR n'englobe pas ces formes de jeux plus récentes, et c'est injuste. Les recettes font l'objet d'un traitement différent aux fins de la péréquation. Lorsqu'un casino est exploité par une société de loterie provinciale, les profits font l'objet d'une péréquation sous la rubrique des recettes de loterie. Si le casino est exploité par un ministère du gouvernement, les recettes brutes du casino font l'objet d'une péréquation sous la rubrique des recettes diverses, dans le RFR. Encore une fois, le faible gouvernement libéral mélange les pommes et les oranges. On constate le même genre d'injustices dans le traitement des recettes tirées d'autres formes de jeux. C'est injuste.

Le RFR est devenu moins représentatif de la politique fiscale provinciale. Nous verrons si le gouvernement traitera de ces injustices dans le projet de loi. Il a l'occasion de réagir; il doit le faire.

Cinquièmement, je veux parler de l'imposition des recettes tirées de l'exploitation des ressources. Dans ce secteur, la situation change continuellement. Les bases de recettes de l'exploitation des ressources dans le RFR sont mesurées en fonction de la valeur ou du volume de production.

Idéalement, celles-ci seraient mesurées en fonction de la rente économique ou de la valeur de la ressource par rapport à son coût de production. La rente est une mesure du potentiel, je dis bien potentiel, imposable. Il s'agit d'une valeur qui peut être imposée sans égard à la production, car il faut tenir compte du fait que les ressources naturelles peuvent différer en qualité et en coûts de production suivant les lieux où on les trouve. La rente dans ce cas peut donc accuser des écarts considérables. Ce dont ne tient pas compte la valeur ou le volume de production.

 

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L'actuel programme de péréquation présente une foule de lacunes. Il devrait être revu de fond en comble. Nous savons que la disposition de péréquation a limité la croissance cumulative des paiements de péréquation à la croissance cumulative du PNB, le produit national brut.

Sixièmement, le plafonnement et des seuils minimaux ont été établis. Je n'entrerai pas dans les détails, me contentant de dire que le régime ne fonctionne pas bien. En fait, les provinces, notamment celles qui s'approchent du seuil, auraient de la difficulté à planifier leurs budgets.

Il y a un traitement asymétrique des paiements insuffisants et des paiements en trop. Les paiements en trop sont traités comme des prêts sans intérêt aux provinces. C'est un détail important. L'an dernier, cela a coûté 38 millions de dollars au gouvernement fédéral.

La libre utilisation des fonds fédéraux n'est peut-être pas partagée de façon égale entre toutes les provinces bénéficiaires. Le gouvernement fédéral ne prélève pas d'intérêts sur les paiements insuffisants. Le gouvernement s'est donc servi du programme pour accorder des faveurs politiques. L'ancien premier ministre de Terre-Neuve, qui est maintenant le ministre de l'Industrie, a obtenu un cadeau avant les élections. Voilà le genre de faveur dont j'ai parlé. Voilà ce que le gouvernement peut faire parce que le régime n'est pas équitable.

Évoluant depuis de nombreuses décennies et se relayant tous les cinq ans, les partis politiques traditionnels nous ont donné un processus extrêmement complexe et compliqué. Sa conception est tellement archaïque et obscure qu'elle en défie toute logique. Il n'est pas juste que notre régime constitue une telle énigme. Telle qu'elle est conçue actuellement, la péréquation entraîne des divisions. Elle dresse des Canadiens contre d'autres. C'est inacceptable. Les mesures devraient être exactes, fiables et pertinentes. Dans le cas qui nous occupe, elles ne le sont pas.

Le Parti réformiste du Canada, qui s'appelle maintenant l'Alliance canadienne, a présenté une nouvelle loi sur le Canada, qui vise à améliorer le système économique et politique canadien. Nous avons besoin d'une nouvelle entente sur l'union sociale en matière de transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Comme nous débattons le projet de loi, je demanderai aux députés ministériels de se pencher sur toute la question et de tenter sérieusement de réformer le programme de péréquation.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Surrey-Centre pour son excellent discours sur les paiements de péréquation et ce projet de loi. Il nous a donné un point de vue politique et pratique.

Aurait-il des affirmations à faire sur le tableau d'ensemble et particulièrement la nécessité d'offrir un financement suffisant aux services sociaux offerts aux citoyens de tout le pays? Il a fait allusion au fait que nous sommes d'accord avec cette notion, mais je voudrais simplement qu'il le réitère et qu'il souligne que les députés de l'Alliance canadienne croient que nous devons exercer notre conscience sociale dans la gestion des affaires du pays.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, nous sommes ici dans la plus haute Chambre du pays pour servir les Canadiens. Nous devrions les servir tous de façon égale, dans toutes les provinces, car ils ont le droit d'être traités en égaux. Peu importe où ils vivent, ils sont égaux et ils devraient avoir un accès égal aux services gouvernementaux importants.

Pourtant, à cause du fonctionnement de notre système, diverses provinces ont diverses sources de revenus. Pour dire les choses simplement, en fait leurs revenus ne sont pas égaux. Le montant qu'il leur reste et qu'ils peuvent consacrer à des services, surtout les services sociaux, peut différer. Les provinces riches ont plus d'argent à consacrer aux services sociaux que les provinces pauvres. Ainsi, les citoyens de diverses provinces ne peuvent pas profiter des mêmes services. C'est inadmissible. Le Canada est un merveilleux pays, et il a une responsabilité morale de s'assurer que tous les Canadiens où qu'ils vivent aient un accès égal aux services gouvernementaux importants.

 

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Ainsi, la formule de péréquation devrait être une façon novatrice ou pratique de remédier à la situation, mais elle ne fonctionne pas à l'heure actuelle. Elle est biaisée, injuste et déraisonnable. Elle ne tient pas compte de divers facteurs qui influent sur la formule de péréquation. C'est pourquoi il est important que nous consacrions sincèrement tous nos efforts à cette formule, afin qu'elle offre des moyens justes et équitables à toutes les provinces et à tous les Canadiens, dans toutes les régions.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre part à cet important débat sur le projet de loi C-18. Ce projet de loi est une mesure temporaire, mais c'est bon pour nous d'être capables de voir cela dans un contexte plus large.

Je vais dire quelques mots au sujet du principe de la péréquation. Ce principe veut dire que les Canadiens qui n'ont pas les moyens de se payer certains services à cause de leur situation financière ont quand même droit à des services de base. Je n'insisterai jamais assez sur le fait que j'appuie ce principe sans réserve.

Le premier ministre dit parfois, lorsqu'il parle d'aider les gens dans le besoin, que cela fait partie des valeurs propres au Canada. Malheureusement, dans notre environnement politique, cela se fait parfois de façon trop sélective. Nous voyons des gens qui ont des besoins auxquels on répond presque instantanément, alors que d'autres doivent travailler pendant des années et des années avant qu'on ne réponde à leurs besoins.

Je pense particulièrement aux victimes du scandale du sang contaminé, les victimes de l'hépatite C. Ce sont des gens qui ont été lésés à cause d'une erreur très précise commise par le gouvernement fédéral. Certaines provinces, comme l'Ontario, ont dit que ces victimes devraient être indemnisées, mais elles ne l'ont pas toutes été. Dans le programme mis sur pied par le gouvernement fédéral, des critères bien précis ont été définis, et tant pis pour ceux qui ne répondaient pas à ces critères.

Il se trouve que mon oncle est mort de l'hépatite. Il a laissé une veuve derrière lui. Il était justement dans cette catégorie de gens qui ne répondaient pas aux critères. On a diagnostiqué une tumeur au cerveau chez lui. On l'opéré, et ce fut un succès. Avant l'opération, il avait des problèmes de maux de tête et de désorientation. Sa récupération a été très longue, et il était toujours malade. Finalement, on a découvert qu'il avait reçu du sang contaminé, qu'il avait contracté l'hépatite à la suite des transfusions sanguines reçues durant l'opération. Il ne répondait pas aux critères établis pour l'indemnisation. Y a-t-il une indemnisation possible pour cette perte? Il semble que non, alors ces gens continuent de se battre. Pourtant, d'autres reçoivent de l'aide très rapidement.

 

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Dans une perspective plus large, lorsque des élections s'annoncent ou qu'il y a une inondation, les promesses d'indemnisation et d'aide aux agriculteurs touchés sont immédiates et généreuses. S'il n'y a pas d'élections en vue ou s'il s'agit d'un secteur où il ne semble pas y avoir beaucoup d'avantages politiques à retirer, il nous semble, en toute objectivité, qu'on est moins porté à tendre une main secourable. Je crois pour ma part que nous devons nous empresser davantage d'aider ceux qui ne peuvent faire face seuls aux difficultés.

J'ai grandi en Saskatchewan. Je suis né dans les Prairies, et j'appartiens à la première génération de ma famille née au Canada. Mes parents étaient jeunes lorsque leurs familles se sont enfuies de la Russie pour venir s'installer au Canada. Je me souviens distinctement que, dans les premières années de ma vie, dans les années 40, il n'y avait pas beaucoup d'aide pour les gens mal pris. Il est difficile de croire que je suis si vieux, mais il faut avouer que j'avance en âge.

Dans le cas de ma famille, il n'était pas rare que la communauté paroissiale où j'ai grandi tende la main aux nécessiteux. C'était parfois un prêt, parfois un don, parfois de la nourriture. C'est ainsi que les choses se passaient parce que nous avions de la compassion pour ceux qui sont dans le besoin.

Plus tard, je me suis marié et ma femme et moi avons connu un couple de l'Ontario, ou d'une province encore plus à l'est, qui était venu s'établir en Alberta. Je ne me souviens plus de quelle province venait ce couple. Il était déménagé en Alberta et vivait dans la misère. Cet homme et cette femme n'avaient pas d'emploi et pas de revenu. L'homme soutenait que la police lui avait volé son auto. Nous avons plus tard découvert que l'auto avait été confisquée parce que la police ne pouvait pas vérifier le contenu de la malle arrière et soupçonnait qu'elle contenait de la drogue, mais c'est une autre histoire.

Ce couple, donc, n'avait rien à manger et nulle part où habiter. Nous ne nous sommes pas adressés à une agence d'aide sociale. Nous n'avons pas cherché à obtenir des fonds publics pour ce couple. Nous avons agi tout naturellement. Nous savions que ces deux personnes étaient dans le besoin et nous avons cherché des moyens de les aider. Je me souviens d'avoir monté des sacs d'épicerie à l'appartement que nous avions préparé pour eux dans un deuxième étage. Nous avons payé un ou deux mois de loyer afin qu'ils puissent s'installer. Un des hommes de notre groupe a donné un emploi au nouveau venu. Nous avons tenté d'aider le couple.

Avec l'augmentation continue des impôts, le gouvernement libéral et les gouvernements de style libéral que nous avons eus au cours des 40 à 50 dernières années, nous avons vu le gouvernement se substituer de plus en plus aux familles et aux groupes religieux dans le domaine social. Aujourd'hui, les personnes et les familles ont de moins en moins les moyens financiers de s'occuper des gens qu'ils rencontrent.

Il est maintenant beaucoup plus naturel de vouloir tout de suite amener les gens au centre de services sociaux où sont fournis les programmes gouvernementaux. C'est apparemment une tendance qui s'observe depuis 30 ou 40 ans et que l'on doit aux gouvernements. Bien sûr, c'est une bonne chose, mais cela a tout de même un grave côté pervers en ce sens que, tout en traduisant bien le sentiment de compassion des Canadiens, cette situation enlève la possibilité de faire vraiment preuve de compassion sur une base individuelle.

Nous sommes écrasés sous les impôts. Pas plus tard qu'hier, je disais à quelqu'un que ma femme et moi avions décidé dès le départ qu'elle serait mère à plein temps et que je serais le seul soutien de famille. Même alors, notre taux marginal d'imposition était de 40 à 45 p. 100.

J'ai préféré donner des cours du soir plutôt que de voir ma femme aller travailler à l'extérieur. J'enseignais à temps plein le jour et je donnais deux ou trois cours le soir pour arrondir notre revenu. J'avais l'habitude de dire que je travaillais les mardis soirs pour Trudeau et les jeudis soirs pour ma famille. Au fond, les gens ne disposent que de la moitié de leur revenu.

 

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Si je suis devenu député, c'est notamment pour essayer de régler le problème d'énorme surimposition. À l'instar de milliers d'autres, ma famille a vécu avec quelque 30 à 50 p. 100 de son revenu. Comme je crois dans les dons de charité, au fil des années, j'ai donné non seulement 50 p. 100 de mon revenu au fisc, mais entre 10 et 20 p. 100, d'habitude, à des oeuvres de bienfaisance.

Et puis, comme ma seule pension de retraite n'allait pas suffire, j'ai contribué de 8 à 10 p. 100 à des REER. Il me restait 30 p. 100 de mon salaire. Nous avions du mal, mois après mois, à joindre les deux bouts.

La situation n'a pas beaucoup changé. D'un côté, c'est fantastique de pouvoir vivre dans un pays où tout le monde a accès à des soins médicaux gratuits. J'en conviens, mais il faut que ce soit fait de façon efficiente. Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont pris l'argent que j'avais gagné à la sueur de mon front. J'avais vraiment besoin d'un revenu plus élevé pour subvenir aux besoins de ma famille. Je parle du temps où je n'étais pas encore député. Je ne voudrais que l'on croie que je me plains de ne pas gagner suffisamment d'argent maintenant. À l'époque, nous éprouvions des difficultés et nous disions qu'ils feraient mieux d'utiliser très sagement l'argent qu'ils nous enlevaient.

L'une des raisons pour lesquelles les conservateurs ont perdu la faveur de bien des gens dans l'Ouest, c'est parce qu'on trouvait qu'ils géraient mal les fonds publics. Il ne se sont pas préoccupés de la dette nationale, ni des paiements d'intérêts énormes.

Je détestais voir la moitié de mon revenu s'envoler en impôts et constater que 30 p. 100 des impôts servaient à payer les intérêts sur une dette qui avait pris des proportions incroyables à cause de l'absence de contrôle financier de la part du gouvernement. Voilà pourquoi je suis ici.

Aujourd'hui, nous parlons de paiements de péréquation. Si je suis d'accord en principe avec l'idée d'aider les gens dans le besoin, je ne suis pas d'accord pour qu'on le fasse de façon inefficace, inutile ou injuste.

En passant, j'aimerais préciser une chose au sujet des paiements de péréquation. Puisqu'il sont établis en fonction de données provinciales, on ne reconnaît pas le fait qu'il y a des pauvres dans toutes les provinces. J'ai souvent réfléchi à cela au cours des années. Voici un exemple précis.

Alors que j'étais un jeune enseignant avec une jeune famille, qui essayait de joindre les deux bouts avec un revenu de 6 000 $ par année, je me trouvais à subventionner, avec mes cotisations d'assurance-chômage—on parlait d'assurance-chômage à l'époque—, un pêcheur qui gagnait 18 000 $ par année. Cela me paraissait un peu injuste parce que je ne pouvais réclamer moi-même de l'assurance—chômage. C'était particulièrement vrai pendant mes années d'études, où mon emploi à temps partiel m'obligeait à verser des cotisations d'assurance-chômage. Je cessais de travailler à l'automne pour poursuivre mes études et je n'étais pas admissible à des prestations. Mon argent servait à subventionner des personnes qui gagnaient 20, 30 ou 40 fois mon salaire.

Voilà un problème que le programme de péréquation ne règle pas. S'il y a des gens pauvres qui vivent dans les provinces dites nanties, dans certains cas, ils sont proportionnellement désavantagés comparativement à des personnes riches qui vivent dans des provinces démunies. Les gens à l'aise dans les provinces nanties paient des sommes énormes. Je suppose que la solution des libéraux c'est de les imposer à mort.

Lorsque nous avons proposé d'essayer d'équilibrer le fardeau fiscal de ceux qui gagnaient un revenu suffisant, on nous a accusés de vouloir simplement accorder des allégements fiscaux aux riches. En fait, le programme de péréquation actuel accorde des transferts à des provinces où vivent des personnes très riches, et ces personnes bénéficient de ces transferts.

 

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Pour situer les choses dans une juste perspective, la plupart des personnes ici présentes connaissent l'histoire des paiements de transfert. J'ai pris un livre qui comprenait un chapitre à ce sujet et j'ai découvert certaines choses très intéressantes. Pour l'exercice financier 2001, on estime que le total des paiements en espèces que le gouvernement fédéral versera aux provinces, aux territoires et aux administrations municipales frôlera les 25 milliards de dollars. C'est énormément d'argent.

Je m'amuse avec les chiffres comme certaines personnes s'amusent sur un terrain de golf. Lorsque j'ai l'occasion de faire de simples calculs, je le fais pour me divertir. Il y a quelque temps, j'ai établi un tableau de ventilation montrant les principaux transferts fédéraux versés aux provinces. J'ai la ventilation de tous les grands transferts fédéraux faits à chaque province pour la période allant de 1980 à 1999.

Il est fascinant de constater qu'au cours de cette période de 20 ans, Terre-Neuve a reçu un total de quelque 22,5 milliards de dollars en transferts; l'Île-du-Prince-Édouard a reçu 4,9 milliards; la Nouvelle-Écosse, 28,7 milliards; le Nouveau-Brunswick, 24,9 milliards; le Québec, 178,3 milliards; l'Ontario, 154 milliards; le Manitoba, environ 30 milliards; la Saskatchewan, près de 20 milliards; l'Alberta, presque 40 milliards; et la Colombie-Britannique, près de 53 milliards.

De 1980 à 1999, le total des grands transferts fédéraux aux 10 provinces s'est chiffré à 556 milliards de dollars. C'est sans compter le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, à l'époque le Nunavut n'existait pas. Ce montant correspond à peu près à notre dette nationale. Si nous ajoutons les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, le total des grands transferts fédéraux aux provinces et aux territoires au cours de cette période de 20 ans s'élève à 573 milliards de dollars. Coïncidence étrange, cette somme correspond presque au montant actuel de la dette nationale.

Nous sommes d'accord avec le principe des paiements de transfert, mais ceux-ci doivent être faits judicieusement. Selon nous, la dette aurait pu être éliminée complètement si le gouvernement avait mieux géré ce programme. Je ne dis absolument pas que les paiements de transfert n'auraient pas dû être faits mais, compte tenu du taux croissant de la dette, nous devons payer des intérêts à chaque année. Les gouvernements fédéraux libéral, puis conservateur, puis de nouveau libéral ne se sont pas occupés de cette question avant que notre parti arrive sur la scène fédérale et les contraigne à le faire. La dette a pris une ampleur démesurée et nous consacrons annuellement 30 milliards de dollars au paiement des intérêts. Il ne devrait pas en être ainsi.

Il est également intéressant de voir que la notion de paiements de transfert remonte à très loin dans le temps. C'est inclus dans la Constitution. En fait, la plupart d'entre nous savons que la Constitution canadienne rapatriée en 1982 renferme un article qui appuie le principe des paiements de péréquation. Le programme de péréquation officiel tel que nous le connaissons aujourd'hui date du milieu des années 1950, quand j'ai obtenu mon diplôme d'études secondaires. La formule utilisée est très complexe et j'aurais aimé avoir assez de temps pour l'expliquer aux Canadiens.

Je fais partie du Comité des finances depuis plusieurs années. On avait l'habitude alors de faire venir des spécialistes qui nous expliquaient le fonctionnement de ce programme fédéral.

 

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Je me souviens avec amusement qu'au cours de telles audiences, j'avais demandé au fonctionnaire qui venait juste de fournir des explications compliquées sur le fonctionnement de divers éléments du programme, si quelqu'un comprenait vraiment tout cela à fond. En me regardant, il avait répondu non, probablement non. En un sens, il admettait que même lui, un des fonctionnaires chargés du programme, il ne le connaissait pas entièrement. Il était spécialisé dans un domaine.

