Discontinuités sociolinguistiques inter-/intra-communautaires en Ontario français

Raymond Mougeon & Terry Nadasdi

Dans cette étude, nous faisons un survol des principaux résultats des recherches sociolinguistiques variationistes sur le franéais parlé des adolescents franco-ontariens à la lumière de deux conceptions de la variation linguistique et de la communauté linguistique. La première, qui a été développée initialement par Labov (1972), part du principe qu'au sein d'une communauté linguistique, tous les locuteur(e)s partagent les mêmes règles variatinonelles et les mêmes contraintes linguistiques, scoiales et stylistiques qui pèsent sur l'application de ces règles. On peut noter que cette conception repose sur les résultats d'études de la variation des langues parlées en milieu majoritaire ou unilingue. La deuxième, qui est défendue entre autres par Romaine (1982, 1988) et Milroy (1982 et 1992), admet au contraire qu'une communauté linguistique puisse inclure des groupes de locuteur(e)s qui se distinguent du reste de la communauté par le type de règles variationnelles qu'ils/elles observent et par les contraintes qui affectent l'application de ces règles. Les résultats qui appuient cette deuxième conception proviennent d'études de la variation des langues parlées en milieu unilingue mais aussi des études de la variation des langues en contact (comme par exemple les langues dites minoritaires).

Comme on pourra le voir, les résutlats de la recherche sur la variation du français des adolescents franco-ontariens vont clairement dans le sens de la deuxième conception. En effet, ils illustrent le fait que d'une communauté franco-ontarienne à l'autre, ou d'un groupe de locuteur(e)s à l'autre, au sein de la même communauté, on peut observer des discontinuités dans les usages variationnels sur différents points de la structure du français. A la fin de notre étude, nous concluons que nos résultats constituent des arguments supplémentaires pour ceux qui estiment que le modèle labovien de la variation linguistique est trop restrictif et qu'il est temps de tenter d'élaborer une nouvelle théorie élargie de la variation linguistique et de la communauté linguistique.