EAA Edmund A. Aunger
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LES SECRETS DE L’ENSEIGNEMENT

Edmund A. Aunger

Extraits d’un discours prononcé lors de la remise
du Prix pour l’excellence dans l’enseignement
à la Faculté Saint-Jean de la University of Alberta
le 12 février 1996


J'aimerais bien partager avec vous tous les secrets de l'enseignement, et surtout du bon enseignement. Toutefois, je dois avouer que ces secrets restent toujours pour moi un gros mystère.

J'enseigne à la Faculté Saint-Jean depuis quelques années maintenant. Pourtant, j'ai souvent le sentiment que j'en suis toujours à mes débuts. Je suis un apprenti, un stagiaire, un étudiant, un professeur en devenir.

Je continue à chercher; je continue à apprendre. Mais, et il faut le dire, j'apprends beaucoup de vous.

Au temps de ma jeunesse, je n'avais aucune idée de ce que j'allais devenir. Surtout, je n'ai jamais envisagé la possibilité de devenir un jour enseignant. Franchement, c'était la dernière chose que je voulais faire.

Mes ambitions étaient beaucoup plus modestes. À l'âge de 13 ans, j'avais décidé que je serais le premier ministre du Canada. Comme cela je pourrais régler tous les problèmes sociaux du pays, pour ne pas dire du monde.

Toutefois, au cours des années, j'ai changé d'idée. J'ai appris que j'aimais faire de la recherche : lire, découvrir, écrire. Je voulais chercher et créer. Je voulais construire des oeuvres qui expliqueraient les problèmes sociaux et leurs solutions politiques.

L'institution par excellence qui permet la réflexion, la recherche, la découverte, la création, c'est l'université. Donc la très belle devise de l'Université de l'Alberta: « Quaecomque Vera: Whatsoever things are true. »

Et la citation au complet : « Toutes les choses qui sont vraies, toutes les choses qui sont vénérables, toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables, toutes les choses qui sont de bonne renommée – s’il y a quelque vertu et quelque louange, – que ces choses occupent vos pensées. »

Pendant quelques années, au début de cette carrière qui est devenue l'enseignement, je pensais que la clé de la réussite était surtout une bonne préparation, ou plus spécifiquement : la maîtrise de sa matière, la préparation de ses cours, et la transmission de son savoir.

Comme les scouts, j'ai appris qu'il fallait se préparer : soyez prêts! Au moment où j'ai obtenu mon premier emploi, enseigner semblait vouloir dire cours magistral : il fallait préparer un bon discours. Le professeur passait des heures à rédiger son texte. Une fois dans la salle de classe il n'avait qu'à le lire. Il n'y a aucun doute que le travail de préparation est important; mais, cela n'est que le début.

J'apprends, et je réapprends, chaque année, que l'enseignement n'est pas une simple question de transmission d'informations. L'enseignement, c'est une relation humaine, c'est un échange social. Et, même si je ne le comprends pas pleinement, je sais que dans l'enseignement, comme dans la vie, l'amour y est un élément fondamental : l'amour de soi-même, l'amour de son travail, et l'amour d'autrui.

Je le sais, mais cela ne veut pas dire que j'arrive à l'appliquer.

Premièrement, l'amour de soi-même. Ici, je ne parle pas d'égotisme ni de narcissisme. Non, je veux dire plutôt qu'il faut apprendre à s'accepter et se respecter. Il faut être fidèle à soi-même, à ses idées, à ses rêves. Il faut être honnête. Il faut trouver le courage d'être soi-même, d'être qui on est, et de partager ses vérités et ses passions.

Deuxièmement, l'amour de son travail. C'est certain qu'on ne fait pas toujours ce qu'on aime; et qu'on n'aime pas toujours ce qu'on fait. Néanmoins, il faut faire son travail avec amour. Et surtout ce beau travail qui est la recherche du savoir.

Comme le disait si bien le poète libanais Kahil Gibran, le travail est l'amour rendu visible. « And all knowledge is vain save when there is work, And all work is empty save when there is love Et plus loin : « For if you bake bread with indifference, you bake a bitter bread that feeds but half man's hunger.»

Troisièmement, l'amour d'autrui. Il faut aimer l'apprenant. En éducation, c'est l'apprenant qui est la cible, et non pas l'enseignant. Dans le voyage d'apprentissage, souvent difficile et pénible, l'apprenant a besoin d'appui et d'encouragement. C'est son voyage : on ne peut pas le faire sans lui, ni sans son labeur.

Dans tout cela, je me rends compte que je suis autant l'apprenant que l'enseignant. Qui enseigne qui? C'est un partenariat. L'apprentissage est partagé. L'enrichissement est mutuel.

J'aimerais donc prononcer mon propre témoignage de reconnaissance. C'est pour vous, mes étudiantes et étudiants.

Vous avez posé vos questions et vos problèmes : je vous remercie de m'avoir fait réfléchir.

Vous avez communiqué votre enthousiasme et votre curiosité : je vous remercie de m'avoir inspiré.

Vous avez exprimé votre support et votre amitié : je vous remercie de m'avoir appuyé.

Vous avez partagé vos connaissances et vos expériences : je vous remercie de m'avoir enseigné.