EAA Edmund
A. Aunger
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Edmund
A. Aunger
Notes préparées pour un
témoignage devant
dans la cause Fédération franco-ténoise
c. Procureur général du Canada
Yellowknife (Territoires du
Nord-Ouest), le 23 septembre 2005
J’ai
accepté de témoigner comme expert dans cette action à la demande de A. Les régimes linguistiques 3.
La classification des régimes linguistiques peut se faire selon une
perspective juridique ou de jure,
en évaluant le statut légal de la langue; elle peut se faire également selon
une perspective sociologique ou de
facto, en évaluant l’utilisation effective de la langue. Nous privilégions la classification
sociolinguistique qui, de par sa nature, est à la fois plus complète et plus
réaliste. Elle est plus complète parce
que les dispositions formelles comportent inévitablement des lacunes
importantes. ( 4. L’État peut
adopter toute une gamme de politiques à l’égard d’une langue
minoritaire, variant de la promotion jusqu’à la répression. L’État fait la promotion d’une
langue quand il l’utilise pour les affaires publiques et quand il
encourage son usage dans le secteur privé.
L’État fait la répression d’une langue quand il
l’exclut des affaires publiques et quand il interdit son usage dans le
secteur privé. Entre ces deux pôles,
on peut imaginer une mi-pointe, la tolérance de la langue, où l’État ne
fait ni la promotion ni la répression.
Toutefois, dans la mesure que tout État utilise une langue quelconque,
et par ce fait intervient dans le milieu linguistique, l’État qui se
veut tolérant doit appuyer la langue minoritaire. 5. Les régimes linguistiques qui
pratiquent la promotion sont généralement connus comme pluralistes et ceux
qui pratiquent la répression comme assimilationnistes. Le régime pluraliste appuie la diversité
linguistique de sa population et donc la possibilité de ses citoyens à vivre
dans leur langue. (On considère que le
Canada constitue un régime pluraliste en raison de sa Loi sur les langues officielles qui reconnaît le statut officiel
d’une langue minoritaire, le français, et qui vise l’égalité de
statut et d’usage de cette langue au sein de la société canadienne, de
même que le développement et l’épanouissement des minorités
francophones au Canada.) Le régime
assimilationniste, par contre, cherche l’unité linguistique de sa
population et donc l’adoption d’une seule langue par ses
citoyens. (On propose que 6. Nous aborderons surtout les régimes
de type pluraliste qui font, par définition, la promotion de la langue
minoritaire. Nous classifions ces
régimes pluralistes selon leur politique de langues officielles ou, plus spécifiquement,
selon leur utilisation de la langue minoritaire pour les affaires
publiques. Ainsi, un régime est
« effectif » quand l’État fait une utilisation réelle de la
langue minoritaire et « ineffectif » dans le cas contraire. ( B. Les domaines d’utilisation
d’une langue 7. Pour réaliser la classification
d’un régime bilingue, on doit toujours examiner les organes du
gouvernement et le traitement que chacun – le conseil exécutif,
l’assemblée législative, la fonction publique, et les cours de justice
– accorde à la langue minoritaire.
Pour cette raison, nous proposons un survol de ces différents domaines
publics et de leur utilisation de la langue.
La classification d’un régime comme pluraliste ou
assimilationniste suppose une analyse encore plus vaste, tenant compte de
l’intervention de l’État dans autres domaines, notamment dans les
médias écrits et électroniques, le monde de travail et de commerce, la
récréation et les loisirs, les associations et les groupes
d’intérêt. Une telle analyse
dépasse les objectifs de cette déclaration. 8. L’organe exécutif dans un pays parlementaire
de type classique est normalement
composé d’un chef d’État (le chef symbolique) et d’un chef
de gouvernement (le chef effectif), et ce dernier dirige le conseil des
ministres. Il se caractérise par un
bilinguisme effectif et équilibré quand il utilise la langue minoritaire pareillement
dans ses discours, ses décrets et ses documents. (En Belgique, par exemple, le roi et le
premier ministre s’expriment d’habitude en français et en
néerlandais, le conseil des ministres se constitue toujours de francophones
et de néerlandophones en nombre égal, et le gouvernement publie ses arrêtés
et ses avis dans les deux langues officielles.) Par contre, un exécutif se caractérise par
un bilinguisme ineffectif quand il n’utilise que la langue majoritaire. 9. L’organe législatif est composé
d’habitude d’une assemblée, parfois bicamérale, soit élue soit
nommée. Il se caractérise par un
bilinguisme effectif et équilibré quand il utilise la langue minoritaire
pareillement dans ses débats, ses lois et ses documents. (En Belgique, par exemple, 45 p. cent des
interventions dans
C. L’impact du régime linguistique sur
la vitalité minoritaire 12. Un régime linguistique qui est effectif
et équilibré dans son utilisation de la langue minoritaire rehausse le statut
de cette langue et, par conséquent, la vitalité linguistique de la communauté
minoritaire. Le statut constitue un
élément clé dans la force d’attraction d’une langue pour ses locuteurs
et donc dans sa possibilité de survie sur un territoire donné. Un régime qui est ineffectif ou très
déséquilibré abaisse le statut de la langue minoritaire et donc la vitalité
de la communauté de locuteurs. En
somme, quand le statut d’une langue est bas, la pression assimilatrice
est élevée, toutes choses étant égales par ailleurs. 13. Un régime linguistique qui est effectif
et équilibré dans son utilisation de la langue minoritaire augmente la
complétude institutionnelle de la minorité et, donc, sa vitalité
linguistique. Dans une société
moderne, les institutions employant la langue minoritaire constituent un
élément vital dans la survie de la communauté linguistique et dans la
rétention de sa langue. De telles
institutions peuvent être sociales, économiques, culturelles, mais également
politiques. Un régime qui est
ineffectif ou très déséquilibré réduit la complétude institutionnelle et donc
la vitalité de la communauté de locuteurs.
En somme, quand la complétude institutionnelle est basse, la pression
assimilatrice est élevée, toutes choses étant égales par ailleurs. |