C'est très complexe en effet. En calculant le montant du paiement de transfert, le gouvernement fédéral ne calcule pas les recettes que chaque province reçoit. Il applique une formule selon laquelle, dans 34 catégories, il calcule les recettes que la province pourrait faire. Les catégories différentes permettent de dégager une moyenne nationale. En se fondant sur cette moyenne nationale, le gouvernement fédéral fait des calculs pour déterminer si, dans chaque catégorie, chacune des provinces enregistre un excédent ou un déficit.

Je me rappelle qu'il y a cinq ou six ans, le gouvernement a ajouté la catégorie des loteries. Il ne s'agissait pas de savoir combien d'argent les loteries rapportaient à une province, mais combien elles pourraient lui rapporter. À l'époque, les paiements de péréquation versés au Manitoba ont baissé d'environ 50 millions de dollars. Pourquoi? Même si des milliers de Manitobains étaient, par principe, contre les loteries, le gouvernement fédéral a jugé que le Manitoba aurait pu générer ces recettes si ces gens avaient acheté des billets de loterie.

Comme elles n'en ont pas acheté, le gouvernement provincial n'a pas touché ces recettes. Si on avait pu convaincre les Manitobains d'acheter des billets de loterie, leur gouvernement aurait accru ses recettes. Comme on n'a pas pu les convaincre, le gouvernement provincial a perdu ces recettes, mais la formule a également privé le Manitoba de paiements fédéraux de transfert, car le gouvernement fédéral avait jugé que la province aurait pu générer ces recettes.

Nous avons documenté dans les comptes publics et dans d'autres sources les formules qui servent à calculer ces paiements. Selon cette formule, Terre-Neuve enregistre un déficit de 31 millions de dollars dans ses recettes provenant de la vente de billets de loterie. L'Île-du-Prince-Édouard affiche un excédent de 2,4 millions de dollars. Le Québec accuse un déficit de 63 millions de dollars. Les provinces sont admissibles aux transferts selon qu'elles connaissent un excédent ou un déficit. L'Alberta enregistre un excédent de 159 millions de dollars. Par conséquent, ses recettes de péréquation sont accrues en raison des recettes qu'elle pourrait probablement tirer des loteries.

Il ne s'agit là que d'une catégorie. Il y en a bien d'autres, comme la vente de plaques d'immatriculation pour les véhicules à moteur. J'ai ici la liste des 34 catégories. Il est intéressant de voir comment, à l'aide de cette formule, le gouvernement peut verser différents montants aux provinces, parfois pour des motifs politiques.

En conclusion, je dirai simplement que nous appuyons en principe l'utilisation de la richesse du pays pour offrir des services de niveau comparable à tous les Canadiens.

*  *  *

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'aurais voulu poser une question au député d'Elk Island mais je ne savais pas si j'avais la parole. Je vais par la même occasion revenir sur certains de ses propos car il me semble que ce qu'il a dit reposait sur une pensée défavorable à la structure des paiements de péréquation au pays.

Je rappelle deux choses au député. La péréquation est inscrite dans la Constitution du Canada. Elle a été constitutionnalisée en 1982. Un élément essentiel de la politique socio-économique du Canada, c'est que tous les citoyens, peu importe où ils vivent, doivent être servis par des gouvernements provinciaux qui, grâce aux paiements de péréquation, peuvent fournir des services de niveaux comparables à tous les citoyens.

 

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Je ne crois pas que le député voudrait donner l'impression qu'il déplore que les Canadiens des provinces dites nanties soient tenus de contribuer à ce programme par le truchement des paiements de transferts fédéraux, car je sais que son parti a connu des difficultés dans le passé justement parce qu'il avait semblé dire qu'il voulait abolir la péréquation.

Je tiens à le mettre en garde; à moins que le député ne souhaite raviver ce débat, il devrait surveiller ses propos car j'ai perçu, sous ses paroles, une pensée sous-jacente nettement opposée aux paiements de péréquation.

Cela me semble toujours étrange de la part de quelqu'un qui vient d'une province aussi prospère que l'Alberta. Nous ne voulons pas que l'écart entre les provinces riches et les provinces pauvres se creuse davantage. Or, nous sommes au bord de le voir se creuser étant donné la situation économique actuelle.

Le NPD reproche à ce projet de loi de supprimer le plafond des paiements de péréquation pendant un an pour le rétablir ensuite, ce que nous nous trouvons inacceptable. Nous estimons que si la péréquation est plus qu'un principe constitutionnel. C'est aussi un principe moral, celui de l'égalité pour tous les Canadiens. Cependant, si c'est un principe constitutionnel, il ne devrait pas y avoir de plafond. Il ne devrait pas y avoir de limites à ce principe constitutionnel.

Je me demande si les députés de l'Alliance ne pourraient pas tenir leur conciliabule à l'extérieur de la Chambre. C'est pour cela que les rideaux sont faits. Monsieur le Président, je vous parle. Je me demande si les députés là-bas ne pourraient pas tenir leur conciliabule à l'extérieur de la Chambre de façon à...

Le Président: Je n'ai aucun mal à entendre le député. C'est pourquoi, je ne suis pas intervenu. Le député a une voix qui porte. Même à distance, je l'entends très bien. Je suppose que ce conciliabule ne me dérange pas autant que lui vu que, je suppose, le bruit s'en allait dans l'autre sens.

Je me ferai toutefois un plaisir d'intervenir et de prier les députés de refréner leurs conversations à la Chambre.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je disais qu'il ne devrait pas y avoir de plafond si c'est un principe constitutionnel reposant sur une conception normative ou morale de la société canadienne et des liens qu'entretiennent tous les Canadiens par l'entremise du gouvernement fédéral, de façon que, peu importe l'endroit où ils habitent, ils puissent bénéficier d'un niveau comparable de services publics.

Trop souvent, au cours des plus ou moins dix dernières années, nous avons vu le gouvernement fédéral chercher à plafonner et à limiter ses engagements en matière de programmes sociaux. Il n'y a pas que la péréquation qui soit en cause. Je pense à un ancien programme intitulé Régime d'assistance publique du Canada, ou RAPC, qui a été plafonné par un gouvernement conservateur. Pour compliquer encore plus les choses, le gouvernement libéral a éliminé le RAPC et l'a remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, parfois désigné sous l'appellation de TCSPS.

Le gouvernement fédéral se demande pourquoi l'on ne retrouve pas au pays le fort sentiment d'appartenance qu'il aimerait parfois y voir. Faut-il s'en surprendre, puisque des gouvernements fédéraux successifs ont renoncé progressivement à leurs engagements en matière d'égalité socio-économique au pays, à commencer par les conservateurs qui ont plafonné le RAPC, ou plutôt par les libéraux, au début des années 80, qui ont procédé à la première réduction unilatérale des paiements de transferts fédéraux aux provinces.

Sur une longue période, le gouvernement fédéral a renoncé aux engagements financiers qu'il avait pris à l'égard des provinces dans le cadre de l'établissement de programmes sociaux nationaux et d'ententes nationales précises comme celle de la péréquation. Le NPD soutient donc aujourd'hui qu'il est répréhensible de plafonner les paiements de péréquation et que l'on devrait éliminer intégralement tout plafond. Toutefois, s'il ne peut être intégralement éliminé, il devrait à tout le moins, au moment de son rétablissement, comme le prévoit le présent projet de loi, être fixé à un niveau de référence supérieur à celui qui avait cours avant le retrait du plafond pour cette année-là.

 

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Je crois comprendre que c'est ce que les provinces avaient compris. Elles avaient saisi que, lorsque le plafond serait supprimé et que les paiements de péréquation augmenteraient en conséquence, le nouveau niveau deviendrait la nouvelle base de référence. À la place, ce projet de loi abaisse le niveau de départ et met certaines provinces, surtout ma province natale du Manitoba, dans une position de désavantage, compte tenu des effets des hausses du TCSPS, que le gouvernement fédéral voudrait faire croire. En fait, elles perdent, par le truchement de la péréquation et du rétablissement du plafond l'année prochaine, ce qu'elles ont obtenu par le biais de la hausse du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

La poudre aux yeux, les promesses électorales et les propos des doreurs d'images des libéraux relativement à la hausse importante des versements fédéraux aux provinces pour la santé et à la hausse prévue dans le cadre du TCSPS avec cet accord sur la santé ne font rien pour les provinces comme le Manitoba, qui se trouvent désavantagées parce qu'elles perdent sur le front de la péréquation ce qu'elles ont gagné sur le front du TCSPS. Les seules provinces qui se trouvent avantagées par cette initiative sont les provinces prospères, qui ne perdent rien sur le front de la péréquation. Elles n'obtiennent que des gains par le truchement du TCSPS.

Peut-on savoir où se cache la logique dans tout cela? Est-ce là l'intention du gouvernement de faire en sorte d'avantager encore les provinces prospères et d'appauvrir encore les provinces moins bien nanties puisque tel est le résultat? Je ne sais pas si c'était le but recherché. Je ne sais pas si le gouvernement est seulement stupide ou s'il est malicieux dans ce type de situation, c'est au choix. Il reste que voilà le résultat des travaux du gouvernement et qu'il se reflète dans ce projet de loi.

Pour nous, il y a deux points importants. D'abord l'abolition du plafond de la péréquation. Qu'on abolisse ce plafond qui, selon les circonstances économiques, coûtera de plus en plus cher à certaines des provinces moins bien nanties au fil des années. Des projections dont on dispose à l'heure actuelle indiquent que le plafond coûterait environ 100 millions de dollars au Manitoba. C'est une grosse somme pour le Manitoba. Cela peut ne pas sembler grand-chose pour un gouvernement fédéral qui prévoit un excédent de quelque 15 milliards de dollars. Pourtant, avec 100 millions de dollars on peut, dans une province comme le Manitoba, acheter de nombreux services publics, des soins de santé, de l'enseignement postsecondaire.

Le gouvernement fédéral se décharge encore une fois de ses responsabilités. Il accroît son excédent et résorbe son déficit sur le dos des provinces, lesquelles doivent, dans bien des cas, assurer ces services très importants auxquels les Canadiens tiennent énormément, dans les domaines notamment de la santé et de l'éducation, entre autres. Les provinces doivent subir les foudres de la population du fait de l'insuffisance du nombre des appareils d'IRM, de l'insuffisance des autres services de diagnostic ou de l'encombrement des salles de cours et autres problèmes.

La nouvelle tendance observée est très préoccupante. Depuis de nombreuses années déjà, le gouvernement fédéral revient peu à sur ses engagements, et les choses se sont accélérées lorsque les libéraux ont pris le pouvoir en 1993. Je pense que cela fait partie de la crise d'unité nationale, dans la mesure où il y en a une. Les libéraux ne comprennent pas pourquoi les Canadiens ne manifestent pas un plus grand attachement pour leur pays. Que doivent faire les libéraux pour améliorer la visibilité du gouvernement fédéral?

Qui a contribué le plus à la destruction de la visibilité et de la participation fédérales que le Parti libéral depuis qu'il a pris les rênes du pouvoir en 1993? Il a systématiquement privatisé de nombreuses institutions et infrastructures nationales, supprimé les bureaux de poste, privatisé la société nationale de chemins de fer et privatisé Air Canada. La liste est longue des initiatives prises par le gouvernement fédéral pour se retirer, d'un point de vue aussi symbolique que pratique, de la vie des Canadiens. Et les libéraux s'étonnent que les Canadiens n'éprouvent pas un fort sentiment d'appartenance à leur pays! Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre. De plus, le gouvernement retire sa participation financière à tellement de ces programmes en laissant les provinces se débrouiller avec le manque à gagner. L'argent fait cruellement défaut parce que la plupart des secteurs dont le gouvernement fédéral se retire sont des domaines de plus en plus coûteux et non le contraire.

 

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Nous voyons donc le ministre des Finances empiler les surplus, s'attribuant tout le mérite de la saine gestion financière du pays, alors que tout cela a été en grande partie réalisé sur le dos des provinces ou des chômeurs qui se font prendre l'excédent de leur cassie d'assurance-emploi.

Que se passera-t-il si la situation s'envenime, que nous faisons face à une récession et que nous devons tenir compte de tous ces plafonds? Le gouvernement ne se trouve-t-il pas dans une belle situation? Il n'a pas à se préoccuper. Il n'a pas peur de la récession. Il a prévu des limites qui lui permettront de faire face aux conséquences sociales de la récession. Peu importe combien la situation se détériore, les limites de l'engagement du gouvernement sont établies: la péréquation est limitée, le TCSPS est limité à un niveau qui est toujours inférieur à ce qu'il était en 1993 au moment où les libéraux ont pris le pouvoir, des limites sont prévues un peu partout.

S'il y a une récession, les provinces devront y faire face toutes seules. Elles devront s'occuper des gens qui ne répondent plus aux critères de l'AE et leur verser de l'aide sociale au niveau provincial. Elles devront subir l'augmentation des coûts du système de santé au fur et à mesure que les gens subiront les tensions des conditions économiques difficiles et ainsi de suite. Elles devront le faire avec des revenus qui s'amenuisent parce que la récession elle-même aura des répercussions sur leurs revenus.

Pendant ce temps, le gouvernement fédéral prendra un peu de recul et affirmera avoir signé en août 2000 un accord en matière de santé qui a permis de tout réglé, même s'il ne nous a pas rendu tout ce qu'il en a retiré en 1995. Nous avons un programme de péréquation. Il est même prévu par la Constitution. C'est un beau principe canadien. Mais il a des limites. Il ne va pas assez loin pour satisfaire les besoins des provinces démunies. Il ne va que jusqu'où nous le voulons bien, sans menacer la santé financière du gouvernement fédéral.

Il ne manque pas de raisons de s'inquiéter du projet de loi. La plupart des gens pensent probablement que c'est un projet de loi d'ordre administratif et que, sans doute, il n'aura pas à la Chambre le genre de débat qu'il mérite. J'implore les autres députés et les partis de l'opposition de bien étudier le projet de loi, ses principes et les valeurs qu'il traduit. Il constitue une répudiation de la Constitution, du principe de la péréquation qui y est garanti, et il présente un danger pour la santé à long terme des provinces démunies, qui sont constamment et de plus en plus désavantagées par rapport aux provinces plus riches.

Je prends encore ma province en exemple, mais il est certain que les députés des Maritimes ont des inquiétudes analogues au sujet de la péréquation. Les Maritimes ont demandé des dispositions spéciales pour éviter que les recettes qu'elles touchent grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz ne donnent pas lieu à une réduction des transferts aussi importante que celle prévue maintenant dans la formule de péréquation. C'est l'une des manières dont on pourrait régler le problème, mais je ne pense pas qu'il y ait unanimité entre les provinces à cet égard; en effet, ce n'est pas une chose que réclament toutes les provinces ayant des recettes provenant des ressources pétrolières et gazières.

Il est clair que nous devons faire quelque chose, soit en augmentant les paiements de péréquation pour toutes les provinces qui en ont besoin, soit en parvenant à des aménagements spéciaux avec certaines provinces en ce qui concerne certains genres de recettes. Quel que soit le cas, le système mis en place par ce projet de loi est inadapté et fait en sorte que, dans un nombre croissant de provinces, le ministre des Finances et les responsables du Trésor ne savent pas quoi faire.

Pour pallier au manque de financement qu'ils devraient recevoir du fédéral, ils doivent maintenir une certaine assiette fiscale afin de maintenir les services. Si la province voisine, ou celle d'après, n'a pas à maintenir la même assiette fiscale parce qu'elle est riche et qu'elle a suffisamment de recettes, l'écart se creuse sur le plan de la compétitivité fiscale des provinces.

 

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Les gouvernements provinciaux se retrouvent alors sans aucune marge de manoeuvre. Ils doivent imiter certaines des provinces les plus riches. Dès lors, non seulement ils perdent la capacité de prendre leurs propres décisions, mais ils sont parfois obligés de prendre de mauvaises décisions ou des décisions regrettables. Ce n'est pas ce que voulaient le gens qui ont eu l'idée de la péréquation. Ce n'est pas non plus ce que nous voulions, nous les députés. J'étais là quand nous avons inscrit le principe de la péréquation dans la Constitution.

J'aimerais que les ministériels réfléchissent à la question de savoir si c'est bien ça qu'ils veulent laisser en héritage. Alors qu'ils avaient l'occasion de faire quelque chose pour améliorer le système de péréquation, alors qu'ils disposaient d'excédents budgétaires, alors qu'ils auraient pu faire quelque chose pour renforcer ce principe constitutionnel, ils n'ont rien fait. Est-ce qu'ils veulent que ce soit ça leur marque, ou aimeraient-ils plutôt qu'on dise que ce sont les libéraux, leur parti, qui ont enfin rétabli le système de péréquation au niveau où il aurait dû être et qui ont créé dans notre pays le genre d'égalité dont ils aiment tant parler, mais que ce projet de loi trahit de par ses détails et ses principes?

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je sais que le député de Winnipeg—Transcona siège depuis longtemps à la Chambre et je ne puis que conclure qu'il ne s'est pas tenu au courant à propos de certains des faits actuels. Je voudrais donc clarifier quelques faits pour l'information de la Chambre et des Canadiens. Je trouve étrangement ironique que ces faits soient évoqués par un député du Manitoba.

En 2000-2001, les transferts au Manitoba se chiffreront à 2,3 milliards de dollars. Ils compteront pour environ 35 p. 100 des recettes du Manitoba et sont d'environ 45 p. 100 supérieurs à la moyenne nationale. Des quatre provinces de l'Ouest, c'est le Manitoba qui reçoit le paiement le plus élevé.

Lors de la réunion du premier ministre fédéral et de ses homologues provinciaux, sur quoi exactement se sont-ils entendus? Le député de Winnipeg—Transcona n'a peut-être pas lu le communiqué. Je vais donc lui rappeler le passage suivant:

Les premiers ministres ont soulevé la question de péréquation. Le ministre des Finances du Canada examinera la question plus à fond à la suite de consultations avec les ministres provinciaux des Finances. Quoique les dernières révisions aux fins de péréquation pour l'année financière 1999-2000 ne seront pas connues avant octobre 2002, le Premier ministre a convenu de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun plafond ne soit appliqué à l'année financière 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, la péréquation augmentant au rythme de croissance du PIB.

Le communiqué dit 1999-2000, et tous les premiers ministres ont signé le document.

Le député de Winnipeg—Transcona a dit que l'élimination du plafond ne profitera pas au Manitoba ou à certaines des provinces pauvres, tandis qu'elle profitera aux autres. C'est tout simplement de la désinformation. Il sait très bien que le Manitoba recevra 76 millions de dollars de plus à la suite de l'élimination du plafond.

J'ai un dernier fait à signaler. Les paiements de péréquation ont en fait augmenté plus vite que prévu. Ils ont augmenté de 33 p. 100, c'est-à-dire 2,7 milliards de dollars, depuis que notre gouvernement est arrivé au pouvoir. C'est le seul secteur de programmes gouvernementaux qui n'a pas été touché par la révision des programmes.

Le député de Winnipeg—Transcona a-t-il eu l'occasion de lire l'information mise à sa disposition dans le communiqué qui a été largement diffusé et signé par les premiers ministres?

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, oui, j'ai en main une copie de ce communiqué. La citation que j'ai devant moi est la même que celle que notre collègue vient de lire.

