Panser le mal canadien : le remède linguistique de la Commission Laurendeau-Dunton

Les Conversations de la recherche et de la création ont mis en vedette, le 11 décembre 2015, la professeure adjointe en Histoire et droits linguistiques, Valérie Lapointe Gagnon, a présenté les grandes lignes de la Commission Laurendeau-Dunton, sujet auquel ses recherches doctorales et postdoctorales se sont attachées.

Étienne Alary - 11 janvier 2016

« La Commission Laurendeau-Dunton constitue un moment singulier dans l'histoire canadienne et québécoise. Apparue dans un contexte particulier au début années 1960, cette commission a mis en scène des intellectuels engagés pour penser et panser les plaies du pays », souligne Valérie Lapointe Gagnon.

Cette commission rassemble 10 commissaires et une équipe de recherche composée de plus d'une centaine d'universitaires canadiens et provenant de l'international. Au cours de ses travaux, quelque 400 mémoires y sont déposés. Au final, on publie un rapport en 6 volumes, abordant I. Les langues officielles, II. L'éducation, III. Le monde du travail, IV. L'apport culturel des autres groupes ethniques, V. La capitale fédérale, VI. Les associations volontaires.

« C'est une des commissions d'enquête qui a le plus influencé le paysage des politiques linguistiques au pays », soutient la professeure adjointe.

Dans sa présentation, Valérie Lapointe Gagnon replace d'abord la commission dans son contexte d'émergence. Elle rappelle que dans les années 60, il y a un vague à l'âme identitaire canadien pris entre ses repères traditionnels britanniques et la volonté de se trouver de nouveaux symboles. « On remarque aussi une affirmation identitaire du Québec et des critiques virulentes du manque de bilinguisme à Ottawa, sans oublier la multiplication des études sur la dualité dans les milieux intellectuels et académiques. »

C'est donc en juillet 1963 que le projet de commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme est initié par Lester B. Pearson. Il rassemble une équipe formée de 10 commissaires qui doivent représenter la diversité canadienne. On retrouve deux co-directeurs André Laurendeau (Montréal) et Davidson Dunton (Montréal) ainsi que 8 commissaires , soit le Père Clément Cormier (Moncton), Royce Frith (Toronto), Jean-Louis Gagnon (Montréal), Jean Marchand (Montréal), Gertrude Laing (Calgary), Jaroslav Rudnyckyj (Winnipeg), F.R. Scott (Montréal), Paul Wyczynski (Ottawa)

Comme le fait remarquer Valérie Lapointe Gagnon, le mandat de cette commission est clair : « Faire enquête et rapport sur l'état présent du bilinguisme et du biculturalisme au Canada et recommander les mesures à prendre pour que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples qui l'ont fondée, compte tenu de l'apport des autres groupes ethniques à l'enrichissement culturel du Canada, ainsi que des mesures à prendre pour sauvegarder cet apport. »

Avec ses recherches, la professeure adjointe tend veut montrer sous un nouveau jour un moment clé de l'histoire intellectuelle canadienne en brisant les frontières entre les milieux intellectuels anglophones et francophones, en intégrant les femmes et en mettant en lumière l'apport de commissaires moins connus tels que Gertrude Laing, Paul Lacoste et Jaroslav Rudnyckyj.

Valérie Lapointe Gagnon profite des Conversations de la recherche pour montrer la pluralité des remèdes envisagés à l'époque.

« Le politologue Guy Laforest souligne le moment particulier qui se constituait vers 1968 alors que tout était encore possible en matière constitutionnelle. Toutes les options ont été explorées par la Commission. Certains commissaires vont se montrer en faveur d'une révision complète du compromis initial. Les commissaires vont vouloir faire en sorte que ça ne soit plus un obstacle de parler français partout au pays. Ils vont vouloir mettre en place des mesures atténuant les disparités », relève-t-elle.

Parmi les changements suggérés, on note :

  • Réviser l'article 133 de la Constitution (L'anglais et le français sont deux langues officielles du Canada)
  • Encourager les programmes d'immersion.
  • Créer des chaires de recherche sur le bilinguisme et le biculturalisme dans les universités.
  • Faire en sorte que le français soit la langue officielle du travail au Québec.
  • Lieu de réflexion sur une façon de repenser la Confédération pour donner une place particulière au Québec.

Contribution de Gertrude Laing

Pour Valérie Lapointe Gagnon, il ne fait aucun doute que la commissaire Gertrude Laing, de Calgary, a contribué positivement à la commission. « Elle a une conception originale des droits linguistiques et de la place du français au Canada. Elle va prononcer des conférences à l'ACFA pendant les années 1960 sur la place que devrait occuper le français au pays. Elle est même en faveur d'une révision constitutionnelle majeure », souligne la professeure adjointe de celle qui est née en 1905 en Angleterre, qui émigre au Canada à 5 ans avant de déménager en 1952 à Calgary.

Elle entend d'ailleurs profiter des prochains mois pour se pencher sur cinq intellectuELLEs en quête de liberté et d'égalité, soit Gertrude Laing, Hilda Neatby, Solange Chaput-Rolland, Jeanne Lapointe et Gwethalyn Graham.

À noter qu'il est possible de consulter la thèse sur la Commission Laurendeau-Dunton de la professeure adjointe à l'adresse suivante : http://theses.ulaval.ca/archimede/meta/30466