La nécessaire efficacité pédagogique

Les Conversations de la recherche et de la création, initiées par le Bureau de la recherche du Campus Saint-Jean, se sont poursuivies, le 27 novembre 2015 alors que le professeur adjoint en psychologie de l'éducation, Jérôme St-Amand, a abordé la question de la nécessaire efficacité pédagogique.

Étienne Alary - 9 décembre 2015

« Voici un domaine de recherche qui est très important pour les enseignants et les dirigeants des milieux éducatifs », lance d'emblée M. St-Amand à la trentaine de personnes réunies pour l'occasion.

Selon ce dernier, le domaine de recherche sur l'efficacité pédagogique (Educational Effectiveness Research; EER) a été développé en réaction aux travaux de recherche de Coleman et coll. (1966) et de Jencks et coll. (1972) visant à examiner l'égalité des chances en éducation aux États-Unis, soit à une époque où la ségrégation raciale était monnaie courante.

Ne cherchant pas à diminuer l'importance accordée à une éducation de qualité, ces chercheurs ont néanmoins suggéré que l'école contribuait modestement aux apprentissages des élèves. Dans ce contexte, la réussite scolaire était en quelque sorte programmée d'avance par le biais de variables comme le statut socio-économique, l'ethnicité ou encore le contexte familial, pour ne nommer que celles-ci, ce qui laissait par le fait même à l'école un rôle très secondaire.

Historique du domaine de recherche

Le professeur St-Amand a expliqué par la suite que le domaine du EER se décline sur le plan historique en quatre phases distinctes qui affichent des caractéristiques bien précises. La première phase visait essentiellement à démontrer la variabilité de l'efficacité des écoles et des enseignants; en d'autres mots, « les chercheurs de l'époque souhaitaient illustrer la présence d'écoles et d'enseignants plus habiles que la moyenne pour susciter les apprentissages chez les élèves ». Cette première phase était directement en réaction aux rapports précités.

À la fin des années 1970, la deuxième phase du EER a quant à elle permis d'identifier les premiers facteurs d'efficacité associés directement aux apprentissages des élèves. Le rapport d'Edmonds (1979), par exemple, est cité à plusieurs reprises pour illustrer la deuxième phase de ce domaine de recherche. « Ce rapport mentionnait cinq facteurs clés associés aux apprentissages des élèves, dont le (1) leadership éducatif efficace, (2) des attentes élevées à l'égard des élèves (3) un accent sur les habiletés de base (4) un climat ordonné et sécuritaire et (5) une évaluation fréquente du progrès des élèves », relève Jérôme St-Amand.

La troisième phase a plutôt cherché à mieux connaître les raisons pour lesquelles certaines variables contribuent à l'efficacité pédagogique. Trois cadres théoriques, ayant chacun comme objectif d'expliquer pourquoi et comment certaines caractéristiques contribuent à l'efficacité éducative, ont été envisagées dans cette phase : (1) l'orientation économique (p. ex. l'influence des ressources matérielles et financières) ; (2) l'orientation sociologique (p. ex. l'influence des pairs, de l'origine ethnique, du sexe de l'élève, du statut socio-économique) et (3) l'orientation psychologique (p. ex. l'influence de la motivation, de l'aptitude de l'élève).

Le professeur adjoint en psychologie de l'éducation conclut l'explication de cet historique en situant le champ de recherche au sein des perspectives scientifiques actuelles : « Nous sommes en ce moment dans la quatrième phase où l'on tente d'établir des liens entre la recherche sur les facteurs d'efficacité et les travaux visant l'amélioration des environnements sociaux éducatifs ».

Le professeur St-Amand soulève que de nos jours, lorsqu'il est question de recherche sur l'efficacité pédagogique, mieux connue sous la terminologie anglaise Educational Effectiveness Research, « l'accent est porté sur l'expression Educational Effectiveness, au lieu de Teacher Effectiveness ou School Effectiveness, afin d'accentuer l'importance de mener des études combinant efficacité-école et efficacité éducative; combinaison pouvant amener à identifier et mieux comprendre les interactions entre les variables se situant au niveau de l'école, de la classe et de l'individu, ainsi que leur contribution potentielle sur les apprentissages des élèves. Finalement, il est important de noter que le EER renvoie au fonctionnement global du système scolaire et peut donc être utilisé pour développer des modèles d'efficacité », explique-t-il.

Perspectives de recherche

En faisant référence à l'ouvrage So Much Reform, So Little Change (Payne, 2008), Jérôme St-Amand estime « qu'il est très difficile de comprendre pourquoi autant d'efforts dédiés aux réformes éducatives en arrivent à des résultats aussi mitigés », fait-il remarquer.

Le professeur adjoint entend d'ailleurs consacrer sa prochaine recherche sur l'inefficacité éducative (School inneffectiveness) et plus précisément, sur l'étude du déclin éducatif (school decline), définit comme étant « la diminution de l'habileté de l'école à contribuer positivement au rendement scolaire des élèves. Des études sur le déclin scolaire sont nécessaires pour mieux comprendre le dysfonctionnement des écoles », affirme le chercheur.

Et c'est dans cette perspective que le professeur St-Amand entend examiner comment s'opère longitudinalement la dynamique des relations sociales chez les enseignants et les élèves, issus d'écoles efficaces et inefficaces, qui fréquentent un contexte linguistique minoritaire.