Le député a déclaré que je siège ici depuis longtemps. C'est vrai. J'ai été témoin au fil des ans de toutes sortes d'échanges d'arguments au sujet des accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Chaque fois que nous disons qu'une province va obtenir moins que si on maintenait une certaine formule, mais que le montant est quand même supérieur à ce qu'il était l'année précédente, le gouvernement fédéral nous redit chaque fois combien d'argent de plus la province va toucher. Il ne reconnaît jamais qu'il y a un écart entre le montant accru que les provinces vont toucher et le montant encore plus élevé sur lesquelles elles pourraient compter si le gouvernement fédéral respectait la formule, ou le principe constitutionnel, ou un autre accord précédent ou je ne sais quoi d'autre.

C'est la façon habituelle pour le gouvernement fédéral d'éviter la vérité lorsqu'il se retrouve dans le pétrin. Dans le paragraphe que le député a lu, on dit:

...le Premier ministre a convenu de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun plafond ne soit appliqué à l'année financière 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, la péréquation augmentant au rythme de croissance du PIB.

Rien, dans le projet de loi, ne nous garantit que cet engagement sera tenu. Si je comprends bien, le projet de loi ne respecte pas cet engagement ni l'entente que les ministres des Finances avait conclue et voulant que la base ne revienne pas à ce qu'elle était auparavant.

 

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Je pense qu'il est tout à fait typique que le député soit intervenu et qu'il ait déclaré cela, car c'est l'habitude du gouvernement fédéral. Les ministériels parlent toujours d'augmentation, mais ils ne sont jamais disposés à au moins reconnaître que cette augmentation aurait été supérieure s'ils avaient tenu leur engagement. Ils pourraient au moins nous donner les raisons pour lesquelles ils n'ont pas respecté leurs engagements et nous préciser ce qui explique l'écart entre l'augmentation prévue et l'augmentation supérieure que les provinces auraient dû obtenir. Non, les ministériels ne parlent que d'augmentation. C'est plus facile à faire, mais cela ne me convainc pas.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je demanderais au député de bien réfléchir à ce qu'il a dit et d'expliquer les arguments justifiant sa position.

A-t-on des raisons perverses de favoriser le maintien de la péréquation? Quel est l'objectif à long terme, si ce n'est de pouvoir un jour se passer de cette forme d'aide? Le député parle d'augmenter les paiements de transfert au lieu de viser l'autosuffisance? Les paiements de péréquation ne devraient-ils pas diminuer à mesure qu'augmenteront les recettes provenant de l'exploitation des ressources extracôtières? Si une province comme Terre-Neuve se met un jour à tirer des recettes considérables de certaines activités, ne devrait-elle pas cesser progressivement de compter sur les paiements de transfert? Quelle formule le député propose-t-il pour atteindre l'autosuffisance? Le député croit-il encore que nous devons toujours défendre les droits de ceux qui reçoivent et pas nécessairement les droits et les avantages de ceux qui paient?

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, on peut toujours compter sur l'Alliance pour afficher ses vraies couleurs. Certains députés de l'Alliance sont devenus de véritables caméléons. Ils ont appris à ressembler aux citoyens ordinaires, à proclamer qu'ils ne sont pas contre la péréquation, contre le bilinguisme, contre ceci, contre cela, même s'ils appartiennent au parti qui est contre tout.

La vérité sort toujours de la bouche de certains. Le dernier orateur vient de nous en donner un bel exemple. Il parle des provinces démunies, qui reçoivent des paiements de péréquation, comme il parle, j'en suis sûr, des assistés sociaux. Il parle des deux dans les mêmes termes.

Il ne reconnaît toutefois pas qu'il existe déjà une formule. Lorsque les recettes des provinces atteignent un certain niveau, celles-ci ne reçoivent plus de paiements de péréquation. C'est déjà prévu. Le député n'est-il pas au courant de la formule qui existe déjà ou tentait-il simplement de démontrer que les provinces ne sont pas toutes de la même trempe que la Colombie-Britannique et l'Alberta?

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le député vient de parler des provinces pauvres. Cela me fait réellement mal au coeur. Il a brossé un tableau du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve, du Québec et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le député qui vient de poser une question ne connaît-il pas le rôle que nous avons joué dans la création du pays? Ne connaît-il pas l'histoire du Canada? Elle a commencé à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Québec, et les paiements de péréquation devraient être augmentés afin que personne ne nous qualifie de provinces pauvres.

Je ne sais pas comment mes collègues libéraux des provinces maritimes et de Terre-Neuve peuvent accepter que leurs collègues de l'Ontario et de l'Ouest nous qualifient de provinces pauvres. Les habitants des provinces maritimes, de Terre-Neuve et du Québec sont fiers d'être Canadiens. Le député est-il d'avis que les paiements de péréquation devraient être modifiés afin que personne ne nous qualifie de provinces pauvres, maintenant ou dans les années à venir?

Le député est-il d'accord pour dire que nous avons contribué à bâtir ce pays et que nous continuerons à participer à son développement? Nous ne parlons jamais des habitants de l'Ouest, de l'Ontario ou des autres provinces de manière négative. Ce n'est pas notre façon de faire dans l'Est.

 

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M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je ne suis pas certain si la question s'adressait à moi ou au député qui m'a posé une question il y a peu de temps.

Au sujet de la déclaration de la députée qui vient d'intervenir, je ne puis qu'être d'accord.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, comme le député a parlé de moi au début de son allocution, je tiens à faire une mise au point. Pour que la communication soit bonne, je suppose, il faut qu'il y ait une certaine synergie entre l'intervenant et son auditoire, et je voudrais bien que le député ait entendu ce que je disais.

En introduction, j'ai dit que j'approuvais le principe de la péréquation. Je l'ai répété plusieurs fois dans le corps de mon allocution, et c'était la conclusion de mon allocution.

J'ai passé un certain temps à décrire une lacune très grave du système, à savoir que les pauvres des provinces bien nanties subventionnent les riches des provinces démunies. C'est un fait. J'ai un document technique là-dessus. C'est absolument...

Des voix: Balivernes!

M. Ken Epp: Ce ne sont pas des balivernes.

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Un principe fondamental à la Chambre veut qu'on soit libre de poser une question ou de répondre à une question.

M. Ken Epp: Si vous me le permettez, monsieur le Président, je citerai rapidement un exemple qui permettra peut-être de mettre les choses en perspective. Dans les trois provinces qui contribuent, la personne qui touche 20 000 $ par année subventionne la personne qui touche 100 000 $ par année dans l'une des sept provinces bénéficiaires.

Je ne sais pas pourquoi les socialistes s'offusquent de ce que je trouve anormal qu'une personne touchant 20 000 $ en subventionne une autre qui touche 100 000 $.

M. Dennis Mills: Cela ne fonctionne pas ainsi.

M. Ken Epp: Cela fonctionne exactement de cette manière.

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le temps est expiré, mais je tiens à donner au député de Winnipeg—Transcona autant de temps pour répondre à la dernière observation ou question.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je suis heureux, comme vous l'avez dit, que les gens puissent s'exprimer librement, car je pense que, plus le député d'Elk Island s'exprime librement, plus nous arrivons à comprendre la position de l'Alliance au sujet de la péréquation.

Je pense que la plupart des Canadiens considéreraient les observations que le député vient de faire comme une critique très curieuse de la péréquation. Je suis heureux qu'il ait pu clarifier se pensée comme il l'a fait. Je ne comprends pas qu'on puisse en quelque sorte assimiler la péréquation au fait que des gens pauvres de provinces nanties subventionnent des gens riches de provinces démunies, et je pense que rares sont les Canadiens qui conçoivent la chose ainsi.

À mon avis, il n'est pas nécessaire d'être socialiste pour s'opposer à ce que le député dit. Il y a ici des personnes qui ne se qualifieraient probablement pas de socialistes et qui trouvent la logique du député pour le moins curieuse.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, d'emblée, je vous informe que je vais partager mon temps avec le presque très honorable député de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, qui poursuivra la deuxième partie de la discussion concernant ce projet de loi.

Je dois dire que lorsque je me suis préparé pour débattre du projet de loi, lorsque j'ai vu que le ministre déposait un projet de loi et que j'ai lu que le titre était: «Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces», j'étais heureux. Je me suis dit que les gens du Québec, des Maritimes et d'ailleurs au pays ont un certain poids pour en arriver à convaincre le ministre des Finances.

 

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Peut-être que le ministre des Finances, finalement, a écouté. Peut-être s'est-il promené au pays sans qu'on le sache. Peut-être est-il allé voir les provinces et leur a-t-il demandé ce qu'elles pensaient du système de péréquation. Peut-être qu'il a fait cela sans qu'on le sache.

J'ai dit à mon adjointe: «Tu ne m'as remis que la première page du projet de loi?» Elle a dit: «Non. C'est tout le projet de loi.» Le titre du projet de loi est la Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. J'ai dit: «On a un problème avec les photocopieuses à la Chambre des communes. Il y a quelque chose qui se passe. C'est ça.»

Bon, maintenant, je dois dire que le ministre des Finances n'a pas voyagé au pays, il n'a pas rencontré les ministres des Finances des différentes provinces et il n'a pas vu ce qui se passe dans les Maritimes ni au Québec. Donc, on a un projet de loi qui a moins d'articles que le projet de loi sur la clarté référendaire, mais ça, on n'en parlera pas. C'est juste pour vous dire que ce n'est pas tellement fort.

Je veux juste ajouter un petit élément, avant d'aller plus loin. Hier, on annonçait le départ, en cours d'année, de l'ancien chef du Parti réformiste. On se disait que c'était une page de l'histoire qui se tournait, que le mot «réformiste» et leur façon de faire, c'était terminé. C'est un nouveau siècle, une nouvelle façon de faire. Mais ce ne l'est pas vraiment. On le voit aujourd'hui.

On essaie d'enrober le fait que pour que ça «pogne» en Ontario, au Québec et dans les Maritimes, il ne faut pas être contre la péréquation. Dans l'Ouest, il faut dire qu'on est contre, mais ailleurs, on n'est pas contre. Mais aujourd'hui, on se rend compte qu'ils sont contre. Mais c'est plus que cela. Ce sont les exemples qu'ils donnent pour justifier qu'ils sont plus ou moins contre.

Finalement, ce qu'ils disent, c'est: «Si tu reçois un chèque d'un gouvernement, un chèque d'aide sociale par exemple, si c'est un individu—ou de chômage—ou, si c'est une province qui reçoit la péréquation, tu ne vaux pas cher.» Je rappelle à ces députés qui reçoivent un chèque du gouvernement, qu'eux-mêmes reçoivent des chèques du gouvernement, et je ne suis pas sûr quelle valeur ont ces gens-là.

Cela étant dit, la péréquation, pour nous, c'est une nécessité mais elle doit être modernisée. Cependant, on se rend compte que pour le ministre des Finances, la pression est forte. On lui dit: «Il faut que tu modifies ton système. Il n'est pas correct. Tu pénalises les provinces, tu en choques d'autres. Alors, assieds-toi et on va regarder ce qu'on peut faire ensemble.» Sa seule réponse, pour avoir la paix, c'est de dire: «J'ai présenté une mesure, un projet de loi extraordinaire. J'enlève un plafond.» Oui mais, où sont les murs, la fondation du système de péréquation? C'est cela qu'il faut refaire. C'est cela qu'il faut penser refaire avec les provinces, avec nos partenaires dans la Confédération. Mais on n'écoute pas.

J'entendais le secrétaire parlementaire du ministre dire: «On vous donne un chèque.» Il disait au député de Winnipeg—Transcona: «Vous allez avoir 22 millions de dollars de plus.» C'est un système paternaliste. Tu es quasiment obligé de te mettre à genoux. Voyons donc! C'est un système d'un océan à l'autre, pas d'un bureau de ministre à l'autre.

On devrait écouter ce qui se dit dans toutes les provinces. Je ne dis pas qu'il faut acquiescer à tout. Ce n'est pas cela. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse se promène et il dit qu'il faut qu'il y ait des changements. On veut s'en sortir et on va s'en sortir. Donnez-nous une chance. On dit: «Non, ce n'est pas bon.»

Il faut dire que le premier ministre de la Nouvelle-Écosse est un conservateur. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick est un conservateur. Celui de l'Île-du-Prince-Édouard, c'est un conservateur. Et à Terre-Neuve, ce sera un conservateur. L'actuel premier ministre de Terre-Neuve, et mon collègue de Terre-Neuve le disait très bien dans son discours, vient tout juste d'être élu chef du Parti libéral à Terre-Neuve. Donc là, il a des contacts à Ottawa. Et il dit à son monde: «Je suis écouté à Ottawa. Je vais aller chercher un engagement fédéral pour renouveler le système de péréquation. Vous allez voir. Le ministre de l'Industrie et moi, on est comme ça. Le PM et moi, on est comme ça.»

 

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Il arrive à Ottawa et dit: «Sors de là.» Il dit à son monde à Terre-Neuve: «C'est réglé, le premier ministre est d'accord avec nous et le ministre de l'Industrie est d'accord avec nous.» Quelques minutes plus tard, le Bureau du premier ministre dit: «Ce n'est pas vrai.»

Toute analogie est boiteuse, mais cela me fait penser à un premier ministre d'Angleterre qui est allé en Allemagne. Il est revenu avec une feuille de papier en disant: «J'ai réglé ça avec le boss de l'Allemagne.» Quelques jours plus tard, on déclarait la guerre.

Tout cela pour dire que ce système ne marche pas. Tout ce que fait le projet de loi C-18, c'est essayer de faire taire ceux qui veulent une modification en profondeur. On nous dit qu'au lieu d'avoir cinq provinces qui donnent la base du calcul de la péréquation, on devrait en ajouter. Il y a un argument pour et un argument contre. On dit non d'emblée.

Pour ce qui est des Maritimes, qui ont des ressources assez suffisantes pour redevenir ce qu'elles étaient, on leur dit que ce n'est pas bon, que ça ne marche pas. Il faut atteindre un équilibre dans tout cela. Tout ce qu'on mentionne, c'est l'ouverture. Je le dis souvent. La conception du parti ministériel vis-à-vis du pays est différente de la nôtre à plusieurs égards, et de celle des autres partis d'opposition, bien sûr.

Pour nous, le pays comprend des régions et des provinces qui ont décidé de se mettre ensemble. On sait d'où cela est parti: le Québec, l'Ontario, les Maritimes et c'est allé vers l'Ouest et vers le Nord. Elles ont décidé de se mettre ensemble et de se donner un gouvernement central pour des services en commun. C'est le principe que nous défendons.

Le principe que défendent les libéraux, ce n'est pas ça. Le Canada, c'est Ottawa qui, dans sa grande bonté, dans sa grande générosité, va donner de temps en temps des petites choses aux régions et aux provinces. C'est oublier l'histoire.

Ces deux conceptions font en sorte que la façon de gérer à Ottawa est différente d'un parti à l'autre. Quand c'est eux, on est obligés de quêter tout le temps. Quand c'est une autre conception, on a juste à se rassembler, à discuter et à agréer. C'est cela la différence. Ce n'est pas toujours facile, c'est vrai, mais c'est une façon de faire qu'il faut changer.

Pour ce qui est de la question de la péréquation, je rappelle que le projet de loi C-18 est tout simplement un diachylon, ce qu'on appelle communément chez nous un «plaster», un Bandaid. Savez-vous où on met le Bandaid, le diachylon? On ne le met pas sur une jambe.

J'ai écouté le secrétaire parlementaire nous dire: «Votre «plaster», le projet de loi C-18, vous, les provinces, vous le mettez sur la bouche. C'est fini. Jusqu'en 2004, on ne parle plus de péréquation. C'est fini.» Est-ce que le ministre des Finances sera encore là dans quelques mois? On verra. On verra qui sera le prochain chef du Parti libéral. On sait que cela va changer. On sait que les individus vont changer.

Monsieur le Président, entre vous et moi, j'espère que la façon de faire va changer également, qu'on pourra se rebrancher, se reconnecter avec ce qui se passe dans les provinces et dans les régions et qu'on n'écoutera jamais l'argumentation qui veut qu'un pauvre dans une province paie pour un riche dans l'autre. Si notre argumentation fiscale, nos arrangements économiques et politiques sont basés sur une telle démagogie, ce n'est pas le pays que je connais. Dieu merci, des gens vont se battre contre cela.

Cela étant dit, on est déçus, foncièrement déçus de la première page d'un projet de loi, qui aurait pu faire en sorte que le gouvernement se rebranche avec les régions et avec les défis économiques des différentes provinces au pays. Tout ce qu'on a, ce n'est pas un projet de loi, c'est une première page. Nous allons pousser pour que le projet de loi soit complet, et cela, avec nos partenaires dans les provinces.

M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Monsieur le Président, je veux féliciter le député qui vient de prendre la parole pour l'exactitude de son discours car il vient de faire un constat que nous avons fait depuis un certain temps au Québec

 

.1350 +-

C'est pour cela et pour toutes les raisons qu'il a données et d'autres que nous pouvons ajouter que nous rêvons de l'indépendance du Québec le plus rapidement possible.

Je lui pose la question. Est-ce que ce député ne devrait pas nous aider à faire en sorte que le Québec puisse se sortir de ce système pour toutes les bonnes raisons qu'il a données?

Il n'y a qu'une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit. C'est que peu importe le gouvernement qui est en face—c'est pire avec les libéraux, je suis d'accord—, le système pour le Québec est exactement comme il l'a décrit. Il n'est plus bon pour le Québec et le Québec veut faire ses choses chez lui. Je lui pose la question. Est-ce qu'il m'a compris?

M. André Bachand: Monsieur le Président, je vous ai entendu et je vous ai compris. Cela étant dit, c'est sûr que je ne suis pas souverainiste, nous en convenons. Nous avons une façon de faire différente. Ce que nous nous disons, c'est que ce n'est pas parce qu'il y a un problème que nous fermons la porte.

C'est certain que ce sont deux façons de faire différentes, mais je rappellerai à l'honorable député qu'avant un certain référendum au Québec, il y avait une commission, soit la Commission sur l'avenir du Québec. Le premier ministre de l'époque, M. Parizeau, m'avait demandé de siéger à la Commission en Estrie. J'étais finalement le fédéraliste de service à la Commission. Nous avions posé des questions et le Parti québécois était arrivé avec des propositions sur un Québec souverain.

Je dois dire aux députés que j'avais posé des questions à propos de la péréquation. Effectivement, les documents qu'il y avait à ce moment-là, lorsque nous discutions sur la préparation du référendum, reflétaient exactement le vieux système de péréquation que nous avons au pays.

Les frustrations compréhensibles à plusieurs égards du député concernant la place d'une province dans le système canadien seraient les mêmes dans une région à l'intérieur d'un Québec souverain, parce que le système de péréquation retenu était le même. Il était encore plus centralisé, encore plus sévère et portait sur moins d'éléments que le système canadien actuel.

Il faut dire une chose. On dit souvent que le terrain est plus vert chez le voisin que chez nous. Dans ce cas-ci, je pense que les députés du Bloc québécois auraient tout à gagner en devenant à nouveau partenaires dans l'amélioration du système, plutôt qu'à fermer la porte à double tour sur un système qui, somme toute, a été très positif d'un océan à l'autre.

[Traduction]

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, maintenant que l'ex-chef de l'Alliance a annoncé qu'il partait, il est regrettable qu'il n'ait pas annoncé du même coup son intention de se dissocier de certaines attitudes qui transpirent encore de l'Alliance.

Les députés de cette extraordinaire province qu'est l'Alberta ont vite oublié la noirceur des années 30 et l'empressement du Canada atlantique à envoyer de la nourriture, de l'argent et des gens pour venir en aide à la population de cette province pendant cette période.

Le député ne croit-il pas que tous les Canadiens méritent d'avoir un accès égal à l'éducation, aux soins de santé, aux infrastructures et à diverses normes, de manière à ce que nous puissions tous nous enorgueillir de vivre ici et de partager les ressources naturelles que le Canada nous fournit à tous? Le député ne croit-il pas à l'égalité?

[Français]

M. André Bachand: Monsieur le Président, c'est sûr que nous devons être d'accord avec l'égalité des êtres humains de ce pays. Mais l'égalité est une chose. Nous n'avons pas tous les mêmes ressources. Deux individus sont différents l'un de l'autre, comme deux provinces peuvent l'être. Les besoins d'un individu peuvent différer de l'autre, comme les besoins d'une province peuvent être différents. Les demandes et les soutiens peuvent être différents.

Mais ce que nous voulons faire dans notre parti et dans l'autre, l'Alliance canadienne, c'est que nous disons à ceux qui prétendent que tout le monde est pareil, les individus comme les provinces, que cela ne fonctionne pas. À la grandeur de ce pays, il y a des choses qui sont différentes. C'est cela la beauté de notre pays. À ce moment-là nous devons agir, réagir et interagir selon les besoins de tous et les besoins de chacun. Mais il est clair que nous devons être là pour aider les gens, les régions et les provinces qui en ont besoin.

 

.1355 +-

Ceux qui peuvent aider sont ceux qui, somme toute, selon une formule, sont en mesure de le faire.

Ce que nous proposons, c'est d'améliorer ce système, de l'actualiser, de le moderniser et, finalement, de rendre compte de la réalité présente de certaines provinces et de la réalité future que ces mêmes provinces veulent atteindre et qui ont, aujourd'hui, un peu plus de difficultés. Le système de péréquation devrait être un outil de développement plutôt que l'outil paternaliste d'un gouvernement central.

[Traduction]

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, le débat entourant le projet de loi C-18 est certes intéressant. Il fait ressortir ce qu'il y a de mieux et de pire chez chacun d'entre nous. Des députés de certaines régions oublient que le Canada est un pays très généreux. Comme nous le savons tous, peu importe nos attaches politiques, le Canada a été défini par les Nations Unies comme étant le meilleur pays au monde.

Une des raisons pour lesquelles il en est ainsi, c'est la péréquation. C'est une réalité reconnue au pays que les provinces ne sont pas toutes égales sur les plans des ressources et des richesses. Le gouvernement actuel et les gouvernements précédents, et on peut remonter jusqu'au début des années 60, ont reconnu cette réalité et ont été très généreux au fil des ans.

On peut discuter de certains aspects de cette générosité et du bon fonctionnement ou non de la présente formule. Toutefois, si nous vivions dans un univers parfait et que le Canada était absolument parfait, nous n'aurions pas besoin de la péréquation. Malheureusement, le Canada atlantique et certaines provinces de l'ouest n'ont pas le bonheur de posséder du pétrole qu'ils peuvent vendre au coût de 40 $ le baril. C'est une réalité. Qui faut-il blâmer pour cette situation, le premier ministre ou le tout puissant? Le premier ministre est incapable d'injecter du pétrole dans le sous-sol de chacune des provinces, bien que si nous voulions nous en tenir exclusivement à l politique, nous pourrions sans doute nous en prendre à lui sur ce point également.

Je tiens à souligner, et j'espère que mes collègues de l'Alberta sont à l'écoute, que de 1957 à 1965, l'Alberta a reçu des paiements de péréquation d'Ottawa. Quelles conclusions faut-il en tirer?

Cela nous enseigne que cette province n'a pas toujours été riche et prospère. Le secteur de l'énergie à ses premières années dans cette province était comme celui de la Nouvelle-Écosse à l'heure actuelle, c'est-à-dire à ses premiers balbutiements. La principale différence, c'est qu'à l'époque l'Alberta conservait intégralement toutes les redevances. Elle conservait chaque dollar que lui rapportait le pétrole.

Ce que soutiennent les représentants du Canada atlantique et en particulier nos amis de la Nouvelle-Écosse, qui ont maintenant le bonheur d'avoir du gaz naturel, c'est que l'on devrait appliquer dans leur cas la même formule qui a eu cours en Alberta.

Si la logique l'emporte, et c'est le cas ici, et que nous voulons passer à un niveau de durabilité sur le plan de l'économie et de la diversification économique, nous devons avoir les instruments nécessaires pour y arriver. Le plus important de tous est un instrument financier, savoir les ressources financières voulues pour construire une économie solide comme l'a fait Ralph Klein en Alberta et comme l'a fait le premier ministre Lougheed avant lui. Le principe est que ce qui est à nous nous appartient, et nous l'utiliserons pour le compte des habitants de notre province. C'est ce dont nous parlons au Nouveau-Brunswick. La formule doit être revue. Monsieur le Président, avec votre permission, je vais revenir...

Le Président: Le député disposera de 6 minutes et demie environ pour reprendre le débat sur ce sujet après la période des questions.

 

Le mercredi 28 mars 2001

 

*  *  *

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 mars, de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, il y a plus ou moins une semaine, j'ai conclu mon intervention en parlant de la formule de péréquation qui s'appliquait à l'Alberta il y a un certain nombre d'années, plus précisément des profits générés par les ressources souterraines.

Dans le Canada atlantique, on s'inquiète de voir que le gouvernement récupère environ 80 p. 100 des profits tirés des ressources, entravant en cela la croissance des économies régionales. Le gouvernement rétrécit les paiements de péréquation simplement parce que nous faisons plus de profits sur nos ressources en minerai, en pétrole et en gaz naturel. Je ne suis pas d'accord avec cette façon de faire.

Je répète ma conclusion pour la Chambre et le public à l'écoute ma conclusion de la semaine dernière, à savoir que de 1957 à 1965, l'Alberta a reçu des paiements de péréquation d'Ottawa. L'industrie de l'énergie en était alors à ses balbutiements dans cette province, tout comme c'est le cas aujourd'hui en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et dans les autres provinces atlantiques, y compris à Terre-Neuve. La principale différence tient au fait qu'à l'époque l'Alberta conservait intégralement toutes les redevances. Contrairement à ce que fait le gouvernement aujourd'hui, Ottawa ne récupérait pas les profits par le truchement d'autres programmes comme la péréquation, de façon totalement injuste.

 

.1700 +-

Il a ainsi permis au gouvernement de l'Alberta de miser sur sa réussite. C'est la seule façon dont nous pourrons amener les provinces pauvres vers la prospérité économique.

Je veux esquisser à grands traits l'objectif visé par la péréquation. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces se sont engagés à promouvoir l'égalité des chances et le développement économique et à offrir, dans des limites raisonnables, des niveaux comparables de services, à des niveaux comparables d'imposition, dans tout le pays. Voilà le principe qui sous-tend la péréquation.

Outre la récupération, qui est une question grave, car elle limite la croissance des provinces pauvres, le gouvernement recourt également à ce qu'il appelle une disposition de plafonnement, par laquelle il plafonne les avantages versés aux provinces ou la croissance des paiements de péréquation. Ce plafonnement a été pénible à accepter en 1982, quand le gouvernement l'a mis en oeuvre. Le plafonnement fait en sorte que les paiements de péréquation n'augmentent pas plus rapidement que la croissance de l'économie nationale.

Ce plafonnement a semé la discorde en 1982. Il limite la croissance ou l'expansion de provinces au moment où leur économie est florissante, de sorte que l'attitude du gouvernement va en quelque sorte à l'encontre de l'objectif visé dans la péréquation. Le concept est plus ou moins celui-ci: les provinces sont pauvres, elles vont demeurer pauvres et nous n'allons rien faire pour remédier à cela.

Du point de vue du Canada atlantique, et je peux parler également en connaissance de cause d'autres provinces également, la situation n'est pas bien différente en Saskatchewan ou au Manitoba, deux provinces qui s'inquiètent de la formule de péréquation. Je vais m'en tenir à mes notes, car elles sont plutôt techniques et je ne veux pas qu'on interprète mal ce que je dis.

Le fait d'imposer un plafond aux paiements de péréquation nuit à la capacité de la formule de faire correspondre la capacité financière au niveau des normes de programme et nuit de plus à la capacité du programme de respecter ses obligations constitutionnelles.

Le gouvernement nous a dit qu'il allait abolir le plafond. C'est ce qu'ont annoncé le premier ministre et le ministre des Finances. Le ministre des Finances a émis un communiqué de presse sur ce sujet le 15 mars et nous l'en remercions.

L'abolition du plafond pour une seule année ne fera qu'apporter une solution temporaire au problème. Pour que la formule fonctionne de façon efficace, il faut éliminer ce plafond non pas simplement pendant une année, mais à jamais.

La force de l'économie canadienne, combinée à la conception de la disposition actuelle quant au plafond, fait que ce plafond risque d'être défoncé durant l'exercice 2000-2001 et durant les années qui suivront. Ainsi le gouvernement fédéral retiendrait de futurs transferts de péréquation pour indemniser les provinces même si ces revenus pourraient être nécessaires dans les années futures où la croissance économique pourrait ne pas être aussi forte.

En résumé, il s'agit d'une solution ponctuelle à un problème. Il faut que le gouvernement fédéral adopte un point de vue à long terme si on veut améliorer le programme de péréquation et renforcer la situation économique des provinces. On ne peut le faire de façon ponctuelle, d'une année à l'autre. On pourrait légitimement accuser le gouvernement fédéral de procéder de façon ponctuelle et de ne pas planifier à long terme. Il fait la même chose dans bien d'autres dossiers. C'est sa marque de commerce. Il se contente de régler les problèmes au cas par cas, sans planifier pour l'avenir.

 

.1705 +-

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, j'ai été heureux d'entendre le député parler de l'importance des paiements de péréquation pour des provinces comme la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, d'où je viens. Le ton de ses propos m'a plu.

En un certain sens, nous partageons le même avis, soit que le régime de péréquation est probablement la plus grande réalisation du fédéralisme canadien. Il fait plus pour soutenir l'idée d'un gouvernement central fort qui va de l'avant au lieu de laisser pour compte certaines parties du pays parce que le développement économique n'y est pas suffisant.

Dans ses observations, le député s'en est tenu à la suppression du plafond par accord mutuel. Nous nous félicitons tous de cette mesure. Les ministres des Finances de certaines provinces ont dit qu'ils ont été quelque peu induits en erreur. Selon eux, l'arrangement annoncé maintenant, soit la suppression du plafonnement, qui sera ensuite rétabli, mais à un niveau plus bas, ne correspond pas à ce qu'ils pensaient avoir accepté le 11 septembre 2000.

Le député voudrait-il nous livrer ses réflexions? A-t-il comme moi entendu dire à des ministres provinciaux des Finances que ce qu'ils pensent avoir accepté le 11 septembre et ce qui est annoncé aujourd'hui sont deux choses différentes, et que l'arrangement annoncé suscite du mécontentement?

M. Greg Thompson: Monsieur le Président, c'est bel et bien ce qui s'est produit. La formule elle-même est très complexe. Trois économistes se trouvant dans la même pièce auraient au moins cinq ou six points de vue différents parce qu'ils finiraient par se contredire après avoir examiné les documents. Ce dont les premiers ministres ou les ministres des Finances conviennent lors d'une réunion ne tient pas toujours, après examen. On a pu le constater dans certaines de ces négociations.

Le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, mais aussi toutes les autres provinces, obtiennent moins que ce qu'elles attendaient. Elles sont pénalisées en raison de la relance économique qu'elles ont connue sur leurs territoires respectifs, et cela n'est pas acceptable. Nous devons consolider les acquis et non pas décourager la réussite. C'est exactement ce que fait cette formule.

Dans ma déclaration liminaire, il y a quelques semaines, je parlais des différences entre le Canada et d'autres pays. Le Canada est un pays très généreux. Les Nations Unies ont reconnu le Canada comme le meilleur pays au monde. C'est la générosité dont nous avons fait preuve au fil des années qui a permis à notre pays d'obtenir cette reconnaissance. Autrement dit, nous avons su aider les régions du pays lorsqu'elles avaient besoin d'aide. Nous avons toujours agi ainsi.

Nous ne voulons pas minimiser la part jouée par le gouvernement. Au fil des années, il n'a pas trop mal fait dans le dossier de la péréquation quoique, depuis 1993, sa contribution laisse à désirer. Lester Pearson et Pierre Trudeau auraient honte de voir comment les libéraux traitent les provinces les plus pauvres en vertu de cette entente financière qu'ils ont eux-mêmes conçue.

Nous ne voulons pas revenir à l'époque qui a précédé la péréquation parce que c'est toujours un sujet délicat. C'est ce que nous faisons et cette façon d'agir a toujours été la bonne. Les États-Unis offrent un exemple de pays où les choses ont déraillé et où chacun est laissé à lui-même. On y trouve des États pauvres, comme le Maine, le Mississipi et le New Hampshire. Le Mississipi a des problèmes sur le plan des normes applicables à l'éducation et aux hôpitaux.

N'importe quel pays pourrait bénéficier d'un système comme le nôtre. Nous devons tirer profit des atouts de notre système. Nous ne devons pas faire preuve de mesquinerie, comme le fait actuellement le gouvernement fédéral, en ce qui concerne la péréquation. Nous devons tirer avantage de nos points forts et mettre en pratique la générosité que nous avons témoignée à nos concitoyens depuis des générations. Nous ne pouvons que consolider ces acquis. Nous ne voulons pas les perdre.

 

.1710 +-

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais dire quelques mots sur le projet de loi, qui porte sur la péréquation. La Chambre en est saisie aujourd'hui à l'étape du rapport. Il s'agit d'une mesure très succincte. Le projet de loi fait disparaître pour un an le plafond de 10 milliards de dollars imposé aux paiements de péréquation accordés aux provinces les plus pauvres et autorise le dépassement du plafond de plusieurs centaines de millions de dollars. Toutefois, après cette année de répit, il rétablit le plafond original de 10 milliards de dollars et permet l'augmentation des paiements de péréquation au rythme de croissance du PIB.

Il existe une certaine controverse à cet égard. Certains gouvernements provinciaux ont compris que le plafond serait plus élevé cette année qu'il ne le sera au cours des années à venir, mais qu'il reviendra à ce qu'il était au départ. Ce n'est pas suffisant, en raison de toutes les compressions que le gouvernement a effectuées dans les transferts aux provinces en 1995.

La péréquation est peut-être l'un des plus vibrants symboles de la réussite de notre fédération. Je me rappelle qu'en 1980-1981, le premier ministre Pierre Trudeau a décidé de rapatrier la constitution. L'une des choses sur lesquelles notre parti avait alors insisté était d'inclure la péréquation dans la constitution.

Il est très intéressant de constater que nous sommes probablement le seul pays au monde à avoir prévu des paiements de péréquation dans sa constitution. D'autres pays ont des façons d'essayer d'égaliser la richesse et le potentiel du pays grâce à divers programmes gouvernementaux. Le Canada est probablement le seul pays où cela constitue un droit constitutionnel pour les provinces qui ont de la difficulté ou qui traversent une très grave crise économique.

J'ai été très fier quand ce droit a été consacré dans la Constitution. J'ai fait partie en 1980-1981 du comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes en qualité de porte-parole du NPD en matière constitutionnelle. Nous avons beaucoup discuté de la question de la péréquation et de la nécessité de l'incorporer dans la Constitution: pour partager la richesse, pour nous inscrire dans la vision voulant qu'être Canadien veut dire que les provinces plus riches et les gens mieux nantis partageront une partie de cette richesse avec les provinces plus pauvres.

Je viens de la Saskatchewan, qui est habituellement une province bénéficiaire de la péréquation. Il y a eu des moments où notre province n'en a pas été bénéficiaire. Nous serons de nouveau en position de ne pas recevoir de paiements de péréquation grâce au potentiel économique de notre province.

La formule de péréquation est une formule très complexe fondée sur le potentiel fiscal de chacune des provinces. Si ma province ne sera bientôt plus admissible aux paiements de péréquation, c'est à cause des recettes croissantes provenant des secteurs du pétrole et du gaz naturel, de la potasse et de l'uranium qui affluent dans les coffres de la province.

En tant que citoyen de la Saskatchewan, si ce qui s'est produit il y a plusieurs années se produit de nouveau, je serai fier du fait que nous ne recevons plus de péréquation. Je serai également fier du fait que nous contribuerons, en tant que province, à offrir des paiements de péréquation à d'autres provinces afin qu'elles puissent jouir de services comparables à ceux dont nous jouissons en Saskatchewan et dans d'autres provinces.

Une façon de calculer la formule de péréquation, c'est de tenir compte du potentiel d'imposition. Pour ce faire, on élimine de la formule les quatre provinces de l'Atlantique, soit l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, ainsi que l'Alberta, la province qui a le plus de possibilités d'accroître ses recettes en raison de son industrie gazière et pétrolière. On se fonde sur les cinq autres provinces pour établir le potentiel d'imposition moyen et les recettes moyennes qu'elles peuvent percevoir, cela pour essayer que les provinces qui ne font pas partie de ce groupe de cinq provinces, exclusion faite de l'Alberta, puissent atteindre une norme nationale.

Les normes nationales sont extrêmement importantes pour assurer un accès égal à l'éducation, aux soins de santé et aux services sociaux. Dans l'optique canadienne, quelqu'un qui vit à Terre-Neuve doit avoir les mêmes possibilités que quelqu'un qui vit en Alberta.

Il y a maintenant un nouveau courant qui m'inquiète un peu dans notre pays. Nous avons entendu certains députés de l'Alliance remettre en question, dans le cadre du débat, notre participation à ce programme de péréquation. Les alliancistes prétendent que c'est là un programme socialiste. Nous avons aussi assisté dans notre pays à un mouvement en faveur d'une plus grande décentralisation, d'une réduction du rôle du gouvernement fédéral.

 

.1715 +-

Nous avons été témoins de cela en Alberta, avec Ralph Klein. Nous sommes présentement témoins de cela en Ontario, avec Mike Harris. Nous sommes évidemment témoins de cela plus que n'importe où ailleurs au Québec, avec le nouveau premier ministre Bernard Landry. Le Parti libéral provincial en Colombie-Britannique préconise une fédération plus souple. Si cela se concrétisait, les quatre grandes provinces réclameraient davantage de droits, une fédération plus souple et un gouvernement fédéral plus faible.

Je suis un fervent partisan de la diversité et de la flexibilité dans notre pays, mais je suis également un fervent partisan d'un gouvernement fédéral fort qui a les ressources et l'assiette fiscale nécessaires pour s'assurer que chaque Canadien puisse bénéficier de normes nationales en matière d'éducation, de santé et de programmes sociaux. Cela fait partie du mode de vie des Canadiens. Nous participerons au cours des prochaines années à un véritable débat sur la vision du fédéralisme ou du fédéralisme financier en voyant la nouvelle tendance qui se dessine en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique et au Québec.

Je suis déçu de l'Ontario en particulier. Tout au long de notre histoire en tant que pays, l'Ontario a vraiment joué un rôle de chef de file pour ce qui est d'appuyer énergiquement un gouvernement central fort à Ottawa. Je pense aux grandes contributions des premiers ministres Robarts et Bill Davis et d'autres premiers ministres conservateurs dans cette province. Il y a eu un revirement en Ontario au cours des trois ou quatre dernières années avec Mike Harris, revirement qui coïncide avec ce qui se passe en Alberta.

Ce sera un grand débat dans ce pays. Il opposera malheureusement les grandes provinces aux provinces plus petites et plus faibles du point de vue de la population et de l'économie. C'est un débat auquel nous devrons participer. Je crois que l'Alliance canadienne partagera avec le Bloc québécois cette vision d'un Canada plus flexible, plus décentralisé.

Je crois qu'il y a encore une majorité de députés du côté des libéraux, des néo-démocrates et des conservateurs qui veut que nous maintenions un gouvernement fédéral très fort pour travailler au nom de chaque Canadien. Cela fait partie de notre mode de vie. Cela fait partie de cette fédération.

Je me souviens des grands débats sur la canadianisation de la Constitution et des luttes intenses dont nous avons été témoins à ce moment-là pour que la péréquation fasse partie de notre Constitution. Nous avons besoin de ce genre d'équilibre dans notre fédération. Je me rappelle aussi que, quand nous avons reçu le document original, celui-ci ne prévoyait aucune mesure pour renforcer les droits des provinces en ce qui concerne les recettes d'exploitation des ressources et les ressources naturelles. Le leader du gouvernement à la Chambre faisait partie de l'Assemblée législative de l'Ontario à cette époque, je crois, mais il n'a pas oublié, bien sûr, les histoires, les luttes et les grandes divisions entre les partis politiques à la Chambre au sujet du rapatriement de la Constitution.

Notre parti a utilisé l'influence dont il disposait pour veiller à ce que les provinces se voient garantir des droits quant aux recettes d'exploitation des ressources et aux ressources naturelles, car nous estimons également que, dans une fédération, les provinces doivent bénéficier de droits vigoureux et protégés et qu'elles ont un rôle très énergique à jouer. Parallèlement, il faut un gouvernement fédéral fort qui a aussi un rôle très important à jouer dans la gestion du Canada. Cette question fait partie du débat d'aujourd'hui et fera probablement partie du débat entourant la Confédération pour encore de nombreuses années.

Cela me rappelle les années 1968 et 1978, et l'élection de Pierre Trudeau. Ed Broadbent a dit à l'époque que la plus importante mesure adoptée par Trudeau pendant son premier mandat avait sans doute été la création d'un ministère de l'Expansion économique régionale, l'ancien MEER, pour ce qui est d'une intensification de l'aide et du développement dont ont bénéficié bon nombre de provinces, notamment le Québec, le Canada atlantique, le nord de la Saskatchewan et le nord du Manitoba. Cela fait partie du fédéralisme financier.

Nous avons constaté un recul de ces programmes au cours des dernières années, de sorte qu'il est important de parler de péréquation et de parler de hausser le plafond plutôt que de le ramener là où il se situait il y a un an ou deux.

Je tiens aussi à souligner qu'en 1995, lorsque le gouvernement fédéral a décidé d'effectuer beaucoup de réductions en raison de l'important problème de la dette et du déficit, il a radicalement diminué les transferts aux provinces. Il y a eu des réductions radicales. Je sais qu'un grand nombre des libéraux d'en face sont gênés par cette politique radicale du ministre des Finances et du premier ministre. Je suppose que certains rougissent même de honte. Le leader du gouvernement à la Chambre fait signe qu'on lui a passé la corde au cou et il a probablement raison.

 

.1720 +-

De toute l'histoire du gouvernement fédéral, nous n'avons jamais vu de compressions d'une telle envergure. En matière financière, le gouvernement d'en face—et vous, Monsieur le Président, vous avez été élu député libéral du nord de l'Ontario—est le plus conservateur de l'histoire du Canada. Je parle ici de politiques conservatrices en ce qui concerne les compressions massives qui ont touché les transferts aux provinces au titre de l'éducation, de la santé et des services sociaux.

M. Pat Martin: Des compressions paralysantes.

L'hon. Lorne Nystrom: Mon ami de Winnipeg parle de compressions paralysantes. Il s'agissait en effet de compressions énormes. Ce n'est pas tellement en Ontario et en Alberta qu'elles ont fait le plus mal, mais au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan, à Terre-Neuve et au Manitoba, les provinces les plus pauvres, car les provinces plus grandes ayant une économie plus vigoureuse ont pu mettre elles-mêmes davantage d'argent dans les services sociaux, l'éducation et la santé.

J'aimerais donner comme exemple ma propre province, la Saskatchewan, dont la population est légèrement supérieure à un million d'habitants. Au début des années 90, elle était écrasée sous le poids d'un déficit et d'une dette énormes. Le déficit de la Saskatchewan était le plus important au pays après celui de Terre-Neuve. Le déficit avait été accumulé par le premier ministre Grant Devine qui était plus à droite que bien des réformistes qui siègent actuellement à la Chambre.

En dépit de l'énormité de la dette et du déficit, le gouvernement Romanow a décidé de remplacer chaque dollar que le gouvernement fédéral avait éliminé du budget de la santé. Cela fut extrêmement difficile pour la province qui avait une dette énorme. Heureusement, l'économie de la Saskatchewan n'allait pas trop mal. L'économie agricole était relativement en bonne santé par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Le gouvernement a décrété de nouveaux impôts dans tous les secteurs. L'impôt sur le revenu a augmenté et la taxe de vente a augmenté de 2 p. 100. La province a imposé un impôt spécial pour éponger le déficit.

Les responsables provinciaux ont pris ces mesures afin de pouvoir maintenir les services. En dépit de cela, de nombreux hôpitaux ruraux ont dû fermer leurs portes du fait des compressions énormes qui ont touché la Saskatchewan. Je suis certain que la même chose est arrivée au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse où les hôpitaux ont dû fermer en grande partie à cause des compressions du fédéral qui n'ont pas épargné le financement des programmes établis.

Toutes ces questions font partie du débat. Le gouvernement s'est livré à des coupes sombres qui ont porté atteinte à la cause du fédéralisme coopératif au Canada. Ces réductions ont vraiment nui à l'établissement d'un gouvernement central fort dont l'objet est d'assurer l'égalité des conditions. Elles ont nui à une vision en laquelle je croyais très fort quand j'étais à l'université. Il s'agit de la vision du fédéralisme coopératif qu'ont embrassée Lester Pearson, Tommy Douglas et Bob Stanfield.

Les députés se souviennent peut-être en quoi consistait la vision de ces trois hommes dans les années 60 et 70. Elle visait à faire en sorte que tous soient favorisés plutôt que défavorisés. Telle était la vision du fédéralisme coopératif, qui se caractérisait par le partage, la souplesse, des provinces fortes et beaucoup de diversité. Cette vision faisait une place au caractère unique du Québec, aux deux langues et à de nombreuses cultures, tout en faisant la promotion d'un gouvernement central fort.

Nous nous sommes éloignés de cette vision au cours des dernières années. Ce projet de loi en est un exemple. D'accord, le plafond s'élève cette année, mais cette augmentation disparaîtra soudainement et le plafond reviendra au niveau antérieur pour les années à venir.

L'économie n'est pas aussi florissante qu'elle l'était il y a quelques mois, mais elle devrait se redresser vers la fin de l'année en cours. J'implore le gouvernement, compte tenu de l'excédent financier dont il dispose, d'investir davantage dans des programmes tels que le Programme de péréquation et le programme de transferts aux provinces en matière de santé, d'éducation et de services sociaux, afin de soutenir financièrement l'infrastructure humaine du Canada et de bâtir un pays caractérisé par l'égalité véritable des conditions, peu importe que l'on vive à l'île Fogo, à Terre-Neuve, au centre-ville d'Edmonton ou à Moose Jaw, en Saskatchewan. Telle doit être la vision de notre pays.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je suis de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et j'ai vu ce que le gouvernement a fait à la plus grande ville de cette province et cela me déchire le coeur.

 

.1725 +-

À cause du gouvernement, nous avons dû fermer le St. Joseph's Hospital, notre premier hôpital, un hôpital administré par une congrégation religieuse. En plus, des écoles ont dû fermer leurs portes. Saint-Jean est la deuxième ville en importance pour l'étendue au Canada, avec 126 milles carrés.

Les gens de Saint-Jean étaient des chefs de file. Nous avons construit des frégates pour l'armée. Regardez un peu ce qui nous arrive aujourd'hui. Le chantier naval est fermé. Le cadenas est sur la porte. Il y a aussi le cas de VIA Rail. Nous avons eu un service de train de voyageurs jusqu'à ce que les libéraux arrivent au pouvoir. Nous n'avons plus de service de train de voyageurs, alors qu'une gare toute neuve avait été construite.

Tout cela est lié à l'économie et se ramène aux paiements de transfert au titre de l'éducation et des programmes sociaux. Le député n'a pas mentionné les sans-abri. Cependant, je peux lui dire que, pas plus tard que la semaine dernière, des sans-abri et des représentants des sans-abri sont venus me rencontrer. Des gens sont forcés de vivre dans la rue à cause des compressions budgétaires. Cela ne s'était jamais vu avant que les libéraux prennent le pouvoir.

J'affirme qu'il faut augmenter les paiements de péréquation. Nous devons rendre tous les Canadiens égaux. Est-ce que le député est d'accord avec moi là-dessus?

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, mais bien sûr que je suis d'accord. Ce qu'il y a de fondamental chez le socio-démocrate, c'est qu'il croit à l'égalité, au partage, à la coopération, à l'équité et à la justice. Le gouvernement doit entre autres rôles devenir l'instrument de la politique publique et veiller à égaliser les conditions de vie pour tous.

Évidemment, la situation des sans abri est attribuable aux réductions opérées au titre des transferts de paiements destinés aux provinces, notamment pour les programmes sociaux, le logement et l'éducation. Je songe également au programme de logement social dont on a largement réduit le budget depuis quelques années.

Le gouvernement a pris un nouveau tournant. Au risque de donner dans la politique, je pense que la députée de Saint John reconnaîtra que le Parti réformiste a largement influencé le programme du gouvernement, le menant par le bout du nez, comme l'a rappelé le député de Winnipeg, le poussant à adopter une politique très conservatrice consistant à sabrer dans les budgets, à les réduire, et à laisser le reste à la grâce de Dieu.

Où sont passés les libéraux de Lester Pearson, Allan MacEachen, Walter Gordon, Pierre Trudeau, Jean Marchand et Gérard Pelletier? Où sont passés ces anciens libéraux aux idées à la fois progressistes et novatrices, qui avaient entrepris d'égaliser les conditions de vie des Canadiens? Les libéraux d'aujourd'hui ont une peur bleue du Parti réformiste et craignent l'ombre du chef de l'opposition et celle de son prédécesseur.

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, j'ai suivi avec intérêt le discours du député. Nous parlons de paiements de péréquation et transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, pour ce qui concerne notamment les soins de santé et l'éducation postsecondaire. Les jeunes sont l'une des principales richesses que nous ayons au Canada. Alors que diminuent les paiements versés aux provinces, le coût de l'éducation devient un fardeau de plus en plus lourd à porter pour les étudiants et leurs familles. Dans les régions où les industries de la pêche, de la construction navale et d'autres connaissent des difficultés, la population n'a pas les moyens de payer des études aux jeunes.

Que pense le député de cette absence d'investissement dans l'avenir des jeunes Canadiens, et où tout cela nous mènera-t-il si nous négligeons d'investir dans nos ressources les plus précieuses?

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, l'une des tragédies de la réduction des transferts faits aux provinces au titre de la santé et de l'éducation, est que cette mesure rend l'éducation moins accessible aux jeunes. L'avenir, ce sont les jeunes. Le pouvoir et la prospérité seront fondés à l'avenir sur les connaissances et l'économie du savoir, sur une bonne instruction et une bonne formation. Nous prenons du retard.

Aujourd'hui, dans le foyer de la Chambre des communes, je parlais à quelqu'un qui m'a dit que les droits de scolarité dans les universités américaines sont de 40 000 dollars américains. Si nous continuons, c'est exactement la voie dans laquelle nous nous dirigeons. Je suis sûr que vous, monsieur le Président, ne voudriez pas de cela pour les jeunes dans notre pays.

 

.1730 +-

L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me demande si la Chambre consentirait à ce que cette question fasse l'objet d'un vote par appel nominal de façon à ce que nous puissions la renvoyer à un comité en vue de faire avancer cette mesure législative.

Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

 

Le lundi 2 avril 2001


INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

.1330  

*  *  *

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 mars, de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui à propos du projet de loi C-18. Je partagerai le temps mis à ma disposition avec le député d'Acadie—Bathurst.

Le projet de loi C-18 vise à supprimer, pour l'exercice commençant le 1er avril 1999, le plafond qui s'applique aux paiements de péréquation. Ce projet de loi me préoccupe beaucoup et préoccupe beaucoup d'autres députés néo-démocrates à cause des conséquences qu'il aura pour les provinces démunies du Canada.

Le programme de péréquation permet aux provinces moins prospères d'assurer à leurs résidents des niveaux de services publics et des taux d'imposition raisonnablement comparables. Les paiements de péréquation sont versés de façon inconditionnelle en ce sens que les provinces qui les reçoivent sont libres de dépenser cet argent au titre des services publics selon leurs priorités.

Le NPD a toujours appuyé les paiements de transfert et les paiements de péréquation comme étant une façon de renforcer le lien entre le pays et les provinces. Il y a de nombreuses années, nous avons eu le financement des programmes établis, ou FPE. Il s'agissait d'un financement moitié-moitié des programmes établis dans les diverses provinces. Le NPD croit que c'était beaucoup plus avantageux pour les provinces lorsque gouvernement fédéral était responsable de l'établissement de normes nationales avec une formule de financement moitié-moitié. C'était simple. Si une province choisissait de ne pas respecter les normes nationales, le financement moitié-moitié était compromis.

Le financement des programmes établis fonctionnait très bien. Puis sont arrivés coup sur coup le Régime d'assistance publique du Canada, ou RAPC, le plafonnement du RAPC et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le nouveau plafonnement provisoire est maintenant supprimé.

Lors de débats antérieurs, des députés néo-démocrates ont souligné l'effet dévastateur du TCSPS sur les programmes sociaux au Canada. Il faut dire clairement et abondamment à la Chambre, afin que le public l'entende dire encore et encore, que le gouvernement a supprimé avec le TCSPS 33 p. 100 du financement des transferts fédéraux au titre des programmes sociaux. Je crois que les réductions totales sont de 23 milliards de dollars depuis 1995, ces transferts sociaux étant passés de 19,1 à 11 milliards de dollars.

Lorsque le programme de péréquation a été reconduit en 1999, le plafond a été réduit d'environ 1 milliard de dollars par année, malgré les protestations générales de presque tous les ministres des Finances des diverses provinces, pour s'établir à un niveau arbitraire de 10 milliards en 1999-2000. Ce niveau a ensuite été indexé sur le taux de croissance du PIB des années subséquentes.

Des niveaux adéquats de péréquation et de transferts sociaux sont critiques aux provinces comme la Nouvelle-Écosse. Autrement, les habitants de cette province n'auront pas ce à qui ils ont droit en vertu de la Constitution, soit des niveaux de services raisonnablement comparables, à des taux d'imposition raisonnablement comparables.

 

.1335 +-

Pourquoi avons-nous besoin des transferts fédéraux pour garantir que les services offerts en Nouvelle-Écosse sont comparables à ceux fournis ailleurs? Parce que notre économie est plus petite et plus faible et ne produit pas autant de richesse que celle de la plupart des autres provinces. Comme il y a moins de richesse, les taux d'imposition en Nouvelle-Écosse doivent être plus élevés pour que la province puisse recueillir un niveau minimal de recettes pour assurer les services publics. Toutefois, même si nos taux d'imposition sont plus élevés que ceux de la plupart des provinces en ce qui concerne les services publics, les Néo-Écossais paient plus, mais reçoivent moins en retour.

Les Néo-Écossais attachent beaucoup de prix à l'instruction et au rôle que joue une bonne instruction en rendant possible un avenir meilleur et plus prospère. Nous, en Nouvelle-Écosse, investissons nos maigres ressources dans l'éducation. En 1995, les Néo-Écossais ont investi 8,4 p. 100 de leur produit intérieur brut dans l'éducation. C'était le taux d'investissement en éducation le plus élevé de toutes les provinces, plus élevé que celui de l'Alberta, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou du Québec. Seule Terre-Neuve a investi une part plus élevée de sa richesse collective dans l'éducation.

Qu'avons-nous obtenu en retour? Avons-nous eu des écoles bien financées, des ratios professeur-élèves peu élevés et des services de soutien hors pair? Pas du tout. Étant donné que notre économie est petite comparativement à celle des autres provinces, l'investissement d'une part plus élevée de notre économie dans l'éducation nous a encore laissés en fin de peloton en matière de dépenses d'éducation par élève. J'ai parlé à bien des gens de ma circonscription qui ne croient pas une minute que les élèves néo-écossais profitent de services raisonnablement comparables en matière d'éducation.

Les dépenses de santé sont un autre bon exemple. L'an dernier, les Néo-Écossais ont consacré 11,3 p. 100 de leur produit intérieur brut à la santé. La moyenne nationale n'a été que de 9,3 p. 100, mais, puisque nous prenons une part relativement plus grosse d'une tarte beaucoup plus petite, cette part ne suffit pas pour bien servir la population. Nous payons plus, mais obtenons moins de services. Étant donné les soins de santé que nous avons les moyens de nous payer, nos dépenses en santé par habitant nous classent à l'avant-dernier rang au Canada. Elles étaient d'un bon 9 p. 100 inférieures à la moyenne nationale, mais nous devons pourtant servir une population qui a besoin de 10 ou 15 p. 100 de plus de soins de santé que la moyenne nationale. Devant de tels chiffres, il y a lieu de se demander si les Néo-Écossais reçoivent des services de santé raisonnablement comparables à ceux que reçoivent bien d'autres Canadiens.

Il est triste de constater que, plutôt de s'améliorer, le soutien financier a diminué depuis que la garantie de services de niveaux comparables a été incluse dans la Constitution. En 1980, les transferts fédéraux représentaient près de 48 p. 100 des revenus disponibles de la Nouvelle-Écosse. En 1993, lorsque le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, ce pourcentage était tombé à 38,6 p. 100. L'an dernier, il n'était plus que de 37,2 p. 100.

En abaissant le niveau des paiements de péréquation, ce qui sera le résultat du projet de loi C-18, le gouvernement nous éloignera encore plus de services raisonnablement comparables pour des niveaux d'imposition raisonnablement comparables.

Le Nouveau Parti démocratique s'oppose au projet de loi C-18. Nous nous opposons à de nouvelles réductions des niveaux de référence des paiements de péréquation. En fait, à une époque de surplus à répétition, nous jugeons qu'il faut augmenter les paiements de péréquation pour assurer des niveaux équivalents d'éducation et de soins de santé dans tout le Canada.

Il est temps de remédier aux répercussions débilitantes sur nos écoles et nos hôpitaux d'un niveau de financement insuffisant de l'éducation et des services de santé. Il est temps de revoir la formule de péréquation de manière que toutes les provinces aient les moyens de se payer le même niveau de services et que tous les Canadiens soient véritablement égaux.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je remercie la députée de Dartmouth, dont je partage un grand nombre des sentiments car je viens moi aussi d'une province qui dépend lourdement du concept de la redistribution de la richesse par l'intermédiaire des paiements de transfert fédéraux.

L'une des choses que j'aimerais souligner concerne ce qui s'est passé récemment lorsque les ministres des Finances et les premiers ministres des diverses provinces ont accepté une entente concernant l'élimination du plafond pour une période d'un an, après quoi il sera rétabli. Le sentiment qu'expriment maintenant certains premiers ministres et certains ministres des Finances provinciaux est que ce n'est pas tout à fait ce qui avait été convenu. En fait, ce que propose le projet de loi C-18 est moins que ce qu'ils pensaient avoir accepté, je crois, le 11 septembre 2000.

 

.1340 +-

C'est certainement le cas pour le Manitoba, mais est-ce également vrai en Nouvelle-Écosse? Y a-t-il en Nouvelle-Écosse un sentiment de déception du fait que ce que l'on propose aujourd'hui est moins que ce à quoi elle pensait avoir donné son accord lors de cette réunion?

Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, c'est effectivement le cas. Pour plusieurs raisons, la Nouvelle-Écosse est clairement très préoccupée par la formule de péréquation actuelle, qu'elle estime injuste. Nous trouvons effectivement, en Nouvelle-Écosse, que nous ne recevons pas suffisamment pour financer notre système d'éducation et nos services de santé.

Il y a un autre problème très important en ce moment, et nous attendons du gouvernement qu'il le reconnaisse et qu'il s'engage à nous permettre de conserver une portion plus importante des recettes provenant de l'exploitation des ressources hauturières. Si nous pouvions échapper aux dispositions de récupération excessives que nous impose le gouvernement fédéral, nous serions en mesure d'utiliser une plus grande proportion des recettes provenant de l'exploitation des ressources hauturières pour rembourser notre dette. Cela contribuerait beaucoup à nous mettre sur un pied d'égalité avec les autres provinces.

M. Pat Martin: Monsieur le Président, je souhaite entendre les commentaires de la députée sur un autre sujet. Il s'agit d'une question plus générale, de nature philosophique. Maintenant que le plafond est réintroduit, bien qu'il soit plus bas que ce que nous pensions, franchement plus bas que ne le dictent les besoins actuels en tout cas, la députée pourrait-elle dire ce qu'elle pense du plafonnement des besoins humains. Comment décide-t-on arbitrairement de consacrer tel montant au développement social durant l'année quand on ne sait même pas quels seront les besoins urgents dans 18 mois. A-t-on le droit de plafonner les besoins? Ne devrions-nous pas plutôt déterminer la hauteur des crédits en fonction de l'ampleur et de l'urgence des besoins?

Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, dans une période de surplus énormes, je pense qu'il serait honteux de fixer le plafond des crédits consacrés aux soins de santé, à l'éducation et aux autres services qui contribuent au bien-être de la population. Selon moi, ce gouvernement ne peut faire de meilleur investissement que dans la santé et l'éducation de la population.

Dans un pays où un enfant sur cinq vit dans la pauvreté, il est très difficile de trop se réjouir des perspectives économiques, car les retombées ne seront pas générales. À mesure que l'écart de revenu se creuse davantage entre les pauvres et les riches, le terrain devient de plus en plus propice à l'enracinement de la misère qui touchera un nombre effarant d'enfants et de personnes vulnérables dans le pays.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, il me fait plaisir de pouvoir prendre la parole sur le projet de loi C-18.

Comme on le sait, nous nous opposons au plafonnement des paiements de péréquation, surtout dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick ou les autres provinces Atlantiques, et même dans des provinces comme le Manitoba ou la Saskatchewan.

Dans un pays comme le nôtre, où on parle d'unité nationale, où on devrait pouvoir travailler ensemble pour le bien-être de tous, il est important de s'appuyer les uns les autres. Les paiements de péréquation avaient pour but d'amener de l'argent dans les provinces qui en avaient besoin, surtout pour des programmes sociaux, pour l'éducation ou la santé.

Aujourd'hui, avec les coupures qui ont été faites aux provinces, c'est inacceptable et cela les met en difficulté.

 

.1345 +-

J'aimerais citer un article paru dans L'Acadie Nouvelle et qui résume un peu ce qui est arrivé au Nouveau-Brunswick. Cet article a été publié le 1er mars 2000, et je le cite tel quel:

Le déplafonnement des paiements de péréquation pour 1999-2000 permettra au Nouveau-Brunswick d'obtenir d'Ottawa 50 millions de plus qu'on l'avait d'abord anticipé pour la période financière 1999-2001. Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, Norman Betts, est loin de s'emballer avec le boni provenant du déplafonnement des paiements de transfert et préfère mettre les choses en perspective.

«Cinquante millions de dollars, ça représente 10 jours de ce que nous coûtent les soins de santé. Cela représente 1 p. 100 d'un budget de 5 milliards de dollars», a illustré M. Betts, ajoutant que la province pourrait aussi recevoir moins d'argent en raison de la performance économique du pays.

Également, les nouvelles estimations officielles du ministère fédéral des Finances indiquent que le Nouveau-Brunswick obtiendra 5 millions de dollars supplémentaires pour la période couvrant 1999-2001.

Dans le cadre de l'année financière 2000-2001, le Nouveau-Brunswick encaissera 1,207 milliard de dollars du fédéral en vertu du programme de péréquation. Ce montant représente plus du quart du budget de la province qui s'établissait à 4,472 milliards de dollars en 2000-2001. Avant que le ministre Betts puisse encaisser le chèque de 50 millions de dollars de son homologue fédéral, les Communes devront adopter le projet de loi révisant la formule du programme de péréquation déposé mardi.

Et là, on parlait du mois de mars 2001. Je poursuis la lecture de cet article:

Le programme de péréquation a été mis sur pied afin d'atténuer les écarts entre les provinces «riches» et les provinces «pauvres», afin que ces dernières puissent fournir des services publics comparables aux provinces les mieux nanties. Trois provinces—la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Alberta—sont exclues du programme de péréquation.

Comme je le disais, lorsqu'on dit qu'on vit dans un pays, c'est un peu comme dans un syndicat, exemple auquel je vais me référer. Au sein d'un syndicat, on a de gros et de petits locaux, mais tout le monde fait partie du même syndicat. Il est vrai qu'en ayant des petits locaux de cinq, six, sept ou huit personnes, il en coûte plus cher pour les desservir, car ils n'ont pas l'argent pour payer tous les besoins. J'aime utiliser cet exemple, parce que je pense que c'est un exemple qui illustre bien ce qui arrive avec les provinces.

Lorsqu'on appelle cela «union», cela veut dire que c'est tout le monde, tous les travailleurs et les travailleuses du pays qui s'unissent dans un syndicat, que tu sois gros ou petit. Je vois le pays comme cela, c'est cela un pays. Le pays, cela comprend les 10 provinces, les territoires, dont le Yukon et le Nunavut. Ce sont toutes ces provinces et tous ces territoires qui forment l'union de notre pays.

Le jour où on est incapable de s'occuper des moins nantis, pourquoi rester dans un pays? Pourquoi rester dans un pays si on n'est pas capable de faire attention aux uns et aux autres?

La raison pour laquelle on prend l'argent des riches—je n'ai ni peur ni honte de le dire—quand on est un pays, c'est pour en faire le partage. C'est le même genre de partage qui existe dans une famille. Dans une famille, certains sont parfois plus nantis et ils aident les autres. C'est ça, un pays.

À mon avis, la raison pour laquelle nous avons un problème aujourd'hui—je m'excuse d'utiliser le mot anglais—c'est parce qu'on est trop «selfish», on regarde juste pour soi. Cette attitude part du pays, des leaders, des gouvernements et se transmet ensuite dans les provinces et dans les familles. Il faut que nous puissions démontrer que nous sommes capables de nous occuper des uns et des autres. C'est pour cela que le plafonnement est inacceptable.

Si nous pouvons aider une province à survivre et si nous sommes capables d'investir pour créer des emplois, je pense qu'à ce moment-là, les gens pourront peut-être voler de leurs propres ailes. Mais si on leur enlève ces outils chaque jour, si on ne peut pas faire les transferts nécessaires pour aider ces provinces, je pense que ça va aller de mal en pis. Je pense que c'est aller à l'inverse du bon sens, c'est aller à l'inverse de l'unité nationale, tout à fait à l'inverse.

Le gouvernement fédéral a une responsabilité, celle de convaincre les gens, que ce soit ceux de l'Ontario, de l'Alberta ou la Colombie-Britannique, que le Canada, c'est ça; ce sont toutes les provinces ensemble, et il faut que nous ayons une formule pour être en mesure d'aider les gens partout dans le pays. Il faut reconnaître cela.

Par exemple, si l'Alberta disait: «Nous autres, maintenant, on est riche, on a le pétrole, on n'a plus besoin de personne», je ne souhaite pas que les gens manquent de pétrole, parce qu'ils auront peut-être besoin de cette formule aussi. C'est ça, un pays.

 

.1350 +-

Au Nouveau-Brunswick, on n'a jamais demandé que la pêche s'en aille comme elle s'en est allée, tout comme la fermeture des quotas de poissons de fond. On n'a jamais demandé cela. Les gens qui travaillaient dans les usines de poissons travaillaient de 30 à 32 semaines, jusqu'à la fermeture de la pêche au poisson de fond. On n'a jamais demandé ces fermetures-là.

Cela n'aide pas une province, quand les revenus ne viennent plus. C'est pour cela que je veux utiliser l'exemple de l'Alberta. Je suis fier pour l'Alberta, car c'est une province riche. À ce moment-là, quand tu es riche, il faut que tu partages avec les pauvres. Je ne veux pas dire que notre région est très pauvre, ce n'est pas ce que je veux dire. Toutefois, notre région a des besoins, tout comme le Manitoba a des besoins.

On sait que le pays est content d'avoir de l'agriculture dans les régions du Manitoba et de la Saskatchewan. On est bien contents, quand on s'assied à la table et qu'on peut manger notre déjeuner, notre dîner et notre souper. On a besoin des provinces comme celles-là qui sont capables de faire de l'agriculture. C'est la même chose pour ce qui est du Québec. De Montréal jusqu'à Rivière-du-Loup, on voit des fermes de chaque côté de la route. C'est le fun d'avoir cela, c'est le fun d'avoir des fermiers, mais c'est aussi plaisant d'avoir des pêcheurs.

Les gens aiment venir visiter le Nouveau-Brunswick ou les provinces de l'Atlantique. Il y a des gens qui travaillent dans le tourisme. Pour ce qui est de Toronto—je l'ai dit bien souvent dans d'autres discours—les gens de Toronto aiment bien nos 2 x 4; eh bien, ça prend des bûcherons pour cela. Ces gens-là travaillent dur. Pourtant, ce sont aussi des emplois saisonniers. Alors, si ce sont des emplois saisonniers, automatiquement, ce n'est pas vrai qu'ils peuvent payer des impôts 12 mois par année. Il y a ainsi un manque de bénéfices qui échoit aux provinces, parce qu'on reste dans des provinces où l'emploi est saisonnier.

C'est pour cela que j'aimerais que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership à cet égard et dise: «C'est cela qui est le règlement, c'est cela qui est la formule pour pouvoir aider les provinces les plus démunies, et pour être capable de garder notre pays uni.» Comme je le dis, si cela ne donne plus aucun bénéfice que de faire partie d'un pays, pourquoi être dans un pays? C'est quoi le pays, après un bout de temps, avec toutes les coupures du fédéral en matière de santé, d'éducation et les coupures dans tout ce qu'on voit?

Je vais conclure en disant que je souhaite et je demande au gouvernement fédéral, aux libéraux, eux qui sont responsables, eux qui sont au pouvoir, d'être capables de diriger cela. C'est pour cela que nous sommes obligés de refuser le plafonnement dans le programme de péréquation.

[Traduction]

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je remercie le député d'Acadie—Bathurst d'avoir exprimé en des termes très vifs ce que nous sommes nombreux à penser dans cette enceinte, à savoir que la redistribution des richesses au moyen des paiements de transfert pourrait se révéler le plus grand exploit du fédéralisme canadien et le meilleur moyen de favoriser l'unité canadienne. Ce n'est pas un argument que l'on fait valoir aussi souvent qu'il le faudrait. Je le remercie de l'avoir rappelé avec tant de coeur.

Ma question porte plus précisément sur la méthode appliquée et la formule de transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le député a rappelé, et d'autres intervenants en ont eux aussi parlé, que lorsque le gouvernement a mis en place le TCSPS, le transfert fédéral était de 19,1 milliards de dollars. Quand le TCSPS est entré en vigueur, il ne représentait que 11 milliards de dollars. Ce n'est que maintenant qu'il commence à augmenter, bien que très peu. En d'autres mots, le montant intégral des réductions opérées dans les transferts sociaux fédéraux a été de 30 à 35 milliards de dollars, et peut-être même plus.

Cela ne serait-il pas contraire au principe de l'unité canadienne? Ne serions-nous pas sur le point de compromettre cette chose fragile qu'on appelle la fédération du Canada en éviscérant les programmes mêmes qui font qu'il vaut la peine d'en faire partie? Le député peut-il nous dire quelles ont été les conséquences de la réduction du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pour des circonscriptions comme la sienne, qui ont besoin de ces programmes?

 

.1355 +-

M. Yvon Godin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Winnipeg-Centre pour sa question. Il a parlé des soins de santé. En se rappelant l'historique de l'assurance maladie, on sati qu'en 1969, le gouvernement fédéral assumait 50 p. 100 des coûts des soins de santé. Aujourd'hui, ce pourcentage n'est que de 13 p. 100. Si le gouvernement fédéral est incapable de verser les paiements de transfert nécessaires au maintien des programmes que j'ai utilisés à de nombreuses reprises, qu'elle est l'utilité d'avoir ce gouvernement?

Il se pourrait très bien que l'on ne trouve aucun chat ni aucun chien dans les corridors d'une clinique vétérinaire. Si l'on se rend dans les corridors d'un hôpital, on trouvera des patients. Il arrive même que des hôpitaux refusent des patients. Voilà un exemple du piteux état dans lequel se trouve notre système de soins de santé. La faute revient aux libéraux et au gouvernement fédéral. En 1969, le gouvernement assumait 50 p. 100 des coûts des soins de santé. Aujourd'hui, il ne s'agit plus que de 13 p. 100.

C'est pourquoi nous nous sommes en train de perdre l'unité au sein de notre pays. C'est la faute d'un gouvernement fédéral qui ne sait pas comment créer des programmes qui contribueraient à unifier l'ensemble des provinces et des territoires. C'est ça le gouvernement fédéral.

M. Pat Martin: Monsieur le Président, le député d'Acadie—Bathurst exprime exactement ce que je pensais. Il le fait mieux que je ne le pourrais moi-même. Nous allons donc lui poser une autre question pour qu'il essaie d'y répondre encore une fois.

Lorsque le TCSPS a été institué, le Conseil national du bien-être social l'a décrit comme l'initiative de politique sociale la plus dévastatrice depuis la grande crise économique. Imaginons qu'on aille de l'avant avec une politique que les spécialistes en la matière ont qualifiée de dévastatrice.

J'invite les députés à se reporter à l'époque du financement des programmes établis, où les deux paliers de gouvernement contribuaient à égalité au financement des programmes sociaux. Le gouvernement fédéral n'était-il pas mieux en mesure de faire respecter les normes nationales lorsque son niveau de financement était de 50 p. 100? En vertu de ce système, quand une province refusait de respecter les normes nationales, le gouvernement fédéral pouvait la punir en réduisant sa part de financement. Le gouvernement fédéral n'était-il pas davantage capable de faire respecter de véritables normes nationales sous le régime de ce mécanisme de financement qu'il ne l'est maintenant sous le régime du TCSPS?

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst): Monsieur le Président, il est facile de répondre. Quand on ne paie pas, on n'a pas voix au chapitre. C'est ce qui arrive au gouvernement fédéral.

Voyons par exemple ce qui se passe dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Pourrait-on imaginer qu'une personne émargeant à l'assistance sociale reçoit 269 $ par mois? Cette prestation mensuelle n'équivaut probablement pas à ce que gagne un député en une journée ici, et les libéraux veulent qu'une personne subsiste avec 269 $ par mois.

Le gouvernement fédéral a la responsabilité à l'échelle du pays d'offrir des paiements de transferts qui ont du bon sens et grâce auxquels les gens peuvent subsister. Je suis d'accord avec mon collègue, le député de Winnipeg-Centre, pour dire que les coupes effectuées par le gouvernement ont creusé l'écart entre les pauvres et les riches, et entre les provinces pauvres et les provinces riches. Nous reculons. Nous faisons fausse route. J'espère que le gouvernement fédéral changera d'avis à propos de la façon dont il dirige notre pays.


.1510


INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir au sujet du projet de loi C-18 concernant les paiements de péréquation versés aux provinces par le gouvernement fédéral. Le projet de loi, s'il est adopté, et je m'attends à ce que le gouvernement réussisse à réunir ses députés à la Chambre pour un vote d'une telle importance, enlèverait certes pour l'exercice 2000-2001 le plafond s'appliquant aux paiements de péréquation. Simplement résumé, c'est là l'objet du projet de loi.

Ce n'est pas une mesure législative compliquée. Le document traite expressément d'une question et constituerait certes une mesure d'aide et une bénédiction pour les provinces ayant besoin de paiements de péréquation accrus, particulièrement au cours du présent exercice.

Au moment même où nous discutons de ce projet de loi, nous savons que les quatre premiers ministres du Canada atlantique, y compris, devrais-je ajouter, un des deux seuls premiers ministres libéraux au Canada, se rencontrent à Charlottetown pour discuter des paiements de péréquation. Ce qu'ils demandent au gouvernement, et ce que nous nous attendons à ce qu'ils demandent au gouvernement, c'est de lever en permanence le plafond sur les paiements de péréquation. Le gouvernement devrait examiner très sérieusement l'adoption de mesures comme le retrait permanent du plafond, et pour bon nombre de raisons.

L'idée d'offrir, en fait, des niveaux d'imposition et de services égaux ou semblables dans tout le pays est l'un des fondements de la politique sociale canadienne. Ces paroles ont été prononcés à la Chambre il y a peu de temps par notre porte-parole en matière de finances, le député de Kings—Hants. J'aimerais dire...

M. John Herron: Le vice-président du Comité des finances est le député de Kings—Hants.

M. Gerald Keddy: En effet. Il a ajouté:

Pour bien montrer son importance, le programme de péréquation est le seul programme de transferts qui est prévu dans la Loi constitutionnelle. L'objectif de la péréquation, soit d'assurer l'égalité des chances dans tout le pays, est extrêmement important. Nous devrions également reconnaître que la péréquation devrait avoir pour objectif d'offrir aux provinces bénéficiaires et aux gens qui y vivent la possibilité de ne plus dépendre de ces transferts et de pouvoir participer pleinement à l'économie de marché.

 

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C'est le but même du projet de loi. Le régime de péréquation ne devrait en aucun cas empêcher les provinces et les personnes qui y vivent d'accéder à une économie plus prospère. En raison de la façon dont il est conçu, le régime de péréquation actuel peut empêcher les provinces de devenir plus prospères. C'est peut-être l'un des aspects les plus fondamentaux de la péréquation, dont le projet de loi ne tient pas compte mais qu'il faudrait examiner.

Le Parti conservateur trouve inquiétant que le gouvernement, au lieu d'aborder la question et de tenter de mettre en place un régime de péréquation qui permette à toutes les régions du pays de nouer avec la prospérité, persiste depuis cinq ans à réviser les mêmes vieilles politiques.

Si nous voulons créer des opportunités pour les provinces bénéficiaires et éliminer les obstacles sur la voie de la prospérité, il faudra plus que quelques heures de débat à la Chambre des communes ou la déposition de quelques témoins devant le comité des finances de la Chambre.

Nous devons avoir une nouvelle vision de la péréquation et créer un programme qui conduise à la prospérité, au lieu d'y faire obstacle. Notre parti croit qu'un programme de péréquation est nécessaire et qu'il faut continuer de protéger et de promouvoir la péréquation en tant que principe fondamental de la politique sociale canadienne. Nous pouvons, en tant que parlementaires, améliorer la péréquation.

Nos homologues provinciaux ont des inquiétudes dont beaucoup, surtout dans la région de l'Atlantique, concernent les recettes provenant de l'exploitation du gaz naturel. Les chances pour les Néo-Écossais, les Terre-Neuviens et les Canadiens de l'Atlantique en général de se hisser à un certain niveau de prospérité au XXIe siècle dépendent largement des recettes provenant de l'exploitation du gaz naturel et du pétrole marins.

Nous devrions prendre bien soin de ne pas créer, en modifiant le régime de péréquation, un système qui éliminerait ou réduirait sensiblement les retombées des progrès faits par ces provinces. Or, c'est précisément ce que nous faisons maintenant.

Dans le passé, les gouvernements ont commis l'erreur de tenter de mettre les régions du pays à l'abri des risques de l'avenir. En mettant sur pied des programmes sociaux et en faisant des réinvestissements au cours de périodes où le gouvernement n'est pas en mesure de se le permettre, nous risquons de créer un dangereux précédent et de susciter des forces politiques très dangereuses.

Depuis les débuts de la Confédération, la Nouvelle-Écosse n'a jamais été aussi prête qu'aujourd'hui à affronter l'avenir. Depuis son entrée dans la Confédération, Terre-Neuve n'a jamais été aussi prête qu'elle ne l'est actuellement à devenir un partenaire à part entière des autres provinces du Canada.

Le gouvernement fédéral doit faire preuve de la même vision et agir comme il l'a fait de 1957 à 1965, lorsqu'il a autorisé l'Alberta à conserver ses paiements de péréquation et ses recettes. Si nous avions un programme quinquennal semblable dans les provinces atlantiques et que nous les autorisions à conserver leurs recettes pétrolières et gazières et leurs paiements de péréquation, en très peu de temps, elles pourraient contribuer au régime de péréquation, au lieu d'en être bénéficiaires.

Il s'agit là d'un exemple. Il y a d'autres possibilités dans ces régions, comme les champs de gaz de l'Île de Sable, les puits d'extension qui sont forés cette année, le forage en eau profonde qui aura lieu sur la côte est, le potentiel qu'offre le sous-bassin laurentien, le potentiel qui existe au large du Labrador et les autres puits qui sont forés près d'Hibernia. Les Terre-Neuviens, les Néo-Écossais, les Prince-Édouardiens et les Néo-Brunswickois sont prêts à ouvrir les portes de leur avenir.

Le gouvernement doit faire preuve de la vision nécessaire pour ouvrir ces portes davantage. Le premier ministre John Hamm est venu faire campagne à Ottawa. Il y a quelques semaines, il se trouvait en Alberta pour parler de sa campagne pour l'équité.

 

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Ce n'est pas excessivement difficile à comprendre. On dit simplement que la province, disons la Nouvelle-Écosse par exemple, ne réussit à conserver que 19 cents sur chaque dollar de recettes provenant du pétrole et du gaz exploités au large de ses côtes. Les 81 cents qui restent sont acheminés vers les coffres du gouvernement fédéral et vont s'ajouter à ses recettes.

Il y a quelque chose d'incroyablement déplorable dans une telle situation. On ne devrait même pas avoir à discuter du fait que le partage à 81 cents pour le palier fédéral et 19 cents pour la Nouvelle-Écosse n'est pas équitable. Il ne s'agit pas d'un manque d'équilibre, mais d'un déséquilibre total.

Lorsque la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont signé les accords sur la gestion des ressources pétrolières et gazières situées au large des côtes, l'intention était de remettre les recettes venant du sous-sol extracôtier aux provinces qui avaient apporté ces recettes à la Confédération. En 1867, lorsque la Nouvelle-Écosse s'est jointe à la Confédération, elle a apporté avec elle ces recettes provenant du sous-sol marin car elle contrôlait ces ressources. Celles-ci sont donc devenues une contribution directe à l'économie canadienne et, au cours des dix dernières années surtout, ont largement contribué à l'économie canadienne.

Nous devons trouver le moyen de veiller à ce qu'une part de cet argent soit retournée aux provinces, ou même de l'inscrire dans la Constitution car cette mesure législative est protégée par la Constitution, qu'il s'agisse de l'Alberta où les recettes proviennent du sous-sol, de la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, où les recettes proviennent du large, ou de toute autre province du pays. Le système de péréquation doit comporter une certaine souplesse pour se plier aux circonstances diverses et variables du pays et aux diverses périodes de notre histoire. Le système en place à l'heure actuelle ne le fait pas. Il faut un changement positif et ça presse.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député de South Shore a dit que la péréquation ou ce que demandaient la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve n'était pas si compliqué que ça. Quand on demande quelque chose que personne d'autre ne reçoit, ce n'est pas compliqué à comprendre, c'est un traitement de faveur.

Il faudrait nous reporter aux principes de fonctionnement originaux de la péréquation. Selon ces principes, lorsqu'un gouvernement provincial voit ses recettes augmenter d'un dollar, ses paiements de péréquation diminuent d'un dollar, et inversement, lorsque ses recettes diminuent, ses paiements de péréquation augmentent en conséquence. C'est comme cela que le système est supposé fonctionner.

Dans de rares circonstances, le gouvernement fédéral a conclu certains arrangements avec des provinces et s'est permis certains écarts par rapport à cette règle. Cela est arrivé avec le Québec en ce qui a trait à l'amiante, avec la Saskatchewan pour la potasse, et avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, par voie d'accords spéciaux. Ces deux dernières provinces sont autorisées à conserver 30 p. 100 ou plus de toutes les recettes tirées des ressources gazières et pétrolières en mer.

Dans les années 80, les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Canada on discuté de la propriété des ressources en mer. Les deux gouvernements ont convenu que la Nouvelle-Écosse devrait être autorisée à taxer les ressources en mer comme si elles lui appartenaient.

Le député de South Shore parle de l'accord sur les hydrocarbures extracôtiers. En a-t-il vraiment étudié toutes les clauses et se rend-il compte que, depuis que l'accord a pris effet, la Nouvelle-Écosse peut mettre à l'abri de la péréquation quelque 90 p. 100 des recettes tirées de l'exploitation de ses ressources en mer? Cela se fait sur une période de 10 ans ou jusqu'à ce qu'on décide de récupérer une partie de ces sommes. Or, la péréquation n'a jamais eu pour objectif de fournir un avantage permanent. Elle vise plutôt à transférer de l'argent des provinces riches aux provinces moins riches.

Si les recettes tirées des hydrocarbures en Alberta étaient aussi exclues des ententes de péréquation, peut-être que l'Alberta recevrait elle aussi des paiements de péréquation. Comment le député de South Shore réagirait-il à cela?

M. Gerald Keddy: D'abord, monsieur le Président, j'ai lu l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, ce que le député n'a manifestement pas fait. Le député devrait l'examiner soigneusement, car l'accord dit que le gros des recettes de l'exploitation des hydrocarbures extracôtiers devrait aller à la province intéressée, soit la Nouvelle-Écosse ou Terre-Neuve.

 

.1525 +-

L'entente particulière indépendante concernait le projet Hibernia dont Terre-Neuve conservait 25 p. 100 des recettes compte tenu de ce qu'il lui en a coûté pour lancer ce projet. Ce coût a été énorme et la technologie qui a été mise au point pour Hibernia n'avait jamais auparavant été utilisée ailleurs sur la planète.

L'autre question du député est vraiment ridicule. Le principe de la péréquation, c'est que chaque fois qu'une province fait un dollar, le gouvernement fédéral met la main dessus. C'est pourquoi nous sommes en train d'en discuter ici aujourd'hui. C'est ce qui ne fonctionne pas à son égard.

Si l'on consultait les ouvrages d'histoire, on verrait que, de 1957 à 1965, l'Alberta a gardé ses paiements de péréquation. Pourquoi pas? La province a ainsi pu construire son infrastructure, se sortir du trou et monter dans l'échelle des possibilités.

Nous disons que toutes les provinces devraient pouvoir en faire autant. Pas pour toujours. On ne peut pas s'attendre à cela. Les provinces devraient avoir la possibilité de se sortir du trou et de rembourser leur dette au lieu d'être enterrées dedans. Elles devraient amasser les recettes qu'elles méritent amplement.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, pour ce qui est des observations du secrétaire parlementaire du ministre des Finances, je signale que c'est le ministre de l'Industrie de son parti qui, lorsqu'il était premier ministre de Terre-Neuve, a dit que nous devrions songer sérieusement à accorder aux provinces un délai pour ne pas les pénaliser par le cercle vicieux de l'aide sociale en retenant des paiements de péréquation par suite de la croissance des recettes tirées des ressources non renouvelables.

Je voudrais donner suite aux propos du député de South Shore. Il m'a surpris au début de ses observations. Il a dit qu'il était en faveur de la suppression du plafond sur les paiements de péréquation. Ce n'était pas la position adoptée par le porte-parole de son parti pour les finances dans sa déclaration préliminaire sur le projet de loi. La suppression du plafond sur les paiements de péréquation est une question complètement différente de la substance de ses observations liées aux recettes tirées des ressources non renouvelables.

Si le député veut la suppression du plafond sur la péréquation, le gouvernement fédéral demandera que le niveau minimal soit supprimé, qui protège les provinces à l'autre extrême. Il s'aventure en terrain miné. Je l'invite à s'en tenir à l'idée d'accorder une plus grande flexibilité aux provinces relativement aux recettes tirées des ressources plutôt que de changer complètement le système. Il vaudrait mieux abandonner carrément la formule s'il supprime le plafond, car le niveau minimal sera supprimé lui aussi, et les provinces en souffriront.

M. Gerald Keddy: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations très pertinentes. Il doit y avoir un niveau maximal et un niveau minimal. Alors que nous débattons du projet de loi, les quatre premiers ministres de l'Atlantique sont en réunion à Charlottetown. Ils examinent le plafonnement de la péréquation.

Nous nous attendons à ce qu'ils publient un communiqué d'ici 15 heures, heure de l'Atlantique. Je les laisserai donner leur avis, car il est toujours dangereux de parler au nom de quelqu'un d'autre. Toutefois, on s'attend à ce qu'ils demandent la suppression des plafonds, d'une manière ou d'une autre.

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LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-18 qui va au coeur de ce que nous, les néo-démocrates, essayons de faire à la Chambre et de ce qui préoccupe de nombreux Canadiens.

J'ai écouté avec intérêt les observations du secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Je me suis cependant inquiétée quand il a laissé entendre que, de toutes manières, les tentatives de l'opposition pour éliminer le plafond du programme de péréquation visaient à accorder un traitement préférentiel à une province par rapport à une autre. De telles observations font beaucoup de tort à un principe fondamental, un instrument philosophique qui fait vraiment partie de notre histoire et qui a contribué à bâtir le Canada d'aujourd'hui.

J'ignore quel but visait le secrétaire parlementaire quand il a posé sa question à propos des remarques du député conservateur sur l'élimination du plafond, mais ce qui me frappe, c'est que dans ce débat, les libéraux et les alliancistes remettent en question un principe ancré dans la notion d'égalité. C'est sûrement là-dessus que le débat devrait être centré. C'est pourquoi il est si important que le gouvernement prête attention et donne suite à la recommandation selon laquelle il faudrait éliminer le plafond non seulement pour l'exercice 1999-2000, mais pour de bon.

Beaucoup de mes collègues du Parti néo-démocrate ont parlé de manière très éloquente de l'importance du principe de la péréquation pour notre pays. Les députés de la Chambre se sont fait dire que la péréquation est non seulement un principe moral, mais également un principe constitutionnel. Dans le présent débat, nous posons donc la question suivante: si quelque chose est un principe moral, n'est-il pas, en fait, moralement répréhensible de renoncer entièrement à ce concept? N'est-il pas moralement mal de supprimer ou d'affaiblir un programme qui est à la base de la notion d'égalité dans notre pays? Si, comme mes collègues l'ont dit, il s'agit d'un principe constitutionnel, le gouvernement a-t-il tort non seulement de ne pas corriger les erreurs de son comportement passé lorsqu'il a arbitrairement imposé un plafond aux paiements de péréquation, mais aussi de ne pas vouloir maintenant le supprimer à tout jamais?

Notre position dans le présent débat tourne autour de cette question. Nous sommes convaincus que la péréquation est là pour une raison. Elle fait partie de notre histoire depuis longtemps et a pour raison d'être de maintenir un certain degré d'égalité entre toutes les régions de notre pays. Elle a été inscrite dans la Constitution pour une raison. Cela fait des années qu'elle fait partie de notre tradition en tant que nation en ce qui a trait à la création de liens d'un bout à l'autre du pays.

Selon nous, les libéraux ont eu tort pour commencer d'imposer un plafond aux paiements de péréquation et le gouvernement a tort maintenant de ne pas vouloir le supprimer pour toujours. Certes, l'élimination du plafond pour l'exercice en cours est un petit pas dans la bonne direction. C'est un tout petit pas, une amélioration. Elle répond à certaines des préoccupations qui ont été exprimées. Toutefois, c'est aujourd'hui l'occasion rêvée pour le gouvernement de rétablir entièrement le programme de la péréquation, sans limite et sans plafond.

J'ai trouvé très intéressants les propos du député conservateur de South Shore qui a très clairement exprimé son appui pour le déplafonnement permanent des paiements de péréquation. Nous apprécions cet appui et nous apprécions cette position. Toutefois, il est important de faire remarquer que, à bien des égards, si nous nous trouvons aujourd'hui devant ce dilemme qui consiste à essayer de contrer une attaque importante contre la politique sociale de notre pays, c'est à cause des politiques conservatrices de l'époque et des politiques libérales d'aujourd'hui.

 

.1535 +-

Je pense que nous ne devrions pas laisser passer cette occasion sans rappeler le genre de préjudice qui a été causé au tissu social de notre pays par le gouvernement conservateur de Brian Mulroney et le gouvernement libéral actuel qui lui a succédé et qui a non seulement mis en oeuvre mais aussi respecté et accéléré les priorités du régime conservateur Mulroney. Il vaut la peine de souligner que ce dont il est vraiment question actuellement, c'est de dix années ou même plus de compressions imposées aux programmes sociaux par les conservateurs et les libéraux et d'une atteinte tout à fait délibérée à nos politiques sociales; cela a des répercussions très graves de nos jours et nous pousse à nous regrouper pour réparer les erreurs du passé causées par ces gouvernements.

Il serait légitime, du moins pour le Nouveau Parti démocratique qui, depuis plus d'une décennie, travaillent avec acharnement à ces priorités de l'aile droite tant conservatrice que libérale, d'attirer l'attention de la Chambre sur la suite de compressions et le sabrage de programmes depuis un certain temps, et qui ont commencé sous le gouvernement de Brian Mulroney et des conservateurs.

N'oublions pas que ce sont les conservateurs qui ont les premiers imposé un plafond au Régime d'assistance publique du Canada. N'oublions pas que les conservateurs sous Mulroney ont eu recours à trois lois d'affilée pour modifier la législation fiscale de notre pays, fragilisant sérieusement nos secteurs de l'éducation et de la santé. C'est à cause des mesures prises par les conservateurs sous Mulroney que notre pays risque maintenant de voir entièrement tari le financement au chapitre de la santé et de l'éducation.

Les modifications apportées par les conservateurs à la formule du financement des programmes établis ont limité la progression des paiements à un point tel que, vu la combinaison des contributions en espèces et des points d'impôt, aucun montant n'aurait été versé cette année même dans au moins une province pour la santé et l'éducation.

Un tort considérable a été causé à nos politiques sociales et il fallait le réparer. Malheureusement, les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1993 et ils ont en gros continué à sabrer nos politiques sociales et nos importants programmes de santé, d'éducation et d'aide sociale. N'oublions pas que, au cours de la campagne de 1993, les libéraux ont promis de corriger les énormes bévues du gouvernement conservateur et de réduire leurs coupes horribles. Au lieu de cela, ils ont plutôt maintenu le cap, à peu de choses près.

Nous avions espéré que les libéraux, en reprenant le pouvoir, suppriment le plafond du RAPC, réinjectent de l'argent dans la santé et l'éducation pour que les provinces reçoivent des paiements de transfert plus généreux. Elles auraient pu ainsi repousser les menaces qui pesaient sur les services de santé en raison de la demande, des besoins et de l'évolution du système.

Comme mon collègue de Winnipeg-Centre l'a signalé plus tôt, le gouvernement libéral a modifié la politique sociale de la façon la plus rétrograde de toute notre histoire. Il a pratiqué dans le financement et les paiements de transfert au titre de la santé et de l'éducation les coupes les plus sombres que nous ayons jamais connues depuis que l'assurance-maladie existe.

Les conservateurs ont causé beaucoup de torts que les libéraux ont perpétués. Nous essayons aujourd'hui de rattraper le coup. Nous essayons de régler les problèmes causés par le fait que les programmes qui font la fierté du Canada, à savoir les soins de santé, l'éducation postsecondaire et les paiements de péréquation, ont beaucoup souffert, sont aujourd'hui considérablement affaiblis et n'arrivent pas à répondre aux besoins des Canadiens. En fait, ils n'arrivent plus à répondre aux besoins mêmes pour la satisfaction desquels ils ont été créés, à nous assurer que tous les Canadiens indifféremment, où qu'ils vivent et quels que soient leurs revenus, leur culture ou leurs origines ethniques, auront accès à ces programmes aujourd'hui réputés faire partie des droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens de ce pays.

 

.1540 +-

Depuis quelques années, les libéraux n'apportent généralement que des solutions ponctuelles. Ils nous servent de beaux discours sur les moyens de réparer les pots cassés, d'aller de l'avant en fonction des ressources disponibles, et de prendre des décisions rationnelles. Cependant, dans la réalité, leurs solutions sont tellement insuffisantes et si ponctuelles qu'elles n'ont pas été en mesure de stopper l'hémorragie et de nous permettre de bâtir pour l'avenir.

Je songe par exemple aux discours ronflants que le gouvernement nous a servis au sujet des transferts de paiements dont le gouvernement prétend avoir rétabli les niveaux. Dans le budget de février 1999, le gouvernement a annoncé à cor et à cris qu'il réinjectait des millions de dollars. Il s'est avéré en réalité qu'il a accordé pour les soins de santé 2 cents de chaque dollar de réduction d'impôt. L'automne dernier, lorsque nous avons tenté de convaincre le gouvernement de prendre ses responsabilités au sérieux, ce dernier a décidé d'injecter dans le système une somme d'argent prétendument substantielle en vertu de l'entente fédérale-provinciale conclue en septembre. Ces fonds se sont avérés suffisants pour nous permettre de revenir aux niveaux de 1994.

S'il est vrai que les soins de santé sont au coeur des préoccupations de notre pays et que tous les programmes sociaux constituent un élément fondamental qui nous définit en tant que Canadiens, nous nous attendons à un autre genre de stratégie et de leadership de la part du gouvernement. Le secrétaire parlementaire va à l'encontre de la définition de la péréquation quand il parle de traitement préférentiel. La définition exacte de la péréquation, comme l'a énoncée mon collègue de Winnipeg—Transcona, est peut-être d'assurer des services publics comparables dans l'ensemble du pays. Peu importe la situation financière des provinces et la richesse qu'elles sont capables d'amasser grâce à leurs ressources naturelles ou d'autres avantages économiques, aucune d'elle ne devrait être plus avantagée simplement en raison de ces éléments.

Il serait juste de définir la péréquation comme un concept qui a été mis en place pour permettre aux provinces ayant des moyens financiers restreints de financer la santé, l'éducation et d'autres programmes provinciaux à des taux d'imposition comparables à ceux des provinces mieux nanties. C'est ce que les gouvernements provinciaux entendent par péréquation, notamment le gouvernement de ma province.

En fait, je viens de citer une lette du ministre des Finances du Manitoba. Le secrétaire parlementaire est fort probablement au fait d'une lettre très détaillée du gouvernement de cette province. Je suis persuadée qu'il a reçu des instances similaires de la part d'autres ministres provinciaux des finances, qui sont tous inquiets de ce que le gouvernement n'ait pas tenu compte des préoccupations que les provinces ont soulevées et de ce qu'il n'ait pas su donner suite à l'engagement que le premier ministre a pris en septembre 2000. En fait, les ministres des finances des dix provinces et des deux territoires mettent beaucoup d'espoir dans les propos du premier ministre et dans la formulation convenue dans le communiqué sur l'accord de septembre.

Je voudrais citer une phrase de ce communiqué qui montre à quel point les particuliers et les provinces se sentent trahis par le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, le C-18, et du fait que le gouvernement n'a pas su rétablir en permanence le programme de péréquation et en supprimer pour de bon le plafond. Voici:

Les premiers ministres ont soulevé la question de péréquation. Le ministre des Finances du Canada examinera la question plus à fond à la suite de consultations avec les ministres provinciaux des Finances. Quoique les dernières révisions aux fins de péréquation pour l'année financière 1999-2000 ne seront pas connues avant octobre 2002, le Premier ministre a convenu de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun plafond ne soit appliqué à l'année financière 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, la péréquation augmentant au rythme de croissance du PIB.

 

.1545 +-

À partir de ce communiqué, les provinces ont cru qu'on allait supprimer le plafond des paiements de péréquation pour l'année prévue dans le projet de loi, soit 1999-2000, mais elles s'attendaient à ce que le premier ministre réponde à leurs préoccupations en abolissant pour un autre exercice au moins ce plafond. Elles s'attendaient aussi à ce que le premier ministre et le gouvernement donnent suite à leurs demandes relativement à un facteur de croissance dans la formule pour qu'il soit possible aux provinces moins riches de suivre l'évolution des besoins et des demandes auxquels étaient soumis leurs systèmes.

Comme exemple, je vais vous souligner le type de répercussions que cela pourrait avoir pour une province comme le Manitoba. Le Manitoba est une province merveilleuse qui a un grand potentiel, mais ce n'est pas l'une des provinces les plus riches. Elle dépend beaucoup de l'équité du gouvernement fédéral et d'un gouvernement bien décidé à s'assurer que les transferts d'argent répondent aux besoins croissants en matière de santé et d'éducation. C'est une province qui dépend beaucoup du fait que le gouvernement fédéral attache beaucoup d'importance à la notion de péréquation.

Le Manitoba a signalé dans une lettre au gouvernement que le coût possible pour le Manitoba pour l'an 2000-2001, à la suite de l'incapacité du gouvernement d'abolir ce plafond pour cette année là, est d'environ 100 millions de dollars. L'application du plafond aux droits à la péréquation pour 2000-2001 pourrait faire en sorte que les paiements soient moindres qu'en 1999-2000, malgré un accroissement marqué des droits à péréquation aux termes de la formule.

Le ministre des Finances du Manitoba, M. Greg Selinger, présente ensuite des arguments très importants au gouvernement fédéral pour qu'il abolisse le plafond des paiements de péréquation pour au moins un autre exercice et qu'il envisage sérieusement de rétablir pleinement le programme comme il était prévu au départ.

Le message le plus important que nous pouvons transmettre à la Chambre aujourd'hui, dans l'espoir d'ébranler le gouvernement et de le persuader de modifier la loi pendant qu'il en a la chance, c'est d'insister à nouveau sur ce que signifie être Canadien, de dire que cela fait partie de notre identité et que c'est tout à fait essentiel à l'unité nationale. Je ne pense pas devoir répéter cela. Tant de députés l'ont dit avec éloquence. C'est notre notion d'égalité entre les régions et les Canadiens.

Ce que nous apportons au débat, c'est la notion basée sur un vieux cliché voulant que chacun fournisse selon ses capacités et reçoive selon ses besoins. C'est le fondement du débat. Nous étudions des façons un moyen de veiller au partage équitable de la richesse des régions, de façon à ce que tout le monde au Canada ait accès à des services publics décents, aux soins de santé, à l'éducation, au logement, à l'eau potable et à de l'air pur. Ce sont là des nécessités de base. C'est le rôle du gouvernement fédéral d'y veiller. C'est pourquoi nous avons le système de péréquation.

J'implore le secrétaire parlementaire qui, je sais, a suivi attentivement ce débat, de trouver un moyen de modifier le projet de loi ou d'accepter notre amendement avant de le faire adopter à toute vitesse. Le gouvernement a la flexibilité financière de le faire.

Ce ne sont que discours après discours. Il est temps à présent que le gouvernement montre ce qu'il a derrière la tête, qu'il joigne l'action à la parole, qu'il élimine le plafond du programme de péréquation non seulement pour cet exercice, ainsi que prévu dans le projet de loi, mais aussi pour le prochain exercice et en fait de façon permanente.

Comme plusieurs députés l'ont fait remarquer au cours du débat, il s'agit d'un principe moral, n'est-ce pas? Dans ce cas, comment pouvons-nous aller contre un concept tournant autour de l'égalité et de la façon d'adhérer à un principe moral comme celui-ci?

S'il s'agit d'un principe constitutionnel, comment pouvons-nous justifier l'imposition d'un plafond à un tel principe? Comment pouvons-nous justifier l'imposition d'un plafond à la moralité? À l'égalité?

Je demande au gouvernement de modifier le projet de loi et d'agir dans l'intérêt des Canadiens.

 

.1550 +-

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, j'ai apprécié le discours de la députée de Winnipeg-Centre-Nord. Je la remercie d'avoir soulevé plusieurs thèmes fort importants et pertinents qui ont une incidence sur notre province commune, le Manitoba.

Je la remercie aussi d'avoir rappelé à la Chambre des communes les nombreuses carences du gouvernement conservateur Mulroney. Il m'arrive parfois de penser qu'un grand nombre des tendances négatives ayant présentement cours et contre lesquelles nous menons une lutte active ont trouvé leur origine dans la philosophie des conservateurs de Mulroney.

Ce qui est difficile à imaginer aujourd'hui, c'est que même si les années Mulroney ont été marquées par des mesures cruelles et mesquines, beaucoup d'entre nous gardent un bon souvenir de cette période, parce que si l'on compare cette époque à celle que nous vivons sous le gouvernement libéral d'aujourd'hui, on a l'impression qu'elle était plus compatissante. En effet, les libéraux ont poussé ces tendances plus loin que Mulroney n'avait jamais osé le faire. Même s'il nous a avertis que nous ne reconnaîtrions pas le pays lorsqu'il en aurait terminé avec celui-ci, après sept années de gouvernement libéral, nous commençons à nous rendre compte que nous ne reconnaissons pas le pays que nous sommes fiers de construire.

J'aimerais que la députée apporte d'autres précisions concernant la formule de péréquation au cours de la prochaine année. Nous comprenons tous que le retrait du plafond pour l'exercice 1999-2000 se fonde sur les demandes des divers premiers ministres et des ministres des finances, qui se sont rencontrés au fil des ans. Toutefois, le rétablissement du plafond l'année suivante, si j'ai bien compris les propos de la députée, pourrait s'effectuer à un taux inférieur à ce qu'il était auparavant, de sorte qu'après un congé de plafonnement d'un an, il se peut que nous nous retrouvions avec un plafond plus bas qu'à l'origine. Autrement dit, nous allons à l'inverse d'une plus grande péréquation. C'est le premier aspect au sujet duquel j'aimerais qu'elle fasse des observations.

Deuxièmement, la députée pourrait-elle parler des dispositions de récupération? N'est-il pas vrai que si nous autorisions certaines des provinces mal nanties à conserver les recettes accrues au lieu de perdre chaque dollar, elles pourraient se sortir du piège dans lequel elles se trouvent, où elles doivent compter uniquement sur la péréquation?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'accueille les commentaires du député qui représente la circonscription voisine de la mienne à Winnipeg. Nous avons beaucoup de préoccupations en commun. Dans nos deux circonscriptions où le taux de pauvreté est très élevé, les gens ont atrocement ressenti, au plan humain, les effets dévastateurs qu'ont eus les coupes sombres effectuées durant une décennie tant par les libéraux que par les conservateurs.

Il importe de se rappeler non seulement ce que les libéraux ont fait au cours des sept dernières années mais aussi ce que les conservateurs ont fait avant eux. Daniel Drache et Meric Gertler ont probablement le mieux fait état de la situation dans un article où ils décrivent et résument les politiques conservatrices, qui n'ont eu d'égal que les politiques libérales. Ils s'expriment ainsi:

Aucun domaine de la politique de l'État n'a été épargné. Sur un large front qui comprend non seulement le commerce, mais aussi le développement régional, les politiques fiscales et budgétaires, la sécurité de la vieillesse, les allocations familiales, la politique du marché du travail, les programmes sociaux et la négociation collective, le gouvernement a cherché de façon constante et systématique à transformer le visage institutionnel et législatif du Canada. Sa stratégie consiste à édulcorer les programmes canadiens de redistribution pour les ramener au plus bas dénominateur commun et à réduire les coûts de main-d'oeuvre directs et indirects pour l'entreprise.

Voilà qui résume bien le programme conservateur de Mulroney et le programme libéral actuel. Ce gouvernement a porté, à répétition, atteinte à notre moral. Je crois que le saccage de nos programmes sociaux doit cesser.

Les répercussions du maintien du plafond au cours du prochain exercice financier pour une province comme le Manitoba constituent un problème sérieux. J'ai souligné ce qui risquait de se produire si l'on n'arrivait pas à lever le plafond fixé, en me basant sur une lettre écrite par le ministre des Finances du Manitoba. Le ministre a indiqué très clairement qu'en agissant de la sorte, le gouvernement met le Manitoba dans une situation encore pire que s'il n'avait rien fait du tout.

Le ministre des Finances du Manitoba dit dans sa lettre:

J'aimerais vous faire remarquer, en toute déférence, que la levée de ce plafond, tout particulièrement pour l'exercice 2000-2001, ne semble pas constituer un problème d'ordre financier pour votre gouvernement.

Votre ministère a émis récemment un communiqué de presse dans lequel on précisait que le gouvernement fédéral enregistrerait un excédent d'au moins 10 milliards de dollars en 2000-2001. Les révisions de recettes donnant lieu à la levée du plafond signifieraient presque automatiquement que les recettes fédérales sont substantiellement plus élevées que vos projections actuelles ne le laissent croire.

 

.1555 +-

Les gouvernements provinciaux ont démontré la nécessité d'assurer leur viabilité financière en levant le plafond sur la péréquation. Les provinces comme le Manitoba ont clairement démontré les graves conséquences qui pourraient se produire si le gouvernement ne fait rien. Le seul fait que le Manitoba, comme d'autres provinces pauvres, aurait beaucoup de mal à satisfaire ses propres besoins si on ne lève pas le plafond établi dans le domaine de la péréquation devrait suffire pour convaincre le gouvernement d'agir. C'est la seule solution logique.

Si le secrétaire parlementaire n'a pas lu attentivement le document transmis par la province du Manitoba, j'espère qu'il prendra le temps de le faire et qu'il nous fera part de ses commentaires à ce sujet.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les propos de la députée de Winnipeg-Centre-Nord. En ce qui concerne les transferts fédéraux au Manitoba, l'élimination, pendant un an, du plafond des paiements de péréquation a été acceptée lors de la conférence des premiers ministre. En raison des pressions exercées sur le régime de péréquation, le premier ministre a consenti à éliminer le plafond pour l'année 2000. Par la suite, le plafond sera fondé sur la croissance annuelle du PIB. Il sera rétabli au niveau de l'année précédente et nous ne saurons pas quels seront les montants des paiements de péréquation tant que nous n'aurons pas reçu tous les chiffres d'ici un an ou deux.

Avec l'élimination du plafond sur les paiements de péréquation, le Manitoba recevra 76 millions de dollars de plus, soit la deuxième augmentation la plus élevée des paiements de péréquation versés au Manitoba. En fait, la province recevra un total de quelque 2,3 milliards de dollars en transferts fédéraux pour 2000-2001. Cela représenterait environ 35 p. 100 des recettes estimatives du Manitoba. Les Canadiens font un assez bon travail pour répondre aux besoins du Manitoba.

La députée a tout à fait raison lorsqu'elle dit que le régime de péréquation est censé assurer l'égalité des services et des programmes dans tout le Canada, peu importe le lieu de résidence. Ce n'est pas une science exacte, mais c'est le but recherché. Lorsque des provinces tirent des recettes de leurs ressources extracôtières, nous voulons leur permettre de profiter d'une partie de ces recettes, mais, au fil des années, il faudra tenir compte de ces recettes dans le calcul des paiements de péréquation.

Je me demande si la députée est au courant des conséquences de l'élimination du plafond pour le Manitoba. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour la province.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, nous constatons encore une fois que les membres du gouvernement libéral ne réussissent pas à reconnaître le genre de dommage que leurs politiques causent depuis sept ans à des provinces comme le Manitoba.

Il est vrai que l'élimination du plafond pour une année a permis de réinjecter des fonds sous forme de paiements de transfert et de péréquation, mais le montant d'argent qui est allé à une province comme le Manitoba et aux autres provinces moins riches est encore très insuffisant et compense difficilement pour l'argent dont le système a été privé. Les fonds manquent toujours énormément et nous n'avons pas les ressources nécessaires pour répondre aux besoins croissants et pour faire face aux changements dans les domaines de la santé et de l'éducation qui exigent une approche beaucoup plus équilibrée et un investissement beaucoup plus grand de la part du gouvernement fédéral.

Il est vrai que les hauts fonctionnaires des finances de toutes les provinces ont pensé que l'élimination du plafond pour une année fournirait amplement de marge de manoeuvre pour fournir des droits de péréquation au cours de la période actuelle de renouvellement. Cependant, d'autres travaux et des prévisions récentes ont révélé que ces projections étaient incorrectes. Les prévisions actuelles concernant les droits de péréquation pour l'exercice financier 1999-2000, la première année d'application du nouvel arrangement, excèdent le plafond de près de 800 millions de dollars.

 

.1600 +-

Le gouvernement du Manitoba poursuit en décrivant les conséquences pour le Manitoba. Si j'avais plus de temps, j'aimerais faire consigner au compte rendu tous les détails de la lettre. Je me contenterai de dire que les nouvelles prévisions révèlent que les changements ne répondront pas aux besoins et qu'il est vraiment nécessaire pour les provinces de prolonger le plafond applicable aux paiements de péréquation.

[Français]

Le président suppléant (M. Bélair): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Bélair): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Bélair): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Bélair): Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:  

Le président suppléant (M. Bélair): Le vote par appel nominal est reporté à 18 h 30 ce soir.

 

*  *  *

 .1905 +-

[Traduction]

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le Président: La Chambre procède maintenant au vote par appel nominal différé à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-18.

Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime à ce que les députés ayant voté sur la motion précédente soient inscrits comme ayant voté sur la motion dont la Chambre est maintenant saisie, les députés libéraux votant oui.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour procéder de cette façon?

Des voix: D'accord.

M. John Reynolds: Monsieur le Président, les députés de l'Alliance canadienne qui sont présents votent contre.

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois voteront oui à cette motion.

[Traduction]

M. Yvon Godin: Monsieur le Président, les députés du Nouveau Parti démocratique votent contre.

M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, les députés du Parti progressiste conservateur voteront pour.

(La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)

Vote no 66

POUR

Députés

 

 

Adams

Alcock

Assad

Assadourian

Augustine

Bagnell

Bakopanos

Barnes

Beaumier

Bélair

Bélanger

Bellehumeur

Bellemare

Bennett

Bertrand

Bevilacqua

Bigras

Binet

Blondin - Andrew

Bonin

Bonwick

Borotsik

Boudria

Bradshaw

Brien

Brison

Brown

Bryden

Bulte

Byrne

Calder

Cannis

Caplan

Cardin

Carignan

Carroll

Casey

Castonguay

Catterall

Cauchon

Charbonneau

Clark

Coderre

Comuzzi

Copps

Cotler

Cullen

Cuzner

DeVillers

Dhaliwal

Doyle

Dromisky

Drouin

Duceppe

Duhamel

Duplain

Easter

Eyking

Farrah

Folco

Fontana

Fournier

Fry

Gagliano

Gagnon (Québec)

Gallaway

Gauthier

Godfrey

Goodale

Graham

Gray (Windsor West)

Grose

Guarnieri

Guimond

Harb

Harvard

Harvey

Hearn

Herron

Hubbard

Ianno

Jackson

Jennings

Jordan

Karetak - Lindell

Karygiannis

Keddy (South Shore)

Kilgour (Edmonton Southeast)

Knutson

Laframboise

Laliberte

Lanctôt

Lastewka

Lebel

LeBlanc

Lee

Leung

Lincoln

Longfield

MacAulay

MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough)

Macklin

Mahoney

Malhi

Maloney

Marceau

Marleau

Martin (LaSalle – Émard)

Matthews

McCallum

McCormick

McGuire

McKay (Scarborough East)

McLellan

McTeague

Ménard

Mills (Toronto – Danforth)

Minna

Mitchell

Murphy

Myers

Nault

Neville

Normand

O'Brien (London – Fanshawe)

O'Reilly

Owen

Pagtakhan

Paradis

Patry

Peric

Pettigrew

Picard (Drummond)

Pickard (Chatham – Kent Essex)

Pillitteri

Pratt

Price

Proulx

Provenzano

Redman

Reed (Halton)

Regan

Richardson

Robillard

Rocheleau

Saada

Sauvageau

Savoy

Scherrer

Scott

Serré

Sgro

Shepherd

Speller

St. Denis

St - Jacques

St - Julien

Steckle

Stewart

Szabo

Telegdi

Thibault (West Nova)

Thibeault (Saint - Lambert)

Thompson (New Brunswick Southwest)

Tirabassi

Tonks

Valeri

Vanclief

Venne

Whelan

Wilfert  – 171

 


CONTRE

Députés

 

 

Abbott

Ablonczy

Anders

Anderson (Cypress Hills – Grasslands)

Blaikie

Burton

Cadman

Casson

Chatters

Comartin

Davies

Day

Duncan

Elley

Epp

Fitzpatrick

Forseth

Gallant

Godin

Goldring

Gouk

Grewal

Grey (Edmonton North)

Hanger

Hill (Macleod)

Hilstrom

Hinton

Jaffer

Johnston

Kenney (Calgary Southeast)

Lill

Lunn (Saanich – Gulf Islands)

Lunney (Nanaimo – Alberni)

Mark

Martin (Esquimalt – Juan de Fuca)

Martin (Winnipeg Centre)

Mayfield

McDonough

Meredith

Merrifield

Mills (Red Deer)

Moore

Nystrom

Obhrai

Pallister

Penson

Peschisolido

Proctor

Rajotte

Reid (Lanark – Carleton)

Reynolds

Ritz

Schmidt

Skelton

Solberg

Sorenson

Spencer

Stinson

Stoffer

Strahl

Thompson (Wild Rose)

Toews

Wasylycia - Leis

White (Langley – Abbotsford)

Williams

Yelich  – 66

 

 


«PAIRÉS»

Députés

 

 

Allard

Anderson (Victoria)

Asselin

Bachand (Saint - Jean)

Bergeron

Bourgeois

Caccia

Chamberlain

Collenette

Crête

Dalphond - Guiral

Desrochers

Dion

Discepola

Dubé

Eggleton

Finlay

Gagnon (Champlain)

Girard - Bujold

Guay

Keyes

Lalonde

Lavigne

Loubier

Marcil

O'Brien (Labrador)

Paquette

Parrish

Perron

Phinney

Plamondon

Rock

Roy

St - Hilaire

Torsney

Tremblay (Lac - Saint - Jean – Saguenay)

Volpe

Wappel

 

 


 

Le Président: Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des finances

